Prologue (Zéphyr)
Croyez-le ou non, je vous assure que je n’ai commis aucun régicide.
Pourtant, me voici menotté et obligé de me prosterner devant un hypocrite confortablement installé sur son trône doré. J’aurais dû flairer le piège. J’aurais dû refuser sa proposition, ne pas choisir la facilité mais il est trop tard pour regretter.
- Zéphyr.
Je relève la tête et lui lance un regard froid. Si je pouvais lui retirer son sourire suffisant et son attitude hautaine… Non, non. Ne lui montre pas tes émotions. Garde cette façade Zéphyr et il ne pourra pas te prendre par les sentiments. Je le dévisage donc sans un mot, attendant son discours avec lassitude.
- Vous êtes accusé de violation de domicile et de régicide, vous, ainsi que vos deux complices.
Sa voix forte résonne dans la salle, et les courtisans murmurent entre eux, certainement outrés. Je lorgne leur étoffes luxueuses et leurs bijoux, pendant que le Prince décrit toutes les horreurs que je suis censé avoir commises. Ceux-ci réagissent à chacune de ses paroles si exagérément que dans une autre situation, j’aurais pu trouver cela comique. Toutes les occasions sont bonnes pour lécher les bottes de Sa Majesté !
L’un des gardes les plus proches me secoue brutalement. Je me retiens de riposter et me contente de poser les yeux sur le Prince, le visage impassible. La satisfaction qui se lit sur ses traits me consume. Quand je serais libre, il me le payera.
- Maintenant que le meurtrier est à nouveau attentif, il est prêt à recevoir son jugement.
Je lui offre mon majeur en guise de réponse.
- Tu peux abréger ? Je n’ai pas la journée devant moi.
Mes joues s’étirent et un sourire mauvais se dessine. Encaisse, Prince de pacotille. Regarde le respect que je te témoigne, et à quel point j’entache ton image devant ton entourage. Rassure toi, ce n’est que le début de ma vengeance.
Henry ne sourit plus maintenant. Il m’insulte sûrement de tous les noms derrière son masque de politesse. C’est à son tour de voir son esprit exploser tel un volcan en éruption. La salle est silencieuse. Tout le monde attend la réponse de l’héritier.
Celle-ci ne tarde pas à venir.
- Tes paroles, sauvage, n’ont aucune valeur à mes yeux.
- Mais bien sûr ! Je raille, mais il ne m’écoute pas.
Les gardes me bâillonnent et je m’arrange pour leur rendre la tâche difficile. Henry reprend, après avoir vérifié que je ne suis plus en mesure de lui tenir tête verbalement.
-En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, moi Henry, futur roi d’Eldory, condamne l’accusé, Zéphyr, à la réclusion criminelle à perpétuité.
Un tonnerre d’applaudissement se fait entendre. On se croirait au théâtre, ma parole ! Quels aveugles, ils ne savent même pas que leur Prince est en train de jeter l’un de ses complices derrière les barreaux. S’ils savaient que leur Roi reposait au fond de l’eau sur ordre de son descendant… Il ne méritais pas de régner, ni de mourir.
Ils savent peut-être déjà, je réalise. Cependant, cela ne les dérange pas, tant qu’ils peuvent continuer à vivre dans le luxe au palais.
La salle se vide progressivement, et lorsque le dernier admirateur disparaît, Henry se lève. Il chasse une poussière inexistante sur sa veste et s’avance nonchalamment. Sa main gantée relève mon menton, me forçant à regarder le visage sans défaut que je brûle de déchiqueter.
- Tu as perdu Zéphyr. Tu es seul, et ta vérité, qu’importe la personne à qui tu la raconteras ici, ne sera que mensonge comparé à la mienne.
Son regard méprisant me glisse dessus, et je ne réagis pas. Il a raison. Mais cela m’est égal, je trouverai un moyen de m’échapper, et je me vengerai.
-Sache que je n’aurais aucune pitié pour un sauvage tel que toi, crache-t-il. Tu n’es même pas un de mes sujets.
Je ne te ménagerai pas non plus Henry, me hurle ma conscience. Tu vas souffrir, rien que pour ton mépris envers mon royaume natal. Je ferai honneur aux miens, et je n’aurais aucun scrupule à te destituer de ton trône comme ton père avant toi !
Je vais détruire ta vie comme tu comptes détruire la mienne.
- Tu vas passer le restant de tes jours en cellule, par égard pour mon père. Je te rendrai visite de temps en temps, sourit-il. Histoire que tu ne t’ennuies pas.
Je lève les yeux au ciel. Premièrement, s'il avait ne serait-ce qu'une once d'estime envers son prédécesseur, il n'aurait pas aidé des résistants à entrer au palais. Il ne leur aurait pas non plus révélé que son père possédait une mémoire si défaillante qu'il n'était donc pas capable de diriger un royaume. Deuxièmement, son ton mielleux ne trompe personne. Il n’a que faire de mon ennui. Les seules choses qui le pousseront à se déplacer sont les informations que je suis en mesure de donner. Seul un idiot ne comprendrait pas ce qu’il sous-entend.
La torture.
Il n’est pas le premier à me l’infliger, et il ne sera pas le dernier. Je vais m’évader, pour Hermine, pour Constant, pour mon pays, pour mon âme-liée…
Ignorant le brasier qui s'est allumé en moi, le nouveau roi fait signe aux gardes qui me retenaient. On me force à me lever et à quitter la salle immense où mon jugement a été prononcé.
On me Jette dans une pièce insalubre dont les murs en pierre sont striés de marques. Je tente de me relever et me reçoit un coup de pied dans le ventre. Les gardes m'enchainent au mur, laissant juste assez de longueur pour que je puisse parcourir la moitié de ma cellule, avant de se retirer.
Le visage couvert du mélange verdâtre puant qui tapisse le sol, je regarde Henry qui sourit et me fait signe. De ses paroles, presque entièrement masquées par le grincement de la lourde porte, je ne retiens qu'une phrase qui me révulse.
- Passe une bonne fin de vie dans ton enfer personnel !
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