Chapitre 6

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Avant de prendre mon train pour rentrer mon père m’emmène au cimetière. C’est une habitude que l’on a pris chaque fois que je rentre à la maison. La première fois que j’ai vu la pierre tombale avec mon nom de famille, ma date de naissance mais avec un prénom différent ça m’a fait un choc.

« Lana – 12 juin 1998 »

J’ai enfin pris conscience de ce que j’avais perdu, de ce que mes parents avaient perdus. De combien ils avaient dû souffrir. A chacun de mes anniversaires ils gardent le sourire alors même que c’est un jour très douloureux pour eux. La première fois que je suis venu ici, mon père s’est effacé pour que je puisse me recueillir toute seule. J’ai touché la pierre froide et j’ai fondu en larme. J’ai pleuré pour elle, pour mes parents, pour moi, pour cette vie volée. J’aurai aimé qu’elle soit là, je le veux toujours. Je me dis souvent qu’on serait allé à la fac ensemble, qu’on aurait pris un appartement toute les deux. Qu’on serait allé en soirée ensemble, au cinéma, qu’on aurait tout partagé.

Je sais que c’est une vision idéaliste car peut être qu’on ne se serait pas entendu, mais l’espoir. Toujours l’espoir. Une vie meilleure si elle avait été là. Je n’aurais pas été brisée, je n’aurai pas cherché le réconfort dans les bras d’autres personnes qui m’ont encore plus brisée par la suite.

Quand j’ai vu ce nom gravé dans la pierre j’ai compris toute mes crises, toutes mes angoisses, ce vide en moi. Et j’ai su que rien ne pourrait le remplir comme elle l’aurait pu. J’ai essayé mais rien n’y fait. Je fais des choses qui me font plaisir comme aller au cinéma, passer du temps avec ma famille, avec mes amis, je lis, j’écris. Mais à la fin de la journée, la solitude vient hanter ma chambre. Elle se cache dans les recoins sombres de mon esprit, toujours hors de ma portée et elle revient me prendre dans ses bras quand je m’y attends le moins.

Dans ses moments-là je fais, comme le dis ma sœur Manon, des crises d’angoisses. Je ne les aurais pas appelés comme ça tellement j’ai l’habitude mais d’après son avis médical c’est de ça qu’il s’agit.

Durant une « crise » je perd pied avec la réalité, je me dis que rien n’a de sens. Que rien ne remplira jamais le trou dans mon cœur. Que jamais je ne trouverai quelqu’un qui ne partira jamais. Jamais quelqu’un qui me fera me sentir en sécurité et aimée à jamais.

Rien. Jamais.

« Tu ne mérites pas d’être heureuse »

« Tu es incapable d’aimer »

« Tu as tout pour être heureuse alors pourquoi tu ne l’es pas ? »

« Que veux-tu de plus ? »

« Tu ne seras jamais entière »

« Incapable »

« Nulle »

« Pas intéressante »

« …. »

« …. »

Durant ses crises les pires aspects de ma personnalité prennent le dessus sur moi et m’inondent d’idées noires. Je me noie dedans, je suffoque, je crie, je supplie quelqu’un, n’importe qui, de me sortir de là.

Mais jamais personne ne vient.

Par ce que ses crises sont sournoises. Elles arrivent quand je suis seule et mon insécurité m’empêche de demander de l’aide car je n’aime pas l’idée de déranger. Certaines fois je trouve le courage d’appeler ma mère mais quand elle ne répond pas ça empire mon état.

« Arrête d’embêter tout le monde »

« Tu leur rappelle constamment ce qu’ils ont perdus »

« Tu les empêche d’être heureux avec tes idées noires »

« Le moins que tu puisses faire c’est sourire »

« Pourquoi tu as ce visage impassible ? Faut sourire à la vie voyons »

« Tu as l’air dépressive comme ça »

« Si tu te sens mal juste avec ça alors attend d’être adulte avec de vrais problèmes »

« Trouve toi un copain et nous embête plus »

« …. »

« …. »

Un flot ininterrompu de pensées qui me lacère de l’intérieur.

Durant ses crises j’essaie de me changer les idées, avec de la musique, une sieste ou un film. Et au bout d’un certain temps ça marche. Je sors de cette crise en me trouvant bête d’avoir eu ses pensées. Mais ce n’est pas ma faute. J’essaie de me dire ça. Tout le monde à des mauvaises passes et il ne faut pas que je laisse ses crises me faire perdre confiance en moi.

Facile à dire. J’ai réussi, pendant un moment, à aller mieux.

J’ai rencontré Alex, mon ex. Un beau gendarme. Bien musclée, très beau, intelligent.

Durant nos premiers mois de relation ça a été parfait. Il m’a fais reprendre confiance en moi. Je n’avais plus de crise. Le parfait petit copain : sortie en ville, aux restaurants, dans des parcs d’attractions, des soirées à regarder des films, il cuisinait pour moi, on parlait pendant des heures.

C’était magique. Je n’avais jamais ressenti ça pour aucun de mes anciens petits amis. J’ai commencé à croire à l’amour, le vrai.

Il a emménagé chez moi pour les weekends. Je lui aie fait de la place chez moi. On passait nos soirées à jouer à un jeu vidéo, on regardait des films pelotonnés sous un plaid en mangeant des glaces, on dormait ensemble, on se réveillait cote à cote.

Il m’a présenté à toute sa famille, il a passé Noel chez mes parents. On parlait de l’avenir, on s’imaginait vivre ensemble. Il m’a promis le monde et je l’ai cru.

Sauf que son passé l’a rattrapé, il souffrait de stress post-traumatique à cause d’une opération qui s’est mal passé il y a des années. Il allait mieux mais une vieille connaissance à raviver ses vieux souvenirs.

J’avais connaissance de sa situation, je le berçais la nuit quand il faisait des cauchemars, il avait commencé à s’ouvrir à moi mais il a pris peur. Il n’aimait pas se sentir vulnérable alors il m’a repoussé. Il ne me parlait presque plus quand il était chez moi, et quand il le faisait c’était pour me faire des reproches. Il trouvait ça amusant de me tirer dessus avec un pistolet à bille qu’il avait eu dans une des fêtes foraines où l’on était allé. Quand on se disputait il se montrait violent, il me poussait contre le mur avant de sortir en trombe de l’appartement. Je me souviens très bien qu’après une dispute où j’ai fini avec un bleu dans le dos, je suis allé pleurer dans la salle de bain. Je m’étais dit que je n’en pouvais plus, que ça devait s’arrêter là. Que je souffrais trop et que ça n’en valait pas le coup. J’étais sortie de la salle de bain et mon regard s’était posé sur la photo accroché au mur : on était en vacances chez ses parents et on était heureux. Je souriais de toute mes dents en m’accrochant à son bras.

En voyant cette photo ma volonté s’était effondrée. Je voulais retrouver cet homme aimant qui me rendait heureuse. Alors j’ai pris sur moi. Encore et encore pendant des mois avant que la dispute de trop n’arrive.

Je me suis réveillé à l’hôpital avec deux côtes cassées et un œil au beurre noir. J’avais tellement honte que je n’aie pas appelé mes parents. A l’époque j’étais en licence à l’autre bout du pays alors j’étais seule. J’avais quelques amis de fac mais je n’étais pas assez proche d’eux pour les appelés. Alors j’ai appelé Lyana. Ma meilleure amie, qui habitais à quatre heures en voiture, est venu me chercher et m’a ramené chez elle. C’était la fin de l’année universitaire et ma dernière année de licence, les profs ont compris ma situation et m’ont fait passer les examens un mois après les autres. J’ai passé un mois entier sans bouger de chez elle. Isaac, son copain, a pris bien soin de moi. Il était généreux, aimant, parfait pour elle.

Ils sont venus m’aider à déménager, à me rapprocher de chez mes parents pour mon master. Et Lyana m’a fait bloquer Alex de partout.

J’ai vécu des mois à pleurer, à essayer de retrouver une vie normale, à sortir de son emprise.

Et enfin, après des mois et des mois de souffrance, j’allais mieux. Enfin. J’ai profité de mon célibat pour me recentrer sur moi-même avant de me réinscrire sur les sites de rencontres une fois que me suis sentie prête. Mue par l’espoir d’une belle rencontre.

Bon spoiler alert : je n’ai pas encore trouvé mon bel inconnu.

Mais je ne perds pas espoir. D’après mon compte Tiktok favoris : « The little Witch », je devrai bientôt le rencontrer. Elle m’a annoncé « Votre destinée est en chemin. N’oubliez pas de sortir de votre cocon et de prendre les choses en main ».

Suis-je désespérée au point de croire tout ce que me dit cette femme ? OUI. Hum hum : oui.

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