Chapitre 1 : (Aurore)

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Un an plus tard...

Pour une gosse comme moi, affamée et seule, les jours de marché sont les meilleurs. Des étals le long des rues, sur la place, et une belle foule qui n’attend qu’une chose : que je lui fasse les poches.

Je me suis faite plaisir ce matin, en me servant sur un fil à linge. Les gens sont bêtes de laisser des fringues propres dans leur jardin, surtout une robe et un chemisier comme ceux que j’ai pris. Ils me vont un peu petit, mais ils feront l’affaire en attendant le mois prochain.

Un homme me bouscule.

- Hé ! Fais attention où tu marches, petite gueuse !

Je marmonne des excuses sans lever la tête, et m’éloigne rapidement. Je croise tout le temps de gens comme lui, alors maintenant, les insultes ne m’atteignent plus. Maintenant, j’ai trouvé un moyen de leur faire payer.

Je souris. Dans mes mains, des pièces qui ne m'appartiennent pas s'entrechoquent. Après avoir tournée au coin de la rue, je les range dans une petite poche accrochée à ma ceinture.

Avant d’être voleuse, j’ai cherché un travail, de quoi gagner ma vie. Je savais pas lire, pas écrire, donc j’étais pas difficile. J’acceptais tout ce que l’on me proposait, même si c’était mal payé, même si ça me prenait mes journées, mes nuits, même si mes patrons n’étaient pas sympa.

Je survivais, le reste n’avait pas d’importance.

Mais voilà, un jour, l’un de mes patrons est allé loin. Trop loin. J’étais petite à l’époque, j’avais à peine 9 ans, et lui, il… Je n’ai plus jamais remis les pieds dans son atelier. Je n’ai jamais retravaillé pour quelqu’un. Trop risqué. C’est comme ça que j’ai fini à la rue.

J’arrive sur la Place du Peuple. D’après ce que j’ai entendu, le Roi faisait ses annonces à ses sujets ici, il y a très longtemps. Moi, je n’y crois pas : je ne vois pas pourquoi il prendrait la peine de se déplacer. La place a toujours été vide sauf les jours de marché.

Aujourd'hui, elle est noire de monde. Des étals de toutes les couleurs y sont alignés. Les marchands ventent les mérites de leurs produits en criant, pour attirer les clients. Les gens remontent les allées en discutant de tout et de rien.

Je m'enfonce dans la foule. Mes mains passent de veste en veste avec agilité tandis que je me faufile entre les promeneurs distraits. Le brouhaha les empêchent d'entendre le tintement de l'or. Ma poche se remplit au fur et à mesure de la matinée, et la voir grossir me fait sourire. Je réussis même à voler une montre dorée sertie de pierres précieuses !

Dès que je considère mon butin assez important, je me dirige vers le poissonier le plus proche. S'il y a bien une leçon que j'ai retenue au cours de mes années passées dehors, c'est que les gens les plus méfiants sont ceux qui vendent leurs trésors. Aussi, j'ai pris l'habitude de ne jamais voler directement sur les étals, pour ne pas prendre de risque. J'achète deux belles brochettes de morue avec une partie de l'argent récolté. L'autre servira pour payer deux ou trois jours dans un hotel du troisième niveau, le niveau le plus mal famé et le plus pauvre. En bref, mon lieu de vie.

Je m'assieds sur les marches d'une maison pour savourer l'un des poissons. Je garde l'autre pour Luffy mon chien, que j'ai laissé attendre quelques rues avant d'atteindre le marché. J'en profite aussi pour examiner ma plus belle prise du jour : la montre. Si je ne me trompe pas, les joyaux incrustés sont des diamants. Il y en a même sur les aiguilles ! Admirative, je l'accroche à mon poignet et tends celui-ci pour la contempler une dernière fois, quand une goutte tombe dessus. Je lève la tête. De gros nuages ont recouverts le ciel bleu. À en croire leur couleur, une tempête se prépare. Et ce ne sera pas l'une des plus faibles !

Je ferais mieux de me dépêcher de regagner le troisième niveau. Je me lève, réarrange ma robe, et quitte la place.

- Hé ! Mais c'est ma montre ! Au voleur !

Je fais l'erreur de me retourner et de palir. L'homme à qui j'ai volé ma plus grosse prise s'élance déjà vers moi.

Je dévale la rue en courant, mes brochettes dans une main, le devant de ma robe dans l'autre.

Heureusement que j'ai gardé mes bottes au lieu de voler des ballerines.

La pluie a pris en intensité, je dois ralentir et prendre garde à ne pas trébucher sur les pavés mouillés. Mes cheveux me collent au visage, mais j'ai sillonné tellement de fois ces rues que je pourrais retrouver mon chemin les yeux fermés.

Je bifurque brusquement dans un passage étroit entre deux maisons. Derrière moi, mon poursuivant crie en agitant les bras. Pour un riche, il est plutôt rapide !

J'allonge mes foulées, mais mon jupon trempé me gène. Je me risque à jeter un coup d'oeil en arrière : l'homme me rattrape. Mais je suis confiante. Il n'osera pas me poursuivre au troisième niveau.

Je descends plusieurs volées de marches. La pluie a redoublé et le vent, qui s'est levé, me fait frisonner.

Plus j'approche de mon quartier, plus les maisons autour sont délabrées, plus mon poursuivant ralentit. Il finit par s'arrêter en plein milieu d'une rue pour reprendre son souffle. Avant de disparaître au coin de la rue, je tourne la tête pour dévisager ma victime.

Ses cheveux bruns sont aussi trempés que les miens. Ses yeux gris me scrutent comme s'il voulait se souvenir des moindres détails de mon visage pour le donner aux gardes de la ville. Il a la trentaine je dirais.

Après un long échange de regards, ils se retourne et s'éloigne enfin. Je fais de même, dans la direction opposée.

Le tonnerre gronde.

Le vent hurle à mes oreilles.

Je longe les murs tachés et couverts de fissures dans l'espoir de m'abriter. Et aussi de ne pas attirer l'attention. Depuis le temps, j'ai appris que pour une jeune femme de 17 ans telle que moi, le troisième niveau est d'autant plus dangereux.

Je m'arrête sous un porche en ruine et siffle trois fois. Malgré la puissance du vent, je réussis à entendre un aboiement qui m'est familier.

Puis, Luffy apparait de derrière une maison et court vers moi en remuant la queue. Une fois à l'abri, il s'ébroue, envoyant des centaines de gouttelettes dans toutes les directions. Puis il s'allonge contre moi et pose sa tête sur mes genoux. Je passe la main dans son pelage gris et blanc en soupirant. Même si Luffy a l'habitude de se débrouiller tout seul, le voir entier me procure toujours beaucoup de soulagement.

Après tout, il est ma seule famille.

Mon père a quitté ce monde il y a bien longtemps. Ma mère... Mon coeur se serre.

J'ai du continuer ma vie sans eux. Sauf que j'étais jeune dans une ville sans pitié et je n'étais pas débrouillarde à l'époque. Luffy était comme moi. Jeune et sans famille. Mais pas aussi naïf que moi à propos de la vie au troisième niveau. Il m'a beaucoup aidé, et en retour, je lui ai partagé la nourriture que je déchinais.

Cette pensée me fait me rappeler que je tiens toujours les brochettes de morue dans ma main droite. Mon chien les regarde avec convoitise. Je lui en tends une, et il me fixe de ses yeux bleus intelligents,avant de la dévorer.

Quant à moi, je frisonne dans ma robe gorgée d'eau. Au dessus de moi, les éléments se déchaînent, féroces. A contre coeur, je m'extirpe de dessous le porche. Luffy, qui a terminé son poisson, s'étire et me suit.

Je commence à marcher vers le port, puis me ravise. Cette nuit, les vagues seront hautes alors mieux vaut ne pas être au bord de la mer à ce moment-là.

Je remonte la rue, mon chien sur mes talons. Je contemple les ruines des maisons alentour. Si elles sont aussi délabrées, c'est à cause des vagues de submersion qui recouvrent fréquemment le troisième niveau. Leur fréquence empêche les propriétaires de reconstruire leurs habitations. Et c'est comme cela que les gens d'ici finissent dans la rue pour le restant de leurs jours. Les riches, eux, ont batis leurs propriétés sur les hauteurs et les vagues les atteignent rarement.

Un système injuste.

Mais impératif pour la survie du royaume.

Enfin, royaume est un bien grand mot. Île perdue au milieu d'un océan sans fin conviendrait mieux. Oui, l'Eldory n'est rien qu'une ville qui s'est construite sur un bout de terre escarpé. Le roi a construit son palais au sommet, avec sa cour de riches et de conseillers. Les serviteurs et les marchands se sont installés en dessous, et les bons à rien tels que nous ont été forcés de s'établir près de la mer. C'est ainsi que sont ns les niveaux.

Cependant, depuis un an, le nouveau roi au pouvoir essaie de changer ce système. Il est convaincu que d'autres terres existent par delà l'horizon et que, s'il arrivait à en trouver une plus grande que la notre, il ferait déplacer la ville dessus.

Un projet pharamineux et impossible de mon point de vue.

Selon moi, il n'y a pas d'autre île que celle-ci et envoyer des navires tous les mois est une perte de temps et de ressources.

Soudain, une lumière aveuglante me tire de mes pensées. Je me retourne juste à temps pour voir un éclair percuter la mer. Pendant un instant, les orages, le vent, la pluie semblent s'arrêter comme s'ils retenaient leur souffle. Puis, un grondement retentit. Mais ce n'est pas du ciel qu'il provient.

Mais de la mer.

C'est alors qu'un phénomène surprenant se produit. L'eau commence à se retirer du port. Son niveau descend à une vitesse vertigineuse, me laissant bouche-bée.

Je relève la tête vers le large, et ce que je découvre me fait palir. Au loin, une vague gigantesque s'élève et se dirige avec force

Droit sur nous.

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