Épisode 4 - Intégration

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 La fraîche nuit tirait lentement sa révérence, laissant bientôt place à l’aube et ses promesses. Pour sa dernière nuit à l’hôpital, Sarouh n’avait cette fois encore pas été épargné par les cauchemars. Face au miroir de la salle de bain, les yeux émeraudes brûlants de fatigue et les cernes creusées, il lâcha un juron. L’eau glacée du lavoir lui fit du bien, sans calmer le cœur qui battait à ses tempes. Le manque de sommeil ravageait ses traits, alors qu’il allait être considérablement mis à contribution.

 Gomaki leur avait annoncé un programme très chargé, et tout aussi fastidieux. Le moment était mal choisi pour afficher sa faiblesse. Il plongea sa tête dans l’eau froide, espérant mettre de l’ordre dans ses idées.

 Il se fit la revue des cours qu’il aurait à dispenser. En genjutsu, il avait bien en tête les difficultés de chacun. Ayant enfin trouvé un angle d’attaque satisfaisant pour les Genins à la traîne, Tokri et Mutika allaient enfin progresser. Nika suivait son plan ; Izul avait dépassé ses espérances. Encore plus douée que prévu, la kunoichi mettait un point d’honneur à briser ses illusions avec un sourire charmeur. Difficile de dire lequel des deux était envoûté. Non seulement elle était talentueuse dans l’utilisation de son Chakra, mais Izul s’illustrait aussi par ses connaissances. Bien décidée à profiter du savoir de Gensou, elle l’abreuvait de questions pointues, naviguant sans problème au travers de ses réponses parfois complexes. Pas besoin de chercher bien loin à qui l’azurée le faisait penser.

  Son intelligence vive et son intérêt académique n’étaient pas les seules choses qui séduisaient le Tsumyo. Il lui avait été très difficile de nier son attirance pour la belle Chikarate lorsque son regard se perdait sur sa silhouette féminine, trempée par les exercices de ninjutsu. Surpris plusieurs fois par une sensation dévorante lors des entraînements, se concentrer à ses côtés lui avait demandé des efforts surhumains.

 Qui avaient payé. Sous son mentorat, la future médecin progressait à une vitesse fulgurante. De plus, la demoiselle faisait preuve de compréhension, d’empathie et d’instinct. Le Gensouard était sûr qu’elle l’avait arrosé pour s’assurer qu’il supporte la chaleur du désert, avant de lui ouvrir en grand la porte pour fuir les bains. Qu’elle ait fait le rapprochement avec ses cicatrices ou non, c’était d’une prévenance rare.

 Sarouh secoua la tête, avant de la plonger à nouveau dans l’eau glacée. Le moment était mal choisi pour se fasciner de l’azurée. S’amouracher de la belle était une idée aussi dangereuse qu’irresponsable. Se souvenir de ses propres enseignements ne ferait pas de mal. Il lui fallait mettre de la distance, au risque de compromettre sa mission. Le mieux serait de se concentrer sur les autres membres de l’équipe, avant qu’elle ne prenne toute la place.

 Décidé, il commença doucement à s’étirer et à s’échauffer, de fines gouttes roulant sur ses muscles alors qu’il testait les nouvelles limites de sa mobilité. Le shinobi fut ravi de sentir son corps répondre sans plainte à ces exercices. Il faudrait encore un peu de temps pour recouvrir l’entièreté de ses capacités, mais de son point de vue, il était guéri. L’entraînement pourrait reprendre là où il l’avait laissé avec l’examen Chuunin. Serait-il à la hauteur, cette fois ?

 Il saisit Aura, contemplant un instant les fines gravures animales le long de la lame et les enluminures trônant sur la poignée. Le présent de ses parents continuait à ravir ses yeux. Parfaitement équilibrée, l’arme était un trésor d’artisanat. Sarouh la dégaina et fendit l’air à toute vitesse, se remémorant les sensations qui étaient siennes depuis l’entraînement acharné qu’il s’imposait depuis le tournoi inter-Village. Lorsqu’il fut entièrement satisfait, le soleil commençait à embraser la ligne d’horizon.

 Il était temps. S’habillant rapidement de sa tenue de combat, n’ayant pas eu l’occasion d’acheter d’autres vêtements, il sortit à toute vitesse vers le terrain d’entraînement, savourant la fraîcheur désertique, pas encore remplacée par la chaleur étouffante. Stimulé par l’exercice autant que par la perspective de l’entraînement avec l’équipe, il fusa à travers les rues, un sourire plaqué au visage.

****

 Premier sur place, le Chuunin s’attela à réviser rapidement les différents types de manipulation du Chakra. S’il était très à l’aise avec la majorité, le zetsu lui demandait toujours un peu plus d’efforts, et il voulait que sa présentation soit parfaite. Sarouh commença à malaxer son Chakra et à cycler les exercices, en prenant soin de ne pas se fatiguer inutilement. Concentré, il fut surpris par l’arrivée discrète de la marionnettiste du groupe.

 Soucieuse de ne pas l’interrompre, Nika le salua d’une courbette. Pourtant, Sarouh mit fin à sa méditation pour aller à son encontre en souriant. Premier moment seul à seule depuis Nikidami, il était ravi de cette opportunité.

— Ne te dérange pas pour moi, lui dit-elle presque dans un murmure.

— Tu ne me gênes pas, bien au contraire. Tu as fini ce que tu faisais avec Tokri ?

— Presque, je l’ai laissé partir pour qu’il puisse se changer…

 Sarouh jugea qu’il n’avait pas besoin de relever la pointe de regret qu’il décelait dans sa voix. Étouffant sa curiosité dans l’oeuf, le Chuunin enchaîna avec les autres sujets qu’il avait sur le cœur, espérant dissiper le malaise perceptible de la jeune femme, qui détournait le regard. Il s’inclina du buste, avant de proclamer :

— Je tenais à m’excuser pour ce que je t’ai dit l’autre jour. Je ne pensais pas avoir l’opportunité de travailler à nouveau avec vous, et par conséquent, j’y suis allé plus fort que je n’aurais dû. Je suis désolé.

 Il avait terminé en bredouillant. Décidément, il était beaucoup plus doué pour déclarer ce genre de choses dans sa tête. Nika ne cacha pas sa surprise et lui répondit en évitant soigneusement de croiser son regard :

— Il n’y a pas à s’excuser. C’était nécessaire. Je pensais que tu avais compris que je ne t’en voulais pas.

— S’il y en avait une capable de comprendre, je me doutais que c’était toi. Mais je te devais les mêmes excuses qu'aux autres. Ton intelligence vive ne doit pas te priver du respect qui t’est dû.

 La Genin s’empourpra et replaça d’un geste ses cheveux devant ses yeux, espérant que ça la rendrait invisible. C’est Mutika qui la sauva de sa gêne. Un large sourire collé sur le visage, le roux était bien plus jovial et détendu cette fois.

— Tsumyo, il s’agirait de ne pas draguer toutes les filles de l’équipe. On vous apprend pas le respect à Gensou ?

 Comme à chaque remarque de ce style, l’Hynomori sembla vouloir disparaître. Mutika en profita pour lui lancer sa bourse avec un clin d'œil. Il était inutile de revenir sur cet épisode. Sarouh s’essaya à rentrer dans le jeu du rouquin, tout en accrochant à sa ceinture son bien.

— Ne te sens pas menacé, promis, tu as aussi tes chances, Oroshi.

Une seconde, le Genin sembla hésiter sur la façon dont il devrait prendre sa réplique, avant de se décider à accepter avec un large sourire. Si leur relation tournait à l’échange de pics, il serait en terrain connu avec le Tsumyo. Il salua la maladroite tentative du Gensouard d’un signe de tête et s’échauffa tranquillement un peu plus loin, laissant Nika et Sarouh finir leur conversation.

— Nika ? hésita le Chuunin en détournant le regard. Si un jour tu veux m’apprendre les échecs, j'en serais ravi.

— Ça sera un plaisir quand j’aurais plus de temps.

 La marionnettiste lui adressa un de ses rares sourires solaires. Elle semblait sincèrement heureuse de s’être trouvée un nouveau partenaire de jeu. Sarouh souffla doucement pour évacuer son stress. Pour l’instant, tout se passait bien. Peu après, alors qu’il s’était rassit en tailleur et que l’Hynomori avait copié Mutika en s’étirant doucement, les autres membres de l’équipe arrivèrent en même temps, pile à l’heure.

 Tokri et son attitude impassible habituelle suivi de près d’une Izul rayonnante et d’un Gomaki tirant sur sa sempiternelle cigarette. Une seconde, Sarouh s’interrogea sur la façon dont se prenait le Juunin pour ne pas être repéré en mission, avant que ses pensées ne soient balayées par le large sourire que la kunoichi d’azur lui adressa. Anticipant le taijutsu, elle avait déjà attaché ses cheveux. Habillée d’une tenue noire cintrée pour l’entraînement, elle subjugua instantanément le Chuunin qui s’était pourtant juré de ne pas se laisser destabiliser. Il pria pour que le sourire niais qu’il lui avait adressé en retour ait échappé au reste de l’équipe et se focalisa sur les instructions que donnait Gomaki, ses élèves en cercle autour de lui.

— On change les groupes d’échauffements pour aujourd’hui, c’est important pour que vous ne preniez pas de mauvaises habitudes, commença le Juunin. Sarouh, tu peux participer désormais ?

— Je peux, et j’en serais ravi. L’exercice me manque.

— Allons donc, persifla Mutika.

— Bel enthousiasme, je vois que vous êtes pressés de vous entraîner ensemble. Tokri, avec Izul. La prochaine fois, c'est toi qui décidera des paires. Nika, tu seras ma partenaire.

 Sarouh et Mutika grimacèrent. De tous les membres de l’équipe, l’Oroshi était celui avec lequel il s’entendait le moins. La séance de genjutsu avait mis le roux sur la défensive et l’illusionniste ne savait jamais sur quel pied danser avec lui. Inutile de dire que c’était exactement la raison pour laquelle le diligent Juunin les avait appairés. Il devait voir leur coopération comme indispensable en mission.

 Il jeta un regard à Izul en commençant à travailler, et fut surpris de voir que Tokri était en grande conversation avec elle. Ne laissant pour une fois pas sa curiosité dicter son comportement, il se reprit avec une bonne trentaine de minutes d’échauffements et d’exercices musculaires qui firent son bonheur, sentant son corps répondre vigoureusement à chacune de ses inflexions. Ils passèrent ensuite à la phase de simulation de combat en binôme. Étouffant un soupir, le Chuunin échauffa rapidement ses articulations avant de se mettre en position.

— Ménage-moi, je sors de l'hôpital.

— Ce n’est pas une raison. Tu ne vas pas me dire que les Gensouards savent pas prendre un coup ou deux ?

 Le Chuunin para sans problème de l’avant-bras un coup de pied et Mutika dû esquiver un enchaînement de plusieurs coups de poings emprunté à la boxe. Le Genin sembla surpris un instant du répondant de son adversaire, comprenant qu'il l'avait peut-être un peu sous-estimé. Ils continuèrent ainsi leur simulation de combat dans le plus grand silence jusqu’à ce que Mutika revienne à la charge.

— Je te voyais plus fragile que ça, après la branlée que Tokri t’a infligée.

— Je ne l’aurais pas défini ainsi, répondit Sarouh avec un sourire, parant un autre coup. J’ai gagné il me semble.

— Pas les premiers échanges.

 Mutika esquiva un crochet, tenta une balayette qui fut évitée d’un petit saut et ils se retrouvèrent en position de lutte, chacun bloquant le poing de l’autre.

— Je le testais. Es-tu si sûr que tu pourrais m’affronter, si je me battais à fond ?

— Certain, lui répondit l’Oroshi en le défiant du regard en conservant son rictus.

— Je serais ravi de voir ça.

 Sarouh était sérieux. L’ivresse du combat le grisait toujours et c’était l’une des rares choses qui continuaient à l’emplir de satisfaction au fil du temps. Affronter le ninja adepte du Doton serait une expérience agréable et enrichissante, il en était sûr. Le Chikarate n’aurait pas à beaucoup se faire violence. Ses attaques rageuses hurlaient le ressentiment qu’il taisait en lui. Le temps en effacerait une partie. Pour le reste, il faudrait un réel duel entre eux. Mais pas aujourd’hui. Sur cette promesse silencieuse, la simulation s’arrêta, Gomaki les rappelant autour de lui.

— Bien, je suis satisfait de ce que j’ai vu. Continuez à faire preuve de sérieux, seule la constance permet d’atteindre un niveau satisfaisant, rappela-t-il en glissant un regard à l’illusionniste qui eut du mal à ne pas le prendre pour lui. Maintenant votre moment préféré de la journée : genjutsu !

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