Prologue
La Lune brillait intensément et souriait à pleines dents. Des lucioles virevoltaient silencieusement dans un ballet majestueux pour se confondre avec les étoiles. Le son d'une cascade accompagnait le chant des oiseaux nocturnes. Cette forêt était réputée pour sa beauté et sa sérénité.
Les chouettes hululaient pour accompagner le ballet des lucioles. L'odeur des baies enivrait les alentours et le vent soufflait des secrets aux habitants de ce bois. Le ciel noir qui se dessinait au-dessus des arbres aux feuillages verdoyants, recouvrant un sol fertile où des fleurs semblaient danser sous la brise du vent, là où des taches vermeilles semblaient vouloir déteindre sur ce spectacle si paisible.
Du sang.
Bientôt, la musique fut interrompue par un grognement rauque et effroyable. Une silhouette massive bondit par-dessus un tronc cloué au sol avant d'accourir vers une forme inanimée à vive-allure.
Une bête sortit des ténèbres, bondissant sur ses quatre pattes. C'était un loup. Son pelage ébène faisait ressortir ses iris émeraude. Son imposante musculature roulait pour suivre chacun de ses mouvements. Il retroussa son museau afin de dévoiler une rangée de crocs aussi tranchants que des lames.
À en juger par la puissance écrasante qu'il dégageait, c'était un Alpha.
L'animal observa un long moment la masse gisante au sol. Un corps de loup. Ses yeux ouverts étaient éteints et rougis. Du sang s'écoulait de sa gueule entrouverte et se joignait à une flaque vermeille dans laquelle il jonchait. Sa fourrure, d'un blanc comparable à de la neige, était imbibée de ce liquide sombre. Un trou béant se creusait dans sa poitrine, au niveau de son cœur.
L'absence de l'organe arracha un grognement sinistre à l'Alpha. Il ferma les yeux en pointant ses oreilles en avant lorsque des bruits de pas se rapprochèrent de lui.
« Bly, il y a eu une autre victime... Cette fois, c'est Iye qui en a fait les frais... » la voix rauque du chef résonna dans l'esprit de l'arrivant.
Un autre loup sortit de l'ombre, pas plus grand que son Alpha. Sa fourrure grise laissait entrevoir une cicatrice au niveau de son poitrail. Ses prunelles noisette brillaient intensément. Comme si toute la tristesse du monde y résidaient. Comme si elles reflétaient l'état de son cœur meurtri.
« C'est le troisième, ce mois-ci... D'après l'Alpha Nathorod, l'une de ses femelles est portée disparue. Que doit-on en conclure, Chayton ? »
L'Alpha émit un grognement sourd. Il riva son regard au loin pour fouiller les fougères qui semblaient rayonner sous les rayons de la Lune. Ses poils se hérissèrent brusquement quand une odeur familière effleura ses narines et qu'il entendit la respiration d'une personne indésirable.
« Aiyana ? Tu n'as rien à faire ici ! » la voix de Chayton résonna dans l'esprit de son alliée et aux oreilles d'une autre personne.
Une forme humaine, cachée derrière un arbre, s'agita. Sa silhouette, plutôt frêle et petite, faisait comprendre qu'il s'agissait d'une femme. Elle se détourna de la scène et le bruit de ses pas s'éleva jusqu'aux oreilles des deux bêtes, preuve qu'elle était repartie.
Chayton tourna le museau vers Bly, son Bêta, et ancra ses yeux dans les siens en bombant le torse. Pourtant, malgré cette attitude si confiant, son cœur priait l'âme du défunt, pendant que son être réclamait justice.
Il avait l'impression qu'on lui avait arraché une partie de lui.
« Nous devons être prudents, il se passe quelque chose de grave... »
Sa voix résonna dans l'esprit de Bly. Le Bêta ferma les paupières avant que son museau ne plonge dans la fourrure blanche du défunt. Ses pattes cédèrent sous le poids de son chagrin et il s'écroula au côté du corps avant qu'une plainte déchirante ne s'échappe de sa gorge. Son cœur semblait émietter tant la douleur qu'il ressentait pressait sa poitrine.
Et son âme... Elle avait volé en éclats à partir du moment où il avait compris qu'un meurtre avait été commis. Il avait si mal. Son être saignait. Il avait l'impression d'être broyé par des mains invisibles qui ne cessaient de martyriser son cœur meurtri.
« Ils s'en sont pris à mon frère... » résonna sa voix tremblante. « Ils m'ont arraché un membre de ma famille, de ma meute... Comment vais-je pouvoir regarder sa fille dans les yeux, désormais ? Elle ne s'en remettra jamais... »
Si lui avait perdu un frère, d'autres avaient perdu un père, un mari. Sa mort laisserait une marque indélébile dans le cœur des membres de la meute, mais pas seulement...
« Je promets que je me vengerai... » poursuivit le Bêta.
Son regard, voilé par le chagrin, brillait de colère, de rage pure. Oh oui, il comptait se venger. On lui avait retiré son frère, et les meurtriers en payeraient les frais... La bête réclamait justice, vengeance. Elle voulait goûter au sang des coupables.
L'Alpha observa la scène qui s'offrait à lui, les muscles tendus et une lueur peinée illuminant son regard. Il se détourna ensuite en plaquant ses oreilles en arrière. Lui aussi ressentait cette vive douleur au niveau de la poitrine. Iye ne partageait peut-être pas son sang, mais il était un membre de sa famille, de sa meute. Il avait l'impression qu'on lui avait arrachée une partie de lui. Et c'était vrai.
« On retrouvera le responsable, et on le tuera. Si on ne l'arrête pas, il provoquera un désastre. »
L'animal au pelage gris rouvrit les yeux et se redressa, les pattes tremblantes. Il lança un coup d'œil à son frère défunt avant de dévoiler ses crocs. Un craquement sinistre s'éleva dans les airs et Bly gesticula en gémissant. Bientôt, il se retrouva sous forme humaine, agenouillé et complètement nu.
Ses cheveux blonds retombaient négligemment devant ses iris marron, animés par cet éclat meurtrier. Les battements frénétiques de son cœur résonnaient dans la forêt et hurlaient son chagrin pour finalement se perdre dans le ciel noir et peut-être arriver jusqu'aux oreille de l'âme de son frère.
— Oui, on le tuera..., finit-il par souffler.
Bien vite, Chayton reprit lui aussi forme humaine. Ils transportèrent le corps pour lui faire un hommage en compagnie du reste de la meute qui s'agitait en comprenant, grâce aux liens de la meute, qu'un morceau d'eux venait de les quitter.
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