Opening : https://www.youtube.com/watch?v=DDjPc51fR8Y

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Proie de l'obscurité, Tokri Utak sentait son environnement tanguer autour de lui au rythme des à-coups que subissait son crâne. Malgré toutes ses tentatives, une masse invisible pesait douloureusement sur son corps, lui interdisant tout mouvement. Jamais il n’avait autant souffert, chaque fibre de son être le brûlait, lui arrachant des plaintes malgré lui.

Des murmures lui parvinrent, faibles mais insistants, mystérieux réconfort à la douleur qui l’accablaient. S’accrochant à ces ancres, le flot de douleur se dissipa peu à peu, tandis qu'une étincelle d’espoir s’éveilla en lui lorsqu’il réalisa que ces voix, pourtant si lointaines, lui étaient familières.

— Quand va t-il se réveiller ? demanda la voix inquiète d'une jeune femme.

— Bientôt, selon son oncle, répondit une voix au timbre plus grave.

Sans comprendre pourquoi, Tokri eut la conviction d'être à présent en sécurité. Retrouvant sa capacité de raisonnement, les souvenirs des derniers évènements lui revinrent progressivement à l'esprit. Furieux de son état pitoyable, Tokri rassembla toute sa volonté jusqu'à parvenir à remuer le petit doigt. Constatant que les douleurs de son corps s’étaient grandement apaisées, il tenta d’ouvrir les yeux, mais regretta instantanément son empressement. Aveuglé, il dût prendre le temps de s’accoutumer petit à petit à la lumière. Amer, Tokri comprit qu’il était allongé dans l'un des lits de l’Hôpital, une fois de plus prisonnier de son propre corps.

Son équipe était à son chevet, leurs silhouettes rassurantes baignant dans la douce chaleur du soleil de Chikara. De par sa teinte orangée, le Genin en déduisit que l'après-midi touchait à sa fin. Il parvint enfin à ouvrir véritablement les yeux, croisant le regard d’émeraude de Nika.

— Tokri ! s'écria-t-elle en se penchant brusquement vers lui pour le prendre dans ses bras, à la surprise générale.

L'entendant grogner de douleur, elle se détacha aussitôt, penaude.

— Désolé, bredouilla-t-elle, les joues brûlantes de honte. J’ai eu tellement peur pour toi.

Tokri hocha légèrement la tête, ne sachant réagir face à cette effusion d’affection peu commune chez la marionnettiste.

— Tu en as pas marre de toujours finir dans cet état ? lui reprocha Mutika, sourcils froncés tout en tirant sur son écharpe.

Le jeune homme sentit avec surprise l'inquiétude perçant sa voix et constata l’éclat dans ses yeux, d’une tension qu’il n’avait pas vue depuis longtemps chez son ancien meilleur ami. Se souciait-il de lui, finalement ?

— Un Genin m’a provoqué en duel, répondit l’Utak d’une petite voix.

Un sourire réconfortant aux lèvres, Izul prit place sur une chaise, à côté du lit de Tokri.

— Voyons le côté positif ! déclara-t-elle en riant. Tokri va finir par pouvoir nous conseiller la meilleure chambre lorsque ce sera notre tour d'être blessé !

La plaisanterie fit mouche auprès des adolescents, qui éclatèrent de rire. Malgré son état, même Tokri esquissa un sourire amusé. Gomali les interrompit à contrecœur en s'éclaircissant la gorge.

— Navré de te demander cela, commença son mentor avec gravité, avant de demander : est-ce toi qui a provoqué ce duel ?

— Non, répondit Tokri du tac au tac. J’ai tout fait pour l’éviter.

— Cohérent avec ce que sa famille m'a expliqué, l’informa le Myô, un soupçon de soulagement dans la voix. Il a visiblement voulu employer un pouvoir pour lequel il n’était pas prêt.

Il se passa une main sur le crâne, comme pour dissiper les derniers doutes persistant dans son esprit.

— Contre l’avis de son clan et en autodidacte, ce garçon a grillé les étapes de son apprentissage des Portes, poursuivit-il. Selon eux, il se comportait étrangement ces derniers temps.

— Au fil du combat, il avait l'air de plus en plus fou, confirma le Genin, ressentant toute sa pitié pour Toshirô. Ya-t-il un moyen de l'aider ?

Pensif, Gomaki se mura un bref instant dans le silence, comme s’il pesait chacun des mots à venir. S’il avait eu l’autorisation de s’allumer une cigarette pour inspirer sa réflexion, Tokri était persuadé qu’il baignerait dans sa fumée.

— Navré mon garçon, soupira-t-il finalement, jugeant qu’il était inutile de prendre des gants. Toshirô est mort.

Un silence lourd suivit la nouvelle. Tokri baissa les yeux, incapable de soutenir le regard de ses coéquipiers.

— C’est terrible, souffla Nika, les mains serrées sur ses genoux. Et injuste.

— Injuste ? répéta Mutika d’un ton amer. Il a joué avec sa propre vie et il a perdu. La justice n’a rien à voir là dedans.

— Mutika, s’il te plaît, intervint Izul avec sérieux, désignant discrètement Tokri d’un mouvement de tête.

Le jeune homme fixa ses mains tremblantes, avec le sentiment de ressentir le poids de cette vie qu’il n’avait pas voulu prendre. Un frisson glacial parcourut l’échine de son dos. Il avait grandi en sachant qu’il devrait un jour ôter des vies, mais il n’avait jamais imaginé que sa première victime serait un chikarate.

Une question ne cessait de le tourmenter. Était-il entièrement responsable de la mort de Toshirô ?

— Tu n'es pas fautif, tu en as conscience ? tenta de le rassurer Nika en posant une main hésitante sur celle crispée de l’Utak, semblant lire dans ses pensées.

Bien que le nœud de la culpabilité étreignait sa gorge, l’adolescent s’admit qu’elle avait raison. Tokri avait rejeté le combat, et avait ensuite tenté à plusieurs reprises d'y mettre fin. Toshirô s'était tué tout seul en utilisant une arme qu'il ne maîtrisait pas, face à un adversaire qui ne faisait que se défendre.

Néanmoins, une voix, plus sombre, lui murmurait que s’il avait été plus rapide et plus fort, il aurait pû empêcher ce désastre. Chaque pensée contradictoire était un poids supplémentaire sur sa conscience, déchirant son âme en deux.

Gomaki finit par briser ce silence mortifère afin d’informer Tokri qu'il ne sera pas tenu responsable du décès de Toshirô, compte tenu des antécédents du défunt. Il sera toutefois entendu par le QG dans le cadre d'une enquête administrative, mais le clan Okuggi avait d'ores et déjà informé le Juunin qu'ils ne poursuivraient pas son élève. Aux yeux des autorités de Chikara, il s'agissait d'un entraînement entre deux jeunes Genins impétueux qui avait mal tourné. Toshirô ayant volontairement usé d'une capacité qui lui avait coûté la vie, il était tenu pour seul responsable du dénouement tragique.

Le Myô l’informa également que leur première mission de rang C leur avait été confiée. Afin de distribuer les différentes missions à leurs shinobis, les Villages les divisaient de D à A, en fonction de sa difficulté. Encore au-dessus, le rang S était attribué aux affaires les plus sensibles, livrés uniquement par les Juunins les plus expérimentés.

Cette première mission d’importance allait être à livrer conjointement avec des shinobis de Gensou, hors de la juridiction de Chikara. Une fête importante dans un village du nom de Nikidami, partenaire commercial commun au Désert et à la Cascade, y avait lieu et les villageois craignaient qu'une bande de bandits ne gâche les réjouissances. Leur mission consistait à les protéger.

Les Chikarates avaient toutefois pour instruction officieuse de discréditer en toute discrétion les Gensouards, afin que Chikara obtienne la majorité des bénéfices. Gomaki ne serait présent qu’en tant qu’observateur, le chef officiel étant l'un des envoyés de Gensou. Tokri comprit que cette mission était un test. Selon l’évaluation de Gomaki et les résultats de la mission, le QG estimerait la capacité de la Team Gomaki à livrer ce type d'affaires.

Tandis que la discussion s’orientait vers les détails logistiques, Tokri peinait à se concentrer, son esprit revenant sans cesse vers Toshirô. Était-il vraiment prêt à repartir si vite sur le terrain ? Et qu’en était-il de la responsabilité des Okuggi dans ce drame ? Toshirô avait visiblement été poussé à des extrémités sous pression clanique mais comme bien souvent, Chikara allait fermer les yeux. A quoi bon se préoccuper d’un outil cassé quand tant d’autres restaient à disposition ?

— Nous partirons lorsque tu te seras rétabli, conclut Gomaki, le tirant du marasme de ses pensées. A moins que tu ne souhaites prendre une carte de fidélité ici ?

— Je n'y tiens pas, rétorqua Tokri, laissant échapper un faible sourire.

— Deux sourires en un quart d’heure ? s'étonna faussement Mutika. Qu’avez-vous fait de Tokri ?

Surpris par le retour de l’humour de l’Oroshi, Tokri ne sut quoi répondre. L'éventualité de voir mourir son ancien meilleur ami l’avait-il amené à revoir son comportement à son égard ?

— Avant de te laisser te reposer, j’ai un détail à régler avec toi en prévision de tes futurs entraînements, déclara Gomaki, priant de fait le reste de l’équipe à quitter les lieux.

Mutika et Izul obéirent à leur mentor, laissant Nika sortir en dernier après un dernier signe de la main à Tokri. En tête à tête, Gomaki donna un petit papier à son pupille.

— Tu connais le fonctionnement du papier à Chakra ?

Tokri opina du chef et serra fermement le papier dans la paume de sa main. En y concentrant son Chakra, la réaction du papier révélerait la nature élémentaire de ses énergies. Depuis tout petit, le jeune homme rêvait d'être fixé sur son élément, mais le papier à Chakra était un luxe malheureusement devenu rare. Autrefois, l'Académie en fournissait à leurs élèves, mais des coupes budgétaires et le délaissement de l’apprentissage des affinités en avaient privé la génération de Tokri.

L’Utak sentit un frémissement et ouvrit la main sur deux bouts de papier, tranché net. Le vent, symbole de liberté mais aussi d’impétuosité. Tokri esquissa un sourire, satisfait.

— Cela convient parfaitement à tes appétences et à ton caractère, constata le Juunin, satisfait. Je possède cette affinité et je pense savoir quels tours te transmettre en priorité.

Souriant en songeant que Bril serait satisfait de le voir porteur de l’affinité familiale des Utak, un bâillement s’arracha à Tokri. Le Juunin, paternel, lui tapota l’épaule et le pria de se reposer afin de leur revenir en pleine forme. Ses maigres forces épuisés par le basique exercice, Tokri n’eut aucun mal à satisfaire son sensei et sombra dans le sommeil au moment avant même que la porte ne se referme sur le Myô.

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Ending : https://www.youtube.com/watch?v=TqFkv1ib1FU