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Un peu avant d’arrêter son activité, il s’était inscrit au Club du troisième âge, non pas pour aller jouer aux cartes ou se dandiner aux thés dansants, il a horreur de ces amusements et de l’ambiance de vieux. C’était pour les voyages ! Son grand, son seul vrai regret était de ne pas avoir pu voyager. Il n’avait connu qu’un pays étranger, l’Algérie. Il n’y était pas allé faire du tourisme !

En remuant cette amertume, il s’aperçoit qu’il a oublié le périple en Italie, il y a plus d’une vingtaine d’années. La coopérative avait invité des éleveurs italiens à découvrir la foire d’où partaient les animaux qu’ils engraissaient pour produire les fameux vitelloni, le veau italien. Ils avaient visité quelques fermes alentour, dont la sienne. Ils avaient bien accroché, à tel point que ce maquignon italien, dont il ne se souvenait plus du nom, les avait conviés, tous les trois, à venir chez lui en Lombardie. Il avait eu du mal à accepter d’abandonner son exploitation et ses bêtes pendant une semaine entière, puis à trouver quelqu’un de confiance. Ils avaient fait le voyage jusqu’à Crémone. Deux jours de voiture, trois jours sur place et le retour. Il revoyait les trajets et les restaurants avec les plats de pâtes, le vin. Les repas ! Les autres images s’étaient un peu estompées. L’impression demeurait : voir un pays étranger, ne pas comprendre ce que les gens disaient et finir par échanger avec les gestes lui avaient beaucoup plu. Ils avaient traversé des villages, très beaux, visité quelques églises. Cela avait été une agréable expédition. En rentrant, il avait été rassuré, tout s’était bien passé. Ils avaient quand même choisi une période calme, sans travaux, sans vêlage.

***

Il participe à chaque voyage annuel. Il est allé à Venise, à Barcelone, à Londres, à Florence, dans plusieurs régions de France. Partout, il y a des choses étonnantes à découvrir, à observer. Maintenant qu’il ne peut plus choisir, il cherche une profession qu’il aurait aimé faire et qui lui aurait permis de parcourir le monde, jusqu’en Asie, jusqu’en Chine ! Pilote d’avion ? Homme d’affaires internationales ? Homme politique ? Il s’amuse à inventer ces professions, ne pouvant pas bien imaginer la réalité d’un voyage d’affaires. Même en France, il avait été impressionné par le mont Saint-Michel, la cathédrale de Strasbourg, Carcassonne, Chambord… Aucune excursion ne les avait emmenés à Paris : « Trop cher ! » lui avait-on systématiquement objecté. Il n’est jamais allé visiter Paris !

Il paie toujours le supplément pour avoir une chambre individuelle : il ne se voit pas partager une chambre avec un autre vieux qui ronfle la nuit. Son plaisir est de regarder, d’observer, en écoutant les explications du guide ou de l’accompagnateur. Il y a tellement de choses étonnantes, différentes. Quand il revient, il redécouvre son pays, content de ce qu’il a vu, content de se retrouver dans ce paysage familier, imaginant déjà la prochaine escapade.

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