Une nouvelle vie

10 minutes de lecture

Je suis une jeune femme ordinaire. Je passe le plus clair de mon temps à effectuer des petits boulots, pour essayer de m’en sortir ne serait-ce qu’un peu à la fin du mois. Je vis ma vie comme si il n'y avait pas de lendemain, à attendre désespérement que quelque-chose change.

Je n’ai pas toujours été ainsi. Autrefois j’étais une gamine pleine d’ambition, mais tout a changé il y a quelques temps. Une rencontre a détruit mes émotions, mon âme.

En fait, je ne me suis pas présentée, j’oubliais. Je m’appelle Kimi. J’ai fêté mes vingt-sept ans il y a quelques mois. Une « fête » assez banale, avec peu d’amis.

Je vis seule. Depuis une rupture très douloureuse, je n’ai jamais pu me résoudre à refaire ma vie. J’ai peur de rencontrer des gens, peur de me livrer, d’être incomprise. Pourtant, j’étais extravertie avant, j’allais facilement prendre les devants, sortir, et je me faisais souvent des amis rapidement. Mon entourage m’aimait pour l’aura joyeuse que je dégageais, pour mon rire facile et mon côté blagueur. Je dévorais la vie avec passion !

Mais… le temps est passé. Aujourd’hui je suis introvertie, timide et j'accorde très difficilement confiance. Je ne m’attarde plus avec les autres. Dès que j’en ai l’occasion, je fais en sorte de fuir les invitations, ou d’écourter les sorties pour retrouver mon appartement, car je m'y sens en sécurité.

Assez parlé de moi. Aujourd’hui est un grand jour. Mon premier jour dans un nouveau travail. Il y a quelques temps, j’ai postulé dans une grande société de journalisme, il consiste simplement à corriger et à relire des chroniques, écrites par des journalistes talentueux. Donc, je n’aurais quasiment pas à sortir de mon bureau, ce qui me convient parfaitement.

Je me prépare donc, dès six heures, anxieuse à ce qui m’attend. De nouvelles personnes à saluer, ou plutôt, à éviter.

Je prends une douche froide, afin de me conditionner à affronter cette épreuve. Je ne m’attarde pas vraiment à me coiffer, un simple coup de peigne suffira.

Je m’habille très simplement, et enfile mes chaussures. Je sens une grande vague de peur m’envahir. Je souffle plusieurs fois, puis, me décide à sortir.

Dehors, il fait encore nuit. Je sens sur ma joue le froid s’installer, et le vent balayer mes longs cheveux brun. Mon cœur bat à toute allure. Je m’arrête un instant, en essayant de reprendre désespérément mon souffle. Soudain, je suis poussée fortement en avant. Je me retourne, apeurée, et vois une femme qui passe devant moi en s’excusant rapidement. Je la regarde, et me rappelle à quel point je déteste sortir.

Je marque une pause, puis regarde ma montre : « sept heures quarante ! Merde ! » Je me mets alors à courir pour ne pas louper mon bus qui ne devrait pas tarder. Je l’aperçois au loin, et me mets à sprinter de toutes mes forces pour le rattraper. J’arrive à temps. Je m’installe, le souffle court, sur un siège. Il y a beaucoup de personnes, je ne suis pas à l’aise et décide alors d’écouter de la musique sur mon baladeur, afin d’essayer de me couper un peu du monde.

Le temps passe, et vingt-cinq minutes plus tard, me voilà arrivée à mon arrêt. Je me lève, essayant tant bien que mal de me frayer un chemin pour arriver aux portes du bus.

Une fois descendue, je regarde l’immeuble qui se trouve juste en face de moi. Mon cœur bat plus vite que jamais. Mes mains sont moites. Ça y est, je suis arrivée. L’immense bâtiment qui me fait face, m’impressionne. Je dois me surpasser pour y entrer. Je déglutis, puis commence à marcher timidement vers l’entrée.

Arrivée devant la porte, je prends une grande inspiration, ferme les yeux, puis avance.

Je suis maintenant dans le hall. Je balaye l’accueil du regard. Cet endroit est vraiment impressionnant. Les tons sont assez sombres, avec une touche de doré. C’est très joli. Assez spacieux aussi. Je traverse l’entrée pour arriver devant le personnel d’accueil. Ce sont trois femmes, très belles, habillées en tailleur et maquillées gracieusement qui se tiennent devant moi.

Elles me dévisagent un instant, avec un air surpris. Je pense qu’elles ne doivent pas croiser souvent dans leurs locaux des femmes vêtues simplement, et encore moins sans maquillage.

Je me sens mal-à-l’aise. Après un court instant, une d’entre elles décide de briser le silence :

 - Bonjour madame, en quoi puis-je vous aider ? me dit-elle, avec un ton plein d’assurance.

Je la regarde un petit instant, le souffle coupé, pleine de nervosité, puis me ressaisis un peu :

 - Bonjour, je m’appelle Kimi Leroy, je commence mon premier jour ici en tant que correctrice d’articles. Je ne sais pas où me rendre, pouvez-vous m’aider ?

L’hôtesse en face de moi me regarde, perplexe, ainsi que ses deux collègues. Je me sens jugée. Puis, elle me répond :

 - Je vais appeler le manager, un instant.

Elle saisit le téléphone sur son bureau, et annonce au manager que j’attends en bas.

 - Attendez-ici, il va venir vous chercher, dit-elle en me regardant à peine, puis elle reprend son travail.

Quelques minutes plus tard, un homme arrive face à moi. Il me fait un sourire.

- Bonjour, je suis le nouveau manager de votre équipe. Je suis monsieur Garcia, ravi de vous avoir parmi nous. Je vous présente nos hôtesses chargées de l'accueil, Lilia, Estelle et Zoé. J’espère que vous serez à l’aise dans notre entreprise. Si vous avez des questions n’hésitez-pas à m’en faire part. Je vais vous emmener à votre bureau, vous serez libre ensuite de découvrir nos locaux. »

 - Merci beaucoup, j’espère être à la hauteur de vos attentes, je suis également ravie de vous rencontrer.

Je lui rends son sourire timidement, puis le suis jusque dans l’ascenseur. Je me colle doucement dans le fond, pour essayer de garder le plus possible mes distances. Je regarde du coin de l’œil cet homme, et les étages défiler. Puis, il se tourne vers moi :

 - Votre bureau est au sixième étage. Il est à côté de celui du PDG de l’entreprise, vous le croiserez de temps à autre donc. Il va vous paraître un peu froid, mais rassurez-vous, il est comme ça avec tout le personnel.

Je ne dis rien et baisse les yeux au sol. Je risque donc d’être parfois confrontée au PDG. Le fait que le manager me dise qu'il soit quelqu’un de froid me rassure un peu… je n’aurai pas à avoir de grandes discussions avec lui.

L’ascenseur s’arrête, et une petite sonnette retentit :

 - Nous y sommes ! dit-il sur un ton amical.

Nous sortons, et il marche en direction de mon bureau. Je continue à le suivre, nous passons dans un grand couloir sombre, habillé de plantes et de quelques cadres. Soudain, il marque un arrêt, puis se tourne vers moi :

 - La porte qui se trouve à quelques pas de nous, c’est le bureau du patron. Il n’aime pas être dérangé, donc si vous allez le voir, c’est seulement pour des urgences, au cas où je ne suis pas présent. Vous pourrez l’apercevoir de temps à autres dans le hall quand il a des rendez-vous, mais il ne sort pas souvent de là, dit-il, à voix basse, puis, il reprend sa marche.

Je le suis, et nous arrivons enfin devant la porte de mon bureau.

 - Voilà ! Nous sommes arrivés. Je vous laisse prendre vos marques. N’hésitez pas à aller faire un tour après votre installation pour visiter l’entreprise, et faire connaissance avec vos nouveaux collègues. Aujourd’hui vous n’aurez pas beaucoup de travail, mais demain je pense que vous trouverez sur votre bureau quelques notes à relire. Si vous avez besoin de quoi que se soit, mon bureau se trouve au quatrième étage. Avez-vous des questions ?

 - Merci pour votre gentillesse, je vais poser mes affaires pour le moment, s’il me vient des questions en tête je viendrai vous voir, dis-je, un sourire timide aux lèvres.

 - Dans ce cas, je vous laisse, prenez votre temps !

Il me regarde un moment, puis s'en va.

Je prends une grande inspiration, et ouvre la porte. Le bureau est assez-petit, mais lumineux. Il y a une étagère avec quelques dictionnaires et journaux. Je pose mon sac sur le porte-manteau, et enlève ma veste. Je m’assois quelques minutes sur le fauteuil derrière le bureau et ferme les yeux. J’y suis. Maintenant il va falloir que je rencontre l’équipe. A cette idée, mon cœur se met à tambouriner dans ma poitrine. Vivement que ce soit fait !

Je me lève après quelques instants, prends mon courage à deux mains, et quitte mon bureau. Je ferme la porte, et me retrouve seule, dans ce grand couloir sombre. Je me mets à marcher en direction de l’ascenseur. Perdu dans mes pensées, je ne remarque pas la personne juste à côté de moi.

 - Bonjour, vous êtes ?

Je sursaute. Je tourne la tête rapidement quand mes yeux se posent sur lui, un homme d’une trentaine d’années, cheveux noirs, au regard sombre me regarde. Je n’arrive pas à décrocher un mot.

 - Mademoiselle ? » dit-il d’un ton sec, presque agacé.

 - Pa… Pardon… Je suis la nouvelle correctrice… Excusez-moi vous m’avez surprise… lui dis-je, en tentant de reprendre mon souffle.

Il continue à me fixer, et je sens mes joues s'empourprer. Je décide alors de baisser le regard, pour tenter de me calmer.

L’ascenseur arrive enfin, et il entre dans celui-ci d’un pas décidé. Ce que je fais à mon tour.

 - Vous allez à quel étage ? dit-il d’un ton toujours aussi sec.

 - Je… je ne sais pas. Je voulais visiter… dis-je timidement, le regard toujours au sol.

Je l’entends appuyer sur un bouton, et nous descendons. Il n’y a plus un mot. Je lève doucement mon regard vers lui. Il regarde son téléphone et ne fait plus attention à moi. Une mèche de cheveux vient cacher son visage ténébreux. Il est impressionnant. Mon cœur bat la chamade, mes joues sont brûlantes. La sonnette retentit, et il lève son visage vers moi. Je baisse immédiatement le regard.

Il sort instantanément, sans un mot.

Je reste plantée là. Qui est cette personne ? Et pourquoi je ressens cela ? Je ferme un instant les yeux et reprends mon souffle. Ce doit être le stress. Oui, forcément ! Je reprends mes esprits et sors à mon tour.

Je le regarde s’éloigner vers l’accueil. Les trois hôtesses se lèvent rapidement, un grand sourire aux lèvres. Je les entends s’exclamer :

 - Monsieur James ! Vous avez besoin de quelque chose ?

 - Veuillez annuler mes rendez-vous du jour, j’ai une affaire urgente à régler aujourd’hui, dit-il, sur un ton autoritaire.

 - Tout de suite monsieur !

Il se tourne vers moi un instant, puis quitte le hall en direction de la sortie. Je me demande toujours qui il est, alors je décide de poser la question à l’hôtesse, qui s’empresse de saisir un agenda.

 - Excusez-moi… Dis-je d’une petite voix presque inaudible.

L’hôtesse ne prête pas attention à moi.

 - Pardonnez-moi pour le dérangement… , lui dis-je un peu plus fort.

 - Oui ? Me répond-elle, sans me regarder.

 - L’homme qui était là il y a un instant, je pourrais savoir de qui il s’agit ?

Elle lève la tête brusquement, le regard surpris, puis me répond sur un air hautain :

 - Cet homme, c’est le PDG de l’entreprise. Monsieur James.

J’ouvre les yeux en grand, puis reprends :

 - Mais… il me semblait que le PDG de l’entreprise était plus âgé ?

 - Monsieur James a pris la relève de son père qui est gravement malade. Ne vous fiez pas à son âge, il dirige la société d’une main de fer depuis son arrivée. Vous ne l’avez pas encore rencontré je suppose ?

 - Je l’ai croisé en prenant l’ascenseur, mais nous n’avons pas vraiment parlé…

La femme en face de moi me rend mon sourire, et me répond :

 - Il n’est pas du genre à bavarder. C’est un homme très occupé. Il est comme ça avec tout le monde, ne le prenez pas pour vous.

 - Je vois... mais ça ne me dérange pas, je suis là avant tout pour travailler, je ne l’embêterai pas. Je comprends qu’il soit bien occupé… Au fait, quel est votre prénom ?

 - Je m’appelle Zoé, on pourrait se tutoyer ? dit-elle avec un sourire.

Surprise par sa gentillesse, je lui adresse un petit sourire et répond :

 - Bien sûr, si tu le souhaites !

 - Super, alors contente de te connaître… Kimi c’est bien ça ?

 - Oui !

Puis je la regarde retourner à ses occupations.

Le temps a passé depuis mon arrivée, et après quelques temps à pianoter sur mon ordinateur, quelqu’un frappe à la porte. Je regarde ma montre, et me rends compte que ma journée de travail s'est terminée depuis déjà deux heures. Merde ! J’étais tellement absorbée par mes lectures que je ne me suis pas rendu compte de l'heure tardive.

Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit que la porte s’ouvre d’un coup sec. Je lève la tête et sens mes joues chauffer presque instantanément.

Monsieur James se tient devant moi, et me fixe. Il ne dit rien. Mon cœur s’emballe, je ne sais pas quoi dire. Soudain, il brise le silence :

 - Vous allez dormir là ? dit-il, sarcastique.

Je baisse le regard, reprends ma respiration, et réponds :

 - Je n’ai pas vu l’heure, j’étais sur une correction et…

Il me coupe net :

 - Rentrez chez-vous. Bonne soirée !

Je n’ai pas le temps de lui répondre, il ferme la porte. J’essaie tant bien que mal de sauvegarder mon travail, les mains tremblantes. Soudain, la porte s’ouvre. Monsieur James me regarde, et me dit :

 - Votre nom ?

Mon cœur manque un battement. Je n’arrive pas à garder mon calme face à cet homme. Je me force à ouvrir la bouche pour lui répondre :

 - Je… heu… je m’appelle Kimi Ler…

 - Bien. Bonne soirée Kimi. Dit-il d’un ton très doux, en me coupant la parole.

A l’entendre dire mon prénom, je pense frôler l'arrêt cardiaque. Il repart sans fermer la porte cette fois. Mais qu’est-ce qu’il m’arrive avec lui ?! Les mains moites et toujours tremblantes, je me dépêche de ranger mes affaires et descends rapidement, priant intérieurement pour ne pas le croiser à nouveau. Je prends l’ascenseur, salue poliment les hôtesses, et pars enfin rejoindre mon appartement.

Annotations

Vous aimez lire Siarran ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0