Chapitre 8 - Partie 2

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Lavande ne pouvait détourner les yeux. C’était un morceau de métal, un peu rouillé, dont la forme évoquait maladroitement celle d’une jambe. Elle n’avait plus de genou, seulement la cuisse d’organique. Elle n’osait pas toucher. La stip’ n’avait aussi aucune idée d’où elle se trouvait, voilà quelques minutes qu’elle reprenait possession du sens visuel. Elle voyait encore un peu flou, le temps que les nanopuces installées dans les nerfs optiques se synchronisent correctement avec la cervelle. En dehors de sa jambe elle avait de multiples bandages tout autour du corps, elle ne se souvenait pas de grand choses, quelques images du combat tout au plus.

L’espoir de retrouver son frère n’était plus présent. Lavande se sentait vide, dénuée de consistance. Elle se releva, tout doucement, sur son lit pour s’asseoir sur la bordure. Quelques électrochocs, des sensations de brûlure… mais rien qu’elle ne peut pas surmonter. Depuis son réveil, elle n’avait de cesse d'imaginer ce qu’il se trouvait comme paysage derrière le hublot de sa… chambre ?

Wangchao ? New Valley voir Al Ufuq ?

Prendre un peu de hauteur, le seul moyen d’y voir autre chose que le ciel, étonnamment bleuté. La réponse fut alors à la fois étonnante et décevante. Il n’y avait aucun gratte-ciel, pas plus de rues pavés ou de maisonnées de banlieue. Pas de conteneurs non plus, personne tout compte fait… et même rien finalement. Juste une étendue de rien. Pas de végétation, quoique quelques fougères tourneboulant au loin. Un désert. On doit être entre deux mégalop’...

Néanmoins quelque chose la stupéfia d’autant plus ; elle avait la curieuse impression que sa chambre était en mouvement. Peut-être devait-elle se lever pour voir plus en détail en s’approchant de… non, sa jambe artificielle ne répondait pas correctement puis les vives pointes aiguës lui lacérant les membres n’avaient rien de rassurant non plus.

Les alentours ressemblaient à l’idée qu’elle se faisait d’une infirmerie clandestine. Il y avait un lit, des seringues, des outils pour les cybérol’ et quelques liquides dans des flacons blancs avec des pictogrammes passant l’envie de les utiliser pour les non-érudits.

Lavande eut l’idée d’appeler, en hurlant, pour pouvoir enfin mettre un visage sur les voix qu’elle avait entendues et accessoirement pour poser une missive de questions… mais un simple petit grognement rauque fut soufflé de sa gorge.

Cependant, comme si cela avait servit à quelque chose, une petit femme rondouillette aux cheveux courts passa la porte. Elle n’avait qu’un œil organique, l’autre se trouvait être une sphère tournoyante dans tous les sens. Lavande ne détecta pas plus de cybérol’ chez elle, seulement un grand sourire qu’elle joignit vite d’une voix vive,

— Enfin debout ? Enfin… plutôt assise mais… consciente !

Par réflexe, Lavande voulut répondre mais ses cordes vocales décidèrent plutôt de vibrer façon rottweiler.

— Oh ne cherche pas, tu as subi un tel traumatisme et je t’ai tellement shooté la gueule qu’il va falloir patienter un peu avant que tu ne reprennes consistance dans la voix.

Moi qui voulait avoir des réponses…

— Mais ne t’en fais pas ! J’imagine que tu as des questions, et j’imagine lesquelles, je vais y répondre mais laisse moi juste analyser un peu ton métabolisme et ton squelette cybérologique…

Soudain la petite boule qui lui servait d'œil cyberologique quitta son orifice. La médecin se cacha alors la moitié du visage d’une main pendant que de l’autre elle caressait l’air pour guider son petit vaisseau. En lévitation, le globe oculaire volant tournait tout autour de Lavande, émettant des petits sons perçants.

— T’as une sacrée capacité de récupération, quand je t’ai vu il y a quelques jours, je ne pensais vraiment pas pouvoir te maintenir en vie.

Quelques jours ? Combien ?

— Mais ouais, malgré tout le sang perdu, il semblerait que… ouais c’est pas mal. Ton corps s’adapte bien à l’HexaRunning, ainsi qu’aux nanopuces dans ta cornée. Bien ça.

Puis le drône ophtalmique revint à sa place.

— Va falloir faire ta réduc’ maintenant…

Un silence suivit, la médecin se tourna vers le hublot, remarquant bien l'intérêt de la stip’ pour la curieuse vue qui défilait.

— Ittoqqortoormiit.

Pardon ?

— Je le dis bien maintenant… mais la plupart du temps nous disons plutôt Itto. Une ville de l’Ex-Monde, de ce qu’on nommait le Groenland auparavant. C’est là bas qu’on se rend…

La médecin pointa du doigt le hublot,

— Tu as certainement remarqué que l’on se déplaçait. Bienvenue à Nomadebyen, un agglutinement de plusieurs véhicules suffisamment grand pour faire office de pièces… quand nous te ferons marcher un peu je t'emmènerai à l’extérieur, tu verras c’est plutôt surprenant.

Nomadebyen… jamais entendu parler…

— Tu dois certainement te demander pourquoi nous nous rendons à Itto ? Nous avons un port caché là bas, bien loin des drônes de surveillance des mégalopoles, notamment d’Hexacorp. Nous allons droit vers l’Ex-Monde !

Lavande eut un quasi-sursaut, elle la dévisageait, l’air de la prendre pour une folle.

— Oui je sais, on est tous passé par là… mais repose toi, quand tu retrouveras ta voix on discutera plus amplement. J’ai hâte de l’entendre ton brin, Lavande.

Comment peux tu connaître…

— Lazarus. C’est Lazarus qui nous a permis de te retrouver, un ami à toi je crois bien.

Trop d’informations, la stip’ se laissa tomber sur le lit, allongée, elle fixait le plafond. La petite dame quitta la pièce, sans en dire plus.

Qu’est ce que cet enfoiré vient foutre dans toute cette histoire ?

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