Je n’ai pas dormi cette nuit-là.
Impossible, avec cette... chose dans le miroir.

Elle ne bougeait pas. Pas un clignement, pas un souffle. Juste là, comme un portrait malveillant, imprimé sur la surface fissurée. Son regard — mon regard — me transperçait, comme si elle savait quelque chose que j’ignorais encore.

Au matin, elle avait disparu. Le miroir ne reflétait plus que mon visage, cerné, pâle, perdu.
Mais j’ai vu une fissure clignoter. Juste une seconde, comme un éclat de lumière. Ou d’appel.

Alors j’ai tendu la main.
Juste pour toucher.

Et ma main est passée à travers.

Pas comme dans un rêve. Pas comme dans un film. C’était froid, liquide, vivant. Un frisson m’a remonté la colonne. Et puis, plus rien. J’étais ailleurs.

Là-bas, l’air sentait le fer et le feu.
Le ciel, couleur d’encre, se fissurait lui aussi par endroits. Des fragments de lumière flottaient entre les arbres — des arbres décharnés, courbés comme s’ils se souvenaient d’avoir été autre chose. Le sol était un miroir brisé géant. Chaque pas reflétait un souvenir, un geste, une peur.

Et face à moi, au milieu d’un cercle de pierres noires, elle était là.
Moi.
Ou presque.

Elle portait ma robe préférée, mais déchirée, couverte d’une sorte de cendre argentée. Ses yeux étaient plus sombres. Profonds comme des puits.
Et elle a souri.

— Tu es enfin venue, a-t-elle dit.
— Qui es-tu ?
— Je suis toi. Celle qui regarde. Celle qui attend.
— Où suis-je ?
— Tu es dans le miroir. Là où vivent celles qu’on ne veut pas voir.

J’ai reculé, mais trop tard. Le cercle s’est refermé derrière moi.

Et le miroir... a disparu.