Juillet 2025 : Instant Zéro

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 Comment les choses ont pu dégénérer à ce point... Ce n'est même pas une question car je connais la réponse. Il y a eu une suite de coïncidences, des conversations manquées, des échanges mal dits, plusieurs diplômes obtenus et des centaines de kilomètres instaurés entre nous... Pour finalement aboutir à cet instant précis. Il me tient dans ses bras. Il n'est pas bien vaillant sur ses jambes, son étreinte est presque hésitante, comme s'il avait peur que je le repousse ou peur des conséquences. Nous nous tenons là, dans le hall de ma résidence. La nuit est tombée depuis quelques heures, les lumières se sont éteintes, mais ni lui ni moi n'avons envie de rompre ce moment hors du temps pour rappuyer sur l'interrupteur. C'est vrai quoi, on ne verrait jamais ça dans les films !

 On se contente de se dévorer du regard dans le clair-obscur du soir. La porte vitrée du hall projette sur nos silhouettes les rayons cristallins de la lune. Aujourd'hui, il fait plusieurs centimètres de plus que moi mais j'ai souvenir d'une époque où ça n'était pas encore le cas. J'ai une main sur son épaule, la sienne est nichée dans le creux de mes reins. Nos deux autres mains sont unies l'une à l'autre et nous nous sommes interrompus dans notre danse. Il me tient contre lui, la tête inclinée vers mon visage. S'il ne faisait pas si sombre, je verrais une rougeur se répandre sur sa peau et engloutir ses taches de rousseur, j'en suis sûre. Ma poitrine se presse contre son torse à chaque fois que j'essaie de modérer ma respiration. Après toutes ces années passées à fantasmer un moment pareil, me voilà si fébrile...

 Son souffle glisse sur moi à chaque fois qu'il expire. C'est une caresse chaude, délicate et sensuelle. Nos yeux ne sont pas du même bleu et pourtant, je le soupçonne d'être en train de se noyer dans la beauté des miens comme moi j'ai pu, par le passé, sombrer dans la profondeur des siens. Le silence règne autour de nous, il n'y a rien ni personne pour perturber cet instant, si ce n'est notre propre conscience. Oui, il hésite, j'en suis convaincue. Si nous cédons l'un à l'autre, ça va changer beaucoup de choses. Mais en même temps, comment ne pas succomber à ce qui coule de source, ici et maintenant ? En penchant légèrement la tête en arrière, j'arrive à chatouiller le bout de son nez avec le mien, en signe de provocation.

 Comme si ce baiser d'esquimau avait été un détonateur, il relâche brusquement son étreinte. Je me sens désarçonnée, mon coeur rate un battement mais, bien vite, je suis à nouveau plus séduite que jamais lorsque ses mains s'emparent de mon visage, se calant contre l'arrondi de mes joues. Je ferme les yeux et je me laisse submerger par la chaleur de sa peau quand il m'attire à lui. Nos lunettes s'entrechoquent, nos nez glissent l'un contre l'autre, et le plus naturellement du monde, nos lèvres se trouvent. Il m'embrasse d'abord avec tendresse, savourant sans doute cette sensation nouvelle entre nous. Je me pends à son cou car j'ai peur de tomber si je ne me retiens pas à lui, emportée par le flot de ces sentiments qui m'assaillent. Une urgence gronde soudain entre nous. Ses mains descendent le long de mon corps. Elles suivent la courbure de mon dos et m'encerclent la taille avec ferveur. Il ne rompt pas le baiser pour autant. Bien au contraire, il m'embrasse maintenant plus avidement, comme s'il était en manque.

 Cet empressement à me posséder dans ce baiser m'arrache un soupir d'extase. Je m'accroche à pleines poignées à sa tignasse brune. Ses cheveux me paraîssent si doux et soyeux entre mes doigts. D'un seul coup, mes pieds quittent le sol. Je réalise qu'il arrive à me soulever de terre pour me plaquer contre lui, et pourtant je ne suis pas la plus menue des demoiselles... On s'embrasse encore et encore. Nos lèvres ne se décollent plus que brièvement pour mieux se retrouver avec ardeur. Il n'est plus question d'hésitation, il n'est plus question de timidité. Ce soir, nous sommes juste deux êtres en mal d'amour qui avons chaviré l'un pour l'autre. Il ne nous aura fallu que dix ans pour l'admettre...

 La nuit se poursuivra dans la chaleur de nos baisers et la fièvre de nos étreintes.

 Ceci n'est pas une histoire d'amour. Ceci est une histoire d'amitié qui a mal tourné.

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