Ankabut

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  C’était un soir d’été. Chaud. Étouffant. La noblesse et les sujets du roi s’étaient réfugiés dans la fraîcheur offerte par les murs de pierre et d’argile de leurs demeures. Moi, je profitais du vide et du silence des rues de la capitale pour me promener. Pour ruminer ma colère et maudire mon demi-frère Akon loin des oreilles du palais. Mon père l’aimait, lui, et il était évident qu’il désirait le voir sur le trône. Akon avait le corps, la prestance et la bravoure des héros. Moi, j’étais l’incarnation malingre et estropiée de la profonde blessure qu’avait laissé la mort de ma mère en couche. Je tapais de toutes mes forces dans un caillou perdu parmi les pavés quand je tombai sur l’étal d’une femme vieille comme le monde. Des amulettes et des fétiches y étaient disposés avec soin. J’étais résolu à l’ignorer et à poursuivre ma promenade solitaire quand elle m’interpella d’une voix étonnamment claire et vigoureuse :

  • Cyaxares ! Jeune prince ! C’est un honneur de recevoir votre visite sur mon humble étal.

Je me figeai et la regardai, perplexe. Je perdis le contrôle de mes jambes qui me menèrent devant elle avant même que je ne reprenne mes esprits.

  • Triste enfant méprisé par son père, privé de sa mère, seul pour l’éternité. Vous êtes de sang royal mais votre sort est peu enviable.

À ces mots, je reportai toute ma rage sur elle et levai la main pour la frapper, ce qui ne l’empêcha pas de poursuivre :

  • Tu es doué d’un esprit aiguisé qui ne t’apporte pourtant que souffrance. Laisse-moi t’aider.

Ma main retomba le long de mon corps, et le poids de mes longues années de détresse pesa soudain sur mes épaules. La vieille femme tendit une main parcheminée vers moi, ce qui déplaça la capuche qui couvrait son visage et révéla au clair de lune la ruse et la férocité de son regard. Elle tenait une bague noire de magnifique facture représentant la tête d’un démon hurlant dont les cornes devaient enlacer le doigt de son porteur. Fasciné par sa sombre beauté, j’approchais ma main pour la prendre et mieux l’observer. Quand je fus sur le point de la toucher, les doigts de la sorcière se refermèrent sur l’anneau, elle me saisit le poignet avec une force incroyable et plongea ses yeux dans les miens.

  • Si tu veux le pouvoir, si tu veux ce qui te revient de droit et plus encore, prends cet anneau. Porte-le un soir sans lune et crie son nom. Vah-Shatnâk. Invoque-le de tout ton être et tes problèmes s’envoleront. Il ne tient qu’à toi de devenir le plus grand monarque qu’ait porté ce monde.

Elle rouvrit lentement sa main et me laissa prendre l’objet. Je la fixai, assailli par une myriade de questions, par le désir de la porter à l’instant. Je levai les yeux sur la grosse lune gibbeuse accrochée dans le firmament. Un sourire carnassier barra le visage de la vieille femme. Dans moins de vingt jours je porterai l’anneau et crierai son nom. Elle le savait.

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