On vient de passer trois heures à bosser sur notre projet de groupe. Jade et Lily sont épuisées et moi je n’en mène pas large. Demain on passe à l’oral devant toute la promo pour exposer notre projet : Evaluer l’influence des réseaux sociaux sur l’estime de soi.

C’est Jade qui a trouvé cette idée. Elle est en contact avec des influenceurs alors on a pu facilement les interroger pour notre enquête. C’était très intéressant de voir les techniques qu’ils mettent en place pour pousser les jeunes qui les suivent à s’accepter. On est entré dans une nouvelle génération d’influenceurs qui essaient de lever le voile sur les techniques de retouches et de poses qu’ils utilisent pour rendre leurs photos uniques. Ils montrent ainsi aux jeunes que le corps « parfait » que l’on voit sur les réseaux n’existe pas. Que tout repose sur le choix des vêtements, la pose et les retouches.

On a interrogé des jeunes, qui nous ont affirmés que cette nouvelle génération leur avait permis de reprendre confiance en eux.

C’est ce qu’on va exposer demain. Un projet sur lequel on a bossé pendant un mois entier. Il nous reste une semaine de cours ensuite c’est les vacances. Enfin ! Ce début de semestre a été intense et je sens la fatigue dans tout mon être. Et ça ne va pas s’arranger vu que j’ai promis à Jade de l’accompagner à sa soirée Halloween.

En parlant de Jade, elle nous abandonne pour aller retrouver un mec avec qui elle a prévu de coucher ce soir. Il faut qu’elle aille se faire belle, selon ses dires. On la laisse partir en rigolant et je m’affale dans le canapé de Lily.

- Lily ? T’es fatiguée ou on peut regarder un épisode ?

Elle bâille à s’en décrocher la mâchoire mais acquiesce. Il n’est que quatre heures de l’après-midi mais on est toute les deux lessivés. En plus je travaille au théâtre ce soir, ça va donner.

Lily a choisi un drama qui parle d’une actrice déchue à cause d’un scandale de drogue qui essaie de faire un retour sur le devant de la scène. Pour ça, elle devient secrétaire dans un cabinet d’avocat afin de mieux appréhender le rôle qu’on lui a proposé dans un drama juridique. Sauf que son patron est canon (bien sûr) et que le cœur va s’en mêler. J’étais sceptique au début et maintenant je suis tellement à fond que ç’en est presque gênant.

Je pousse des gémissements attendris quand son patron lui attrape la main. Quand il l’enlace au ralenti. Quand il est jaloux. Quand il lui attrape le visage pour l’embrasser tendrement.

Bref tout le long de l’épisode je suis à fond. Tellement que c’est Lily qui m’envoie des coups de coude dans les côtes pour se moquer (alors que normalement c’est l’inverse).

- Non mais Lily regarde le ! Je m’exclame en désignant l’acteur principal. Il est CA-NON. Arg.. Il doit avoir quoi.. 37 ans quand il a tourné ce drama mais wow.. Il est bien plus beau que n’importe quel mec qui traine par ici.

- Hum.. C’est vrai que malgré son âge il est beau. Il fait pas son âge surtout.

On passe le reste du drama à s’extasier devant son physique et ses manières de rêve tandis qu’il essaie de faire plaisir à sa petite amie.

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Je rentre chez moi, la tête pleine de niaiseries typique des dramas coréens, avec mon casque qui diffuse des chansons de Enigma. Ce groupe est vraiment génial. Ils s’approprient dans leur dernier album des instruments que l’on n’entend pas souvent comme le violon, le saxophone ou la trompette. Il me tarde que leur nouvel album sorte car je suis vraiment fan de leurs musiques. Je pense que je les ai presque toute. Enfin Léonie me les as mises. Elle m’a dit que je les avais presque toute alors je la crois. Elle m’a dit qu’ils avaient finis leurs services militaires en septembre et qu’ils préparaient leur nouvel album, qui devrait sortir en mai.

Je pense à tout ça quand des éclats de voix me sortent de ma bulle. Je regarde autour de moi et je les vois : au bout de la rue deux jeunes hommes embêtent une lycéenne.

Elle regarde par terre et ne dis rien tandis qu’un des jeunes la pousse et lui crie dessus. Ça fait écho au harcèlement que j’ai subie au collège et mon sang ne fait qu’un tour. J’enlève mon casque, le fourre dans mon sac à main et j’apostrophe ses jeunes.

- Eh ! Vous foutez quoi là ?

Je me fraie un passage jusqu’à la jeune fille qui relève la tête et me regarde avec étonnement. Je la pousse gentiment derrière moi et regarde les jeunes hommes avec dégoût.

- Qu’est-ce qu’elle veut la petite ? Rigole un des jeunes.

- PETITE ? Je m’étrangle.

Je pense à mon mètre soixante. Je ne peux pas le nier. Même la lycéenne est plus grande que moi. Je ravale ma fierté et les regarde durement.

- Pourquoi vous embêtez cette fille ? Vous n’avez pas honte ? (Ça sonnait moins phrase de grand-mère dans ma tête)

Je les vois s’esclaffer de rire. Ils se paient ma tête. Génial. Je lève les yeux au ciel et me retourne vers la jeune fille au côté ingénue.

- Tu n’as rien ?

Elle secoue la tête, sans oser parler. Je lui touche amicalement l’épaule en souriant.

- Tout va bien. Tu n’as plus à t’inquiéter.

Tout à coup je sens qu’on me tape violement dans l’épaule. Je perds l’équilibre un instant avant de me reprendre. Je me retourne vivement, faisant face à l’abruti qui m’a poussé.

- Non mais ça va pas ? Tu te crois où ?

- Ça va, pas la peine de gueuler. Je voulais juste son numéro mais elle m’a pris de haut et a refusé. Elle se croit meilleure que moi ou quoi ? Ça m’a énervé.

Je pouffe de rire.

- Oh pauvre petit cœur. Tu t’es pris un râteau et comme tu as une fierté digne d’un enfant de cinq ans tu ne t’en remets pas.

Le jeune homme rougit violement tandis que son copain lui donne un coup de coude en se marrant. Le premier, dont j’ai touché un point sensible apparemment, se jette sur moi en criant. Oups. Je ne pensais pas que ça allait finir comme ça. Mes réflexes prennent le dessus, je lui attrape le poignet, lui tort, et il finit à terre. Ouf. Cette fois j’ai réussi. En même temps il est encore jeune et n’a pas beaucoup de force. Mais je suis contente de moi. Je jette un coup d’œil derrière moi et la fille a une mine émerveillée.

- Vous êtes trop forte ! S’exclame-t-elle en souriant de toute ses dents.

Elle est sublime, elle va en briser des petits cœurs.

Je regarde le copain du jeune homme et il lève les mains en regardant ailleurs.

- Lâchez-moi vous me faites mal !

Oh il a retrouvé la politesse. Je souris mais ne desserre pas ma prise.

- Il ne faut pas harceler une jeune fille qui te dit non. Il faut accepter et t’en aller c’est clair ?

Il baragouine une réponse.

- Je n’entends rien.

- OUI !

Je soupire, le relâche et le remet sur ses pieds. Il est tout rouge et se tient le poignet en grimaçant.

- Et toi ! Je crie en pointant son copain du doigt.

- Moi ??

Il a l’air sincèrement choqué. Comme s’il n’avait rien fait de mal.

- Oui toi. Si ton ami fait n’importe quoi et harcèle des filles tu es aussi responsable que lui.

Il baisse les yeux et marmonne tout bas.

- La prochaine fois j’appelle la police alors arrêtez vos conneries.

Les deux jeunes me regardent mal avant de partir en bougonnant. Je soupire en me passant une main dans le cou.

- Merci beaucoup.

Je me tourne vers la fille, qui me regarde avec émerveillement. Je lui souris et lui frotte le dos.

- Tu as dû avoir peur. N’hésite pas à héler un passant si jamais ça t’arrive encore. Ne sois pas timide. Et… Crie sinon. Ça va déconcerter tes agresseurs et tu auras le temps de partir.

Elle rigole. Un petit rire mélodieux. Je souris, attendrie. Elle m’enlace, me remercie encore et file retrouver sa mère chez elle. Je repense à ce qu’il s’est passé, à cette petite, je voudrai qu’elle n’ait plus à se faire.. Un bruit de klaxon me sort de ma rêverie. Ça m’énerve.

- Quoi ?? Tu veux ma photo ?

Je suis en train de traverser sur un passage piéton. Qu’est-ce qu’il veut ce connard ? Le bonhomme est… rouge. Oh merde. La honte. Je viens de crier sur un pauvre innocent. Je me passe la main sur le visage et soupire. Je regarde la voiture : une superbe BMW. Je suis en plein milieu de la route et un jeune homme, qui doit avoir 25 ans, est au volant. Je feu passe au vert pour moi alors j’en profite pour aller m’excuser. Je vais à la fenêtre du conducteur.

- Excusez-moi. Je suis vraiment déso..

Il baisse la vitre et mon cœur arrête de battre. Lèvre pulpeuse, visage parfait, peau sans imperfection. Un jeune asiatique sortit tout droit d’un drama. « Le fil rouge du destin ». « Ame sœur ». Ses mots passent et repassent dans ma tête sans interruption. C’est LUI. C’est sûr que c’est lui. Je me sens attirée par lui par une force inconnue. Il doit le sentir lui aussi car il me dévore du regard. Ou c’est mon imagination ?

- Ne vous inquiétez pas Mademoiselle. Tout va bien, me dit-il avec un accent magnifique.

Il me sourit gentiment et je fonds.

Qu’est-ce qu’elle a dit « The little Witch » ? Ah oui : « N’oubliez pas de sortir de votre cocon et de prendre les choses en main ».

C’est le moment. Je le sens. Allez Emy. Prend ta vie en main, rien ne va t’arriver tout cru dans la bouche. Je me motive comme je peux. Je déteste prendre les devants mais là il le faut. Je fouille dans mon sac, arrache une page d’un cahier et griffonne mon numéro dessus. Je lui tends le papier et il le prend, sans trop comprendre.

- C’est mon numéro. Appelle-moi. Ou.. Envoie-moi un texto, comme tu préfères. Je te paierai un verre pour m’excuser de mon comportement.

C’est l’excuse la plus minable. Oui j’en ai conscience. Lui aussi. Mais il sourit.

- Entendu Mademoiselle. Le feu est vert. Excusez-moi je dois y aller.

- Ah ! Oui bien sûr !

Je cours sur le trottoir pour libérer la route et quand je me retourne, la voiture n’est plus là.