Chapitre 2
La voix lui fit une drôle d'impression. Un mélange de curiosité et de répulsion.
Il entra dans la cabane. L'odeur était plus intense, presque dérangeante. Près de la cheminée, un personnage était assis, tisonnant les braises avec une tige de fer. Il se retourna vers lui :
- Entre, entre. Viens t'asseoir près de moi.
Un petit fauteuil se trouvait en face de lui. En quelques pas, il lui fit face. C'était un petit homme rabougri à la barbe blanche et hirsute. Il souriait. Il lui restait quelques dents, jaunes et pointues. Sur sa tête, le capuchon de sa tunique recouvrait son crâne.
- Je suis Siriogor. Bienvenue chez moi ! Veux-tu connaître ton nom ?
Le soldat était stupéfait de s'apercevoir qu'aucun nom ne venait spontanément à sa mémoire. Il l'avait laissé là-bas, dans la boue. Comme toutes les autres choses. Il était un être neuf, sans nom et sans âge.
- Oui, je veux bien le connaître.
- Ton nom est Timéo. Lui annonça le vieil homme.
Ce fut comme une révélation ! Une évidence ! Bien sûr, c'était son nom !
Siriogor remua de nouveau les braises et une gerbe d'étincelles s'envola en crépitant.
- Si tu es venu jusqu'ici, c'est que nous avons quelque chose à te proposer. Durant ton existence précédente, tu as expérimenté la plus grande des peurs, celle d'être tué à tout moment. Tu as fini par l'être d'ailleurs. La peur de la mort est la plus grande des peurs que l'être humain puisse ressentir. Elle est la mère de toutes les autres. Dans chaque peur, que ce soit celle d'une araignée, ou de parler en public la peur de la mort est présente.
Timéo ne voyait pas vraiment comment une araignée pouvait avoir un rapport avec la mort, il n'avait jamais craint ces bestioles. Elles n'éveillaient en lui aucune appréhension. Il comprenait pourtant, avec étonnement qu'on pouvait en être terrorisé. Il pouvait ressentir cela, juste en y pensant. Un peu, comme on pourrait parler d'un bon vin après l'avoir goûté.
- Tu as cette capacité de comprendre et de ressentir toutes les peurs. Repris Siriogor, sans en ressentir les effets.
- En quoi cette capacité me sera utile ? S'étonna Timéo.
- La peur est une fonction protectrice. Elle est nécessaire à l'être humain pour le protéger des dangers. Mais elle a aussi la fonction de bloquer et de limiter la vie des êtres humains. C'est là que tu interviens.
Le sourire sur le visage de Siriogor faisait pétiller ses yeux où se reflétaient les flammes du bois qui brûlait.
- Nous souhaitons te renvoyer sur terre, à des époques différentes. Le temps n'existe pas. Ton rôle sera d'effacer les peurs limitantes de certains humains, pour lesquelles nous avons de grands desseins et qui sont englués pour le moment dans leurs blocages.
Timéo dressa l'inventaire des peurs dont il se souvenait. La peur de ne pas être à la hauteur, celle de ne pas être aimé, la peur des parents pour leurs enfants, celle de s'étouffer en mangeant, de se perdre, des serpents... Elles étaient si nombreuses ! Il imaginait tout à fait combien en être libéré pouvait amener cette liberté et cette légèreté chez les hommes.
Il ne pouvait se défiler. Il ne ressentait aucune appréhension. Une confiance infinie se propageait en lui, marée montante d'une force formidable. Même le doute n'existait plus. Cette petite voix, qui susurrait auparavant au creux de son cerveau, s'était tue. À la place vibrait un chant fantastique, où il lui semblait percevoir toutes les connexions de l'univers.
Il se sentait prêt.
Siriogor le regardait intensément.
- Ne pense pas que les choses seront simples, les humains bien qu'ils s 'en défendent, adorent leurs peurs. Elles leur permettent d'échapper à certaines obligations ou à certaines responsabilités. C'est le paradoxe."
- Même pas peur ! Cria-t-il.
Il se leva, tendit sa main vers le vieil homme.
- Je commence quand ?
- Maintenant !
Puis tout disparu.

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