Chapitre 5 : (Zéphyr)

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Il y a un mois j'ai cru mourir noyé.

Puis j'ai pensé mourir de froid.

Maintenant que la mort me semble hors de portée, je me rends compte que je ne l’ai jamais autant regrettée.

Je passe mes journées seul entre ces quatre murs oppressants à redouter le moment où la porte va s'ouvrir. Je triture les chaînes qui relient mes poignets à un anneau au centre de la pièce. Je reste assis, faisant dériver mes pensées indéfiniment. Et comme d'habitude, la porte en bois finit par grincer annonçant la visite de mon seul et unique visiteur.

- Content de me voir ? lance le roi d’un ton joyeux.

Je ne réponds rien, préférant garder ma phrase cinglante pour moi. Je ne prends même pas la peine de me retourner car, moi, c'est bien la dernière personne à qui je voudrais parler.

- Tu pourrais au moins faire un signe, te prosterner, ou me répondre ? proteste Henry en me contournant. J'ai tous les pouvoirs, toutes les permissions. Je suis Roi et tu me dois le respect.

Mon regard est fixe, mon corps statufié. J'ai mis un masque imperturbable sur mon visage en gage de protection face à ses discours hypocrites

- Toujours rien ? Bon, passons aux choses sérieuses. Tu sais pourquoi je suis venu ?

Comme si j'avais oublié tiens !

- J'ai besoin de ces informations Zéphyr, m'implore-t-il presque tout en se mettant à ma hauteur. Je dois sauver mon peuple, il meurt de faim sous mes yeux !

C'est cela oui ! Si tu avais vraiment voulu jouer les héros, tu aurais commencé par partager tes réserves de nourriture !

- Je voudrais juste que tu me dises où se situe ton royaume. Comme cela je pourrais envoyer une délégation et commencer à demander l'aide de ton pays !

Et si c'était vrai ? Je commence à douter. Je n'aimerais pas avoir la mort de toute une île sur la conscience, en plus du reste. Mais si je guide cet imposteur jusqu'à mon royaume d'origine, c'est mon propre peuple qui risque de disparaître. Il y a forcément des gens que je ne pourrais pas sauver. Et entre des inconnus et des habitants d' Ezenderia, mon choix est vite fait. Je me reprends et ne bouge toujours pas. Devant moi, Henry passe une main dans ses cheveux et se relève. Je vois bien que mon absence de mouvement le contrarie et je m'en félicite.

- Tu fais le malin, en restant immobile. Cependant, tu vas finir par cracher le morceau. Tu sais pourquoi ?

L'ancien prince sourit, et son rictus me glace le sang.

- Parce qu' en plus d'être plus intelligent que toi, je détiens tes alliés. Comme tu le sais, ils ont survécu au raz de marée, mais ils mourront sûrement de faim ou de froid dans les jours qui suivent. Leur destin est scellé, achève-t-il tristement, à moins que tu ne parles ?

Derrière mon visage impassible, une tempête se déchaîne. Ma raison et mon cœur mènent une guerre sans merci l’une contre l'autre. Je suis le seul à pouvoir y mettre fin. Je dois choisir.

Mon devoir ou la vie de mes amis.

Quelque part, c'est pire que d'être torturé.

Pire que de mourir.

Alors, je repousse mon cœur. Je l'emprisonne, le scelle dans un coffret en acier. Je me force à faire le vide dans mon esprit, je chasse les émotions, les traite en parasites, je me tourne vers ma raison.

Le Roi souffle et fait les cent pas devant moi. Son visage est de plus en plus fermé, signe qu'il commence à s'impatienter.

- Zéphyr, lance-t-il en saisissant brusquement mon menton pour me forcer à le regarder. Le temps est compté, et ma patience s'amenuise vite. Si ton silence s'éternise, il y aura des conséquences. Par contre si tu parles, je pourrais envisager ta libération. Après tout, je ne suis pas quelqu'un de cruel inutilement. J'ai même beaucoup de qualités. Si tu restes, je te les montrerais. Par exemple, mon habileté à éliminer les bons à rien, ou la facilité avec laquelle j'obtiens ce que je veux.

Quel vantard ! J'en ai par dessus la tête de cette discussion. Il joue avec mes nerfs et ça l'amuse. Je sens que ma carapace immobile commence à se fissurer en même temps que la colère monte. Mes yeux fixent son visage parfait et ses cheveux blonds soigneusement peignés avec dégoût. Et, je finis par perdre complètement mon sang froid. Je lève le menton et plante mon regard droit dans ses yeux marrons. J'affiche un air résigné.

- Bon... je vais te dire une chose....

Henry s'illumine. Il pense avoir gagné, il croit que je vais enfin lui révéler ce qu'il veut savoir. Au moment où je réouvre la bouche, j'affiche un sourire moqueur.

- Tu peux toujours courir pour que je te donne l'emplacement de mon île.

Le visage du Roi s'assombrit. Je me réjouis de le voir bouillir de rage. J'ai quelque chose dont il a besoin et je m'en sers pour le faire déchanter. Il veut des informations, et tant que je resterai muet je vivrai avec elles.

Soudain, on me gifle.

Je porte une main alourdie par les chaînes à ma joue brûlante. Je baisse la tête.

- Je pense que tu n'as pas bien compris les options qui s'offrent à toi, grogne l'auteur du coup. Ici, c’est moi qui fixe les règles. Tu as de la chance que je fasse preuve d'autant de patience chaque jour. Au lieu de discuter pour tenter de te ramener à la raison pacifiquement, je pourrais juste te torturer. Ce serait plus simple et plus efficace. Mais comme je suis peu cruel, je t'ai laissé le choix. Chaque jour, malgré tout, tu continues à te murer dans le silence !

Il saisit mes chaînes pour les tirer vers lui brusquement. Je m'écroule par terre à ses pieds. Sa botte appuie sur mon dos et je m'enfonce un peu plus dans les immondices sur le sol. Il me rappelle la place que j'occupe par rapport à lui :

celle des gens sans valeur qui subissent.

celle des obeissants

celle des faibles.

- Gardes ! appelle le Roi.

Il attend que ces derniers entrent dans la pièce pour leur ordonner :

- Interrogez-le, et n'ayez pas peur de l'amocher cette fois. Je dois savoir où se trouve cette île. EXÉCUTION !

Les soldats sursautent et commencent à s' activer alors qu'Henry s'en va en sifflotant.

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