Épisode 3 - De vent et d'eau
Gomaki les guida jusqu’à la zone commerciale du Village et s’arrêta devant l’un de ses nombreux restaurants, une expression d’intense satisfaction au visage en humant les odeurs de nourriture.
— Mon moment favori de la journée, leur chuchota malicieusement le Myô.
Diverses remarques du personnel firent comprendre aux Genins que leur était un habitué, tandis qu’un serveur les guidait à la table réservée pour leur groupe. Une fois installés, chacun commanda un plat, avant d’échanger avec sérieux autour de la matinée qui venait de s’écouler.
Lorsque les plats furent servis, les conversations se tournèrent vers des sujets plus légers. Assis à côté de Nika, Tokri attaqua un simple plat de pâtes-viande.
— Comment t’as fait pour réussir aussi rapidement l’exercice des sables ? lui demanda brusquement Mutika, posté devant eux. T’as galéré comme un chien avec le Kai !
L’Utak entendit Nika manquer de s’étouffer avec sa nourriture. Craignant que la jeune femme ne fasse une gaffe, il tenta un bluff un peu trop empressé.
— J’ai visualisé tout de suite le principe, répondit-il avec calme, en levant nonchalamment les épaules..
Le regard que lui lança le rouquin était éloquent, n’appréciant que peu d'être pris pour un idiot.
— Mouais, marmonna-t-il en jetant un regard vers la Hynomori, dont le rouge était monté aux joues. Tu as un peu chaud ?
— Du tout, bafouilla-t-elle en faisant descendre ses cheveux devant son visage. Juste un peu fatiguée.
— Faut dire que vous avez tout donné ce matin, lâcha l'Oroshi, faussement innocent.
— Fous lui la paix et mange, espèce de chieur, l’intima Tokri avec un demi-sourire, voyant clair dans le jeu de son ami.
Mutika pouffa de rire avant de reprendre son repas, orientant lui-même la conversation vers des sujets routiniers en preuve de bonne volonté. Une fois le déjeuner achevé pour tous, Gomaki leur offrit un temps de digestion sur place avant d’ordonner le retour au terrain d’entrainement. Ils se placèrent une fois de plus en ligne face à leur instructeur, qui reprit la parole tout en sortant son paquet de cigarette.
— Cet après-midi sera dédié au domaine qui intéresse particulièrement la plupart d’entre vous. La maîtrise de la marche sur les sables avait d’ailleurs pour but de vous faciliter le perfectionnement de cet art.
— Ninjutsu ? demanda timidement Nika.
— Bingo, confirma Gomaki en s’allumant une cigarette. On attaque l’exploitation de vos affinités. Par chance, je possède les affinités de trois d’entre vous.
Le regard de Gomaki se posa tour à tour sur Tokri, Mutika et Nika, marquant clairement qu’ils étaient les heureux élus. Le Juunin se tourna ensuite à peine vers Izul lorsque celle-ci, comme prise de court, lâcha précipitamment :
— Puis-je me mettre en binôme avec Sarouh ?
Un bref silence surpris s’installa, seulement troublé par le grésillement discret de la cigarette de Gomaki. Sarouh et Izul étant tous deux de l’élément Eau, les faire travailler ensemble tombait sous le sens. Son empressement était bien plus intrigant.
Mutika adressa un petit sourire à Tokri, qui conserva son masque d’impassibilité. Tant que cela n’impacte pas l’équipe, ne cessait de se répéter Tokri.
— C’était prévu oui, répondit finalement Gomaki en scrutant son élève aux cheveux d’azur. Vous pouvez commencer d’ailleurs. Tokri, avec moi. Mutika et Nika, je viens vers vous dès que possible.
Izul s’éloigna avec Sarouh en jetant un regard narquois à Mutika qui, entre surprise et agacement, fronça les sourcils en marmonnant quelque chose entre ses dents. Se vengeait-elle de leur échange tendue au promontoire ? L’Utak soupira, comprenant qu’il lui faudrait certainement faire un rappel à l’ordre à la kunoichi.
— Un soucis ? lui demanda Gomaki, remarquant les regards appuyés de Tokri vers ses camarades.
— Rien d’ingérable, soupira le chef des Genins.
— C’est le métier qui rentre, répondit Gomaki en un sourire compatissant.
— Si besoin, je vous appelle, lui assura Tokri, désireux de ne pas ennuyer leur mentor avec des broutilles d’adolescents.
Le Juunin lui tapota l’épaule en signe d’encouragement puis, les jugeant suffisamment éloigné du reste du groupe, lui demanda d’être attentif et composa plusieurs signes en direction de mannequins d'entraînement. L’air se resserra autour d’eux, comme une présence palpable, et un souffle de vent se leva, faisant vibrer et plier les silhouettes de bois. prêts à exploser.
— Le Kyouffu, technique de base de la manipulation concrète du vent, lui expliqua Gomaki.
Faisant grésiller sa cigarette pour trouver l’inspiration, Gomaki prit quelques instants de réflexion. Patient, Tokri garda le silence, devinant que son sensei cherchait le bon angle d’apprentissage.
— Lorsque tu aiguises tes armes par ton Chakra élémentaire, ressens-tu quelque chose de particulier ? demanda-t-il finalement.
Tokri hocha la tête et, ressentant le besoin de vérifier son intuition par la pratique, sortit un kunai. Y insufflant son Chakra, il prit alors conscience de d’une sensation fugace avec l’air autour de sa main, presque intime.
— C’est comme si une brise caressait ma main.
Son analyse fit naître un sourire approbateur sur le visage de son professeur.
— Ce ressenti est souvent inconscient. Rares sont les Fuutoniens à s’en rendre compte avant qu’on ne leur pointe le détail. Maintenant que tu l’as perçu, ton premier objectif sera de t’approprier cette sensation sur l’ensemble de ton corps.
— Compris.
— Lorsque tu maîtriseras le Kyouffu, nous passerons à la génération de vent à partir de ton propre Chakra, continua Gomaki, didactique. Certains instructeurs procédent en la logique inverse, mais j’ai toujours estimé qu’il est plus naturel d’utiliser les éléments environnants quand c’est possible.
Il jeta un regard vers Izul et Sarouh.
— C’est d’ailleurs un avantage que tu as sur d’autres affinités…
Tokri observa à son tour la jeune femme, les yeux clos et les mains positionnées l’une devant l’autre, un globe d’eau flottant au milieu. Tokri comprit que la sphère était alimenté par le Chakra de la Leïl, au prix d’une intense concentration. D’abord parfaitement sphérique, elle commença à se désagréger en de courts filets jusqu’à éclater au visage d’Izul. Posté devant elle, Sarouh se retrouva tout autant trempé que Izul et éclata de rire, bien vite accompagné par son élève du moment. Plus enjoué qu’à l’accoutumée, l’Utak ne put s’empêcher de trouver le Tsumyo bien différent à celui auquel ils avaient eu affaire jusque-là.
— Parfait timing avec mon explication, ricana Gomaki, amusé par la scène. Maintenant, concentre-toi.
Après lui avoir montré les signes, Gomaki laissa Tokri à ses exercices pour rejoindre Nika. Désormais seul, le Genin prit un moment pour organiser ses pensées et passer en revue les consignes de son sensei. Une fois certain d’avoir tout intégré, il ferma les yeux, souriant bien vite en ressentant la tiédeur de l’énergie au creux de son ventre. Se rappelant la sensation avec le kunai, il se fit la réflexion que le meilleur moyen d’atteindre son objectif était de diffuser son Chakra à travers l’ensemble de son corps.
Un premier zéphyr effleura ses doigts, presque imperceptible. Peu à peu, Tokri sentit l’air caresser ses bras jusqu’à ce que l’ensemble de son corps soit bercé de douces brises dansantes, murmurantes et timides.
Tokri ouvrit les yeux, constatant avec satisfaction que la sensation perdurait. Avant de tenter le Kyouffu, le Genin jeta un œil à ses camarades. Trempée, Izul continuait à produire un globe d’eau sous la supervision de Sarouh. Il lui sembla que l’adolescente parvenait à la maintenir bien plus longtemps. Nika crachait à répétition de fines flammèches. De part le mouvement de sa tête, il en déduisit que son objectif devait être de générer en peu de temps une série de flammes. Mutika avait un genou à terre et touchait le sol. Devant lui s’était formé un mur de terre de quelques décimètres. Non loin, Gomaki surveillait attentivement sa petite troupe.
Tokri ne savait pas combien de temps il avait passé à méditer. Inspirant profondément, il se tourna vers l’un des mannequins d'entraînement et composa les mudras. Seul un pathétique courant d’air se leva, et il comprit avec frustration que la maîtrise du Kyouffu allait demander un certain temps.
L’Utak s’acharna tout l’après-midi. Chaque essai l’amenait un peu plus loin, chaque brise devenant légèrement plus puissante que la précédente. Lorsque Gomaki sonna le rappel, Tokri, bien que fatigué, souriait de satisfaction. La brise qu’il produisait n’était pas encore dangereuse, mais elle commençait à se transformer en un véritable souffle.
— Pour votre information, cette journée fut légère et écourtée de deux heures par rapport à ce qui vous attend à partir de demain, les informa Gomaki.
Les Genins gardèrent le silence, mentalisant ce que cela signifiait. Tokri sentait qu’il avait utilisé la quasi-totalité de son Chakra. Pour tenir le rythme, il décida de troquer ses sessions nocturnes d'entraînement pour du repos. Épuisé, il lui tardait de s’allonger dans son moelleux matelas, un livre à la main.
— Une dernière chose, ajouta Gomaki. J’ai pour habitude de me détendre aux bains le soir venu. Vous êtes les bienvenus si vous souhaitez vous joindre à moi. Ce serait un moment privilégié pour renforcer nos liens en dehors des entraînements.
Heurté dans sa misanthropie, Tokri songea à décliner, mais il se sentit contraint par rôle de chef d’équipe. De plus, les Bains avaient des vertus bénéfiques pour la régénération du Chakra. Le bénéfice l’emportait sur le négatif.
— Rendez-vous vers vingt-et-une-heure pour les intéressés, conclut Gomaki en terminant une cigarette. Je vous y attendrai une dizaine de minutes, pas plus. Je compte sur le volontariat de l’un d’entre vous pour guider Sarouh s’il souhaite se joindre à nous.
Gomaki leur adressa un petit signe de la main, et s’éloigna, laissant Tokri prendre le relais.
— Je vais aux bains, annonça-t-il sobrement. Et vous ?
Mutika et Nika acquiescèrent sans hésitation, tandis qu'une grimace de gêne se peignait sur le visage de Sarouh. Tokri remarqua sa main crispée sur son ventre, et le regard d'Izul, fixé sur le Tsumyo, se voila d’une triste compréhension.
— Ça va aller Sarouh ? lui demanda-t-elle, inquiète. Tu as utilisé beaucoup de Chakra, entre le Genjutsu et ton aide avec le Suiton.
— C’est vrai oui, admit-il, sa voix hésitante trahissant une pointe d’embarras.
La jeune femme tentait d’offrir une porte de sortie à Sarouh. Jugeant évident que le Chuunin ne semblait pas prêt à partager ce moment avec eux, Tokri décida d'intervenir.
— Va te coucher, lui intima-t-il fermement en croisant les bras. T’as l’air crevé, et on aura besoin de toi en pleine forme demain.
Leur souhaitant une bonne soirée, Sarouh les remercia d'un sourire emprunt de tristesse, les laissant baigner dans un léger malaise. Le Tsumyo avait clairement l’air de vouloir se joindre à eux, mais était empêché pour une raison qui leur échappait.
Alors qu’ils se séparaient temporairement, Tokri songea à aborder Izul vis-à-vis de ses multiples provocations de Mutika. Fatigué, il décida de laisser ce sujet de côté, ayant suffisamment navigué dans les méandres des relations humaines pour une journée.
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