La cage

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Croire en la rédemption, le salut, difficile de trouver une échappatoire dans cette cellule. Trois murs, une porte et cette lampe blanche trop puissante qui m'aveugle. Une cage, la Quatre-vingt-six écrit en gros sur la porte, l'encre a fait son temps. Je ne pensais pas que j'avais quatre-vingt-cinq supérieurs hiérarchiques, mais je sais bien que j'ai mille deux cent soixante-six hommes et femmes sous moi. Une enfilade de cage de rédemption. Je ne sais pas vraiment comment je suis passé de la planète Exo-quatre à ici, juste d'une lumière violente dans un bâtiment de cérémonie officiel où on célébrait notre 'victoire'.


Un premier cri au loin me sort de ma torpeur. Je suis toujours dans ma tenue de combat brunie par les derniers affrontements. Je mets un point d'honneur à garder ma tenue, même pour les cérémonies officielles. Ça rappelle à mes hommes que je suis devant, avec eu, arme à la main. Mais là, je suis enfermé, on est tout séparé par ce métal froid, purulent et rouillant.
Les cris, les hurlements se font plus fort, plus strident, les saintes autorités se rapprochent dans leur tâche macabre. Je reste étrangement impassible face au choix qui va m'être imposé, je ne vais avoir qu'une seul et unique possibilité. Les protocoles religieux, long, pompeux, présomptueux, même quand on arrive dans les couloirs de la rédemption, ils en font un cérémoniel macabre qu'il faut suivre à la lettre.
Un nouveau hurlement intense, la cage à côté, celle de mon ami d'enfance, mais je ne me faisais aucune illusion sur son choix. Trente années d'aventure, de guerre et de mission terminée dans un cri de désespoir. Tu m'as sauvé la vie tellement de fois que j'ai arrêté de compter. Adieu mon ami, la rédemption n'est pas pour toi, pour le moment.

Une ombre se forme sous la porte devant ma cage. Ils sont là, derrière cette paroi de fer, continuant leur tâche sacrée inlassablement. Il pousse le battant de cette porte et se présentent devant moi, le visage livide dans leur vêtement d'apparat orange et rouge qui dénote avec la pièce. Trois saints exécuteurs de la rédemption, celui au centre tient un plateau en or, à gauche une machine et le dernier un rouleau manuscrit. Chacun a une mission bien précise. Celui du milieu me tend le plateau en or sans mots.
La rédemption s'accomplit dans le silence. Aucun mots n'est prononcé, le protocole, rien d'autre. Le choix, ce dilemme froid, sans cœur. Le plateau est maculé de sang. Posé dessus les deux chemins des déchus sont représentés par deux objets Une dague sans lame ou une simple enveloppe. Le facile, celui de la honte et l'autre, celui de l'Arche. Au vu du sang inondant le plateau, les quatre-vingt-cinq précédents ont choisi la facilité et au nombre de cris entendu, peu ont réussi.

La dague du salut, avec sa poignée sertie d'épine et sa lame cachée. Pour chaque âme mise à l'épreuve par cette dague, les saints exécuteurs enchâssent une nouvelle épine. Elle est très fine, presque invisible à l'œil nu. Celui à gauche tient l'outil dont c'est la seule fonction, enchâsser l'écharde. Sur chacune d'elle est gravé le nom de la personne. Les grandes épines visibles coupent la chaire, mais les petites rajoutées à chaque mise à l'épreuve la lacère, la déchire. La seule façon de faire sortir la lame de la dague est de l'empoigner à pleine main.
Pour sauver son âme, il faut, comme écrit dans les textes : simplement prendre la poignée, la serrer pour faire sortir la lame et se trancher la gorge d'un geste lent pour éprouver et expier l'ensemble de sa vie méprisable. Mais il y a toujours un mais, pour les religieux. Cet acte doit être fait sans sourciller, sans un cri pour sauver son âme. Hormis dans les sagas et les textes religieux, je ne crois pas que jamais personne n'est réussi cette épreuve.

Le choix des faibles, il ne mérite aucune rédemption, mon fils ne me fait jamais la honte de choisir cette solution si tu y es confronté. Oui père, je ne prendrais pas la dague, mais ce n'est pas pour vous que le ferais.

L'Arche, le deuxième choix, une enveloppe, une simple enveloppe et c'est un aller simple pour celle-ci. Il ne me reste plus qu'une échappatoire, accomplir la tâche écrite sur le bout de papier scellé à l'intérieur. De ma main tremblante, je saisis le papier et vis le saint homme avec la machine pour enchâsser la dague secouer l'outil pour enlever l'épine déjà gravé. Ça me fit sourire intérieurement, selon les écrits, il pourrait être exécuté pour avoir gravé une écharde avant ma décision.

Je suis le premier à choisir l'enveloppe, l'impression des deux ailes de Phénix encore visible malgré le sang qui l'imprègne atteste que personne avant ne la prise. Je connais donc ma mission. La première enveloppe n'est pas un fardeau, c'est pire que ça. Le troisième religieux barre d'un geste sec une ligne entière de son manuscrit.

Les saints hommes sortirentsans un mot. Tout ce protocole que l'on m'a inculqué pendant des années avait commencé à se mêler à un aspect légendaire tellement il me paraissait déconnecté de toute réalité. Là, j'y étais dans ce chemin de ma religion, ce chemin de rédemption ou la lumière et l'espoir n'avait pas sa place.

Je me laisse tomber au sol, fixant ce bout de papier rouge scellé. Les symboles des ailes, les mêmes que j'ai sur le torse, là dix-septième cohorte de la garde Phœnix, gardien d'une religion qu'on a bafouée.

Le cri de la cage à côté se fit entendre, adieu mon fils, je te sauverais dans l'Arche, ainsi que tous les autres.

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