LA GARDIENNE

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Parfois il faut faire des choix.
Là, c’est l’appel du ventre qui a parlé. Mais purée que c’est bon.

Je dévore la tranche de saumon fumé avant que l’humaine ne se ravise.

« Ça alors ! Tu avais faim ! »

Je fais même pas attention à ce qu’elle raconte. C’est trop tendre et goûteux. Un vrai délice.

« Je suis sûre que nous allons devenir les meilleures amies ! »

Je me tétanise.

HEIN ? QUOI ???

J’avale de travers, m’étouffe, souffle, crache…

« Hé ! Doucement petite gourmande ! »

Mes pupilles dorées se posent sur son visage grossier.

Des amies ? Sérieux ? Non mais elle rêve ou quoi ?

JAMAIS !!!!

Je ne serai pas amie avec une humaine !

Les humains sont puants, orgueilleux, destructeurs. Ils pensent avoir toujours raison.

Ce sont des barbares qui torturent et tuent pour s’amuser. Ce sont des crétins finis qui corrompent et souillent leur habitat. Aussi stupides que les poules et les cochons qui chient dans leurs couches et se vautrent dedans. Ils ravagent la terre. Moi je suis une gardienne !

Heu…

Stop. Arrêt sur image. On rembobine.

C’est quoi ce délire ?

Une gardienne ?


L’air autour de moi devient plus compact. J’ai l’impression que ma tête est serrée dans un étau dont la pression s’accroît. Ma vue se brouille.

Une gardienne ? Je suis une gardienne ?

Je ne comprends pas. Pourquoi je ne me souviens que de ça. Pas même de mon nom. Je suis censée garder quoi ?

Mon corps me lâche et de nouveau mon esprit glisse dans les ténèbres.

Non. Non. Je veux savoir. J’ai besoin de savoir.

Je ne sens plus rien. J’ai l’impression de flotter.

Enfin je suis bien.
Je suis une et je suis tout. Non. Je fais partie du tout.

Si seulement je pouvais me souvenir.

Une voix douce au loin distrait mon attention.

Je sens le flou qui emprisonne ma mémoire qui vacille. C’est comme si le nuage qui m’entourait s’étirait, s’éclaircissait. Je vais savoir. Enfin.

La voix douce se fait plus insistante.

Une pression appuie sur ma poitrine.

Le nuage devient plus dense, plus compact.

Non. Laissez-moi encore quelques secondes.

La voix devient plus forte.

Je suis attirée, arrachée. Je voudrais m’accrocher, retenir ce rêve où la solution à mes questions se trouvent. J’en ai la certitude.

Mais je ne peux rien faire. Je suis impuissante.

Des gouttes d’eau salée éclaboussent mon nez.

« Oh ! J’ai eu si peur ! J’ai cru t’avoir perdue… »

Je suis de nouveau dans la pièce, face à l’humaine. Elle me soulève et me serre contre elle.
Et en plus elle me trempe de ses larmes. Je suis pas un chiffon bordel.

Quoique mes muscles ne répondent pas à ma volonté. Aussi tendus que des nouilles trop cuites.

Non. Non. Non...

Je suis revenue.
Elle pue.

Les sanglots la font tressauter et je me sens secouée comme dans un shaker.

J'ai envie de hurler ! Elle a tout ruiné.

Je vais la pulvériser.

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