Chapitre 2 : (Zéphyr)

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Un an, sur les dix-neuf que j’ai vécu, ce n’est rien.

Alors pourquoi le temps passé entre ces quatre murs semble-t-il infini ?

Je suis un homme de liberté. J’aime traverser les mers, gravir les montagnes et me reposer sous le couvert des arbres. Jamais un endroit ne m’a retenu plus de quelques semaines. Avant que ces pierres ne le fassent. Elles ont piégées mon corps, l’ont laissé dépérir, moisir, s’effacer. Quant à mon esprit libre…

Elles l’ont étranglé.

Les heures passent mais je ne les retiens plus. Je me suis tant battu, pour m’évader de cette cage qui me tuait. La porte a encaissé mes coups, les gardes ont supporté mes cris, ignoré mes insultes, déjoué chacun de mes plans. Et à chaque échec, mon espoir disparaissait un peu plus.

Aujourd’hui, il n’en reste plus rien.

Je vis peut-être, mais au fond de moi, je suis déjà mort. Tout ce qui me définissait est parti. Ma liberté. Mes amis. Mon pays. Mon nom. Une larme dévale ma joue, puis s’écrase sur le sol. Je la regarde s’infiltrer sous les rochers.

Le seul moyen de m’évader serait de se jeter dans le vide. Comme cette goutte salée, je tomberais et ma chute permettrait à mon âme de trouver enfin la paix. Fini la douleur, le désespoir, la solitude. Je pourrais couper ces chaines qui me retiennent, je ne serais plus le pantin désarticulé d’Henry, je serai libéré…

Mais ai-je vraiment le courage de mettre fin à mes jours ?

Suis-je prêt à franchir ce pas… Si cela veut dire renoncer à mon âme liée ?

Petite voleuse

Son surnom persiste parmi les ténèbres.

Je ne te connais pas, mais tu es ma bouffée d’oxygène. Sans toi, j’ai l’impression de manquer d’air. Mes poumons se vident et me brûlent parce que tu n’es pas là. Et lorsque j’ouvre la bouche pour reprendre mon souffle…

De l’eau salée s’y engouffre brusquement.

Je me relève, recrachant l’eau en toussant. La cellule est inondée. L’eau s’est frayée un chemin entre les pierres et les planches de la porte, remplissant la pièce petit à petit. Et le niveau monte encore. Je grimpe sur la planche suspendue qui me sert de lit, mais même perché, j'ai de l'eau jusqu'aux genoux.

J'ai souvent imaginé de quelle manière ma vie se terminerait mais jamais je n'ai pensé à la noyade.

L'eau m'arrive maintenant à la taille. Mes vêtements, mes haillons plutôt, me collent à la peau. J'ai froid. Mes poils se hérissent. Moi qui n'ai jamais craint l'eau glacée, je frissonne. Mes dernières années à vivre sont devenues des mois, puis des heures,

puis une poignée de minutes seulement.

Seule ma tête n'est pas submergée. L'eau s'est mélangée avec les saletés de la prison pour former une mixture marronatre. Mais bon, en terme d'immondices, j'ai vu pire.

Je me demande d'où vient toute cette eau. Je sais que les raz de marée sont fréquents en Eldory, mais je n'en ai jamais vu un de cette ampleur-là.

Maintenant je dois nager pour rester la tête hors de l'eau.

Et juste avant qu'elle n'engloutisse les derniers volumes d'air, je songe que j'aurais au moins émergé de mon état comateux avant que tout ne s'arrête.

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