Un peu de réconfort

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Je suis toujours à terre, dans l'impossibilité de me déplacer.

Mon cœur me fait mal, et je suis soudain prise d'une envie de vomir. Ma tête est en train de tourner et j'ai du mal à distinguer mon environnement. Mon visage est rempli de larmes.

Comment vais-je pouvoir m'en sortir ?

Je sais parfaitement que l'enfer vient de refaire surface dans ma vie. Après des années à avoir subi toutes sortes de violences, je commençais tout juste à reprendre un peu confiance en moi, et à aimer de nouveau la vie.

Je ramasse mon téléphone et me relève très difficilement. Mes jambes sont engourdies, alors je tiens fermement la rambarde.

Après avoir repris mon souffle, je prends ma valise, et ouvre la porte de mon appartement. Je pose mes affaires, enlève ma veste, puis me laisse tomber sur le canapé. Je ferme les yeux, et me mets alors à pleurer à chaudes larmes et reste un long moment comme ça, à ne rien faire d'autre.

Je ne vais pas pouvoir en parler à Manoé, ou sa vie risquerait d'être en danger. Ni à personne d'autre d’ailleurs. Je ne sais que trop bien de quoi il est capable.

Après un long moment, je me lève et vais en direction de la douche. Je fais couler l'eau pour qu'elle soit bien chaude, et me déshabille.

Je regarde mon visage dans la glace et passe mes mains sur mes joues, pour arriver à ma cicatrice. Je la regarde un moment, puis me remets à pleurer.

Que vas t-il se passer maintenant ?

Est-ce qu'il va finir par me tuer ?

Est-ce que je rentrerais dans les statistiques des femmes assassinées sous les coups d'un homme violent ?

Moi qui avais décidé de lutter, de préserver ma vie, tous mes efforts sont aujourd'hui réduits à néant. J'entre dans la douche, et laisse l'eau chaude me parcourir le corps.

Des images me viennent en tête, et surtout, le visage de Luca. Rien chez lui n'aurait pu m'alerter au départ. Il était vraiment très attentionné, il m'écoutait toujours quand je voulais me confier. Il était très doux, et me faisait penser que les contes de fées existaient bel et bien.

Nous avions emménagé très rapidement ensemble. Je voulais rester auprès de lui, je ne voyais plus que lui. Mais après quelques mois, Luca a commencé à montrer un autre visage. Un visage que je ne lui connaissais pas. Il s'est mis à contrôler mon téléphone, puis à rabaisser mes amis.

Au début, je prenais cela pour de la jalousie, et parfois même, j'en riais. Je ne savais pas encore qu'un piège funeste s'était refermé sur moi.

Quelques temps après, il m’interdisait de voir qui que se soit. J'ai alors dû quitter mon travail, pour apaiser les tensions. J'ai dû également jeter mon maquillage, mes chaussures à talon, puis toutes sortes d'habits qui ne lui convenaient plus. Ceux-là même qu'il aimait au départ de notre relation.

La première gifle ? Le jour où j'ai oublié de nettoyer quelques miettes de pain sur la table. Après ça, j'ai essayé de le quitter, mais il redevenait l'homme que j'avais connu au départ, disant qu'il était simplement fatigué et stressé par le travail. Alors, je lui donnais des chances de se rattraper, encore et encore...

Cet « amour » était devenu toxique, et je me disais que de toute façon, je ne méritais probablement pas autre chose... j'étais devenu un spectre, une ombre et invisible. Je ne vivais plus que pour le satisfaire, afin d'éviter les coups, qui pouvaient surgir n'importe quand.

Quand nous étions invités chez mes parents, il était très délicat avec moi, me mettait en valeur et était très amical avec eux. Parfois, il leur rendait visite, souvent après m'avoir frappée, pour se plaindre de moi. Il leur disait que j'étais difficile à vivre, que ma jalousie excessive provoquait pas mal de disputes, alors qu'il faisait son possible pour me rassurer. Mes parents ont fini par le croire, et à prendre leurs distances avec moi, jusqu'à couper définitivement les ponts.

N'en pouvant plus, et pensant régulièrement au suicide, j'ai alors décidé de rentrer en contact avec une association, qui m'a permis de le quitter, sous protection.

J'ai finalement déposé plainte. Un sursis a été prononcé.

C'est tout.

Un sursis de quatre mois, pour m'avoir volé huit ans de ma vie. Pour m'avoir enlevé ma personnalité, pour m'avoir donné l'envie de mourir, pour m'avoir transformée en une femme invisible.

Je ne suis pas encore remise, et je crois bien qu'on ne se remet jamais vraiment d'une telle violence. Même si je n'ai plus de blessures sur le corps, un profond traumatisme est né en moi.

Être avec Manoé m'a alors permis d'espérer pouvoir vivre un jour une véritable relation. J'ai redécouvert l'amour. Cet amour qui m'a profondément fait souffrir.

Après une long moment de réflexion, je sors de la douche, et me sèche. Je vais directement dans mon lit, et n'en sortirai plus, jusqu'à demain matin, pour aller travailler.

***

Mon réveil sonne, et je me prépare pour aller au bureau.

Quand je pose la main sur la poignée de la porte d'entrée, mon cœur se met à palpiter, et une vague de peur m’envahit.

Est-ce qu'il sera là ?

Est-ce qu'il me suivra ?

Quand est-ce qu'il va agir ?

Ma respiration devient rapide. Je souffle à plusieurs reprises, pour retrouver de l'air. La main tremblante, je finis par l'ouvrir, la ferme à double tour, et pars en direction de mon arrêt de bus.

Sur le chemin, je n'ai de cesse de me retourner, de scruter le moindre bruit, de regarder partout autour de moi. Je suis sur mes gardes, jusqu'à l'arrivée du bus. J'y monte rapidement. Avec du monde autour de moi, pour une fois, je me sens rassurée. Il ne s'en prendra pas à moi si je suis entourée.

Après quelques minutes, j'arrive enfin à l'accueil. Zoé vient vers moi, souriante :

 - Kimi, tu vas bien ? Ton week-end s'est bien passé ?

 - Oui, très bien, merci. Le tien aussi ?

Je lui souris, pour ne pas laisser paraître mon angoisse :

 - Super, je suis allée rendre visite à mon frère. Ça faisait un moment qu'on ne s'était pas vus. Nous avons passé un bon week-end, mais on a un peu abusé sur l'alcool...

Elle se met à rire :

 - Au fait, tu vas être contente, tu n'as pas reçu d'enveloppe ce matin, j'espère que tu es soulagée!

 - Oui... super...

Elle me coupe la parole :

 - Tiens, tiens, qui voilà ! Eden !

Je me retourne dans sa direction. Il vient à nous :

 - Salut les filles ! Vous m'avez manqué !

Zoé devient rouge, et rit un instant :

 - Toi aussi... tu n'es pas venu parler la dernière fois, je me suis un peu inquiétée pour toi !

Il me regarde, avec un léger sourire :

 - Ça va, ne t'inquiète pas. J'étais un peu fatigué la dernière fois... mais je me suis ressaisi. Kimi... est-ce que je pourrais te parler un instant ?

J'espère qu'il ne va pas encore me faire une scène, ce n'est vraiment pas le moment...

 - Oui, mais je ne vais pas trop tarder, j'ai pas mal de travail.

 - Ne t'inquiète pas, ça ne sera pas très long.

Il affiche un large sourire cette fois :

 - Tu préfères peut-être qu'on se voit ce soir ? Tu auras peut-être plus de temps ? Je te ramènerai chez toi si tu veux...

L'idée qu'il me ramène chez moi ne me déplaît pas. Être accompagnée d'Eden pourrait m'éviter une angoisse terrible sur le trajet du retour.

 - Oui, voyons-nous ce soir.

 - Ok ! Je t'attendrai à l'accueil pour dix-huit heures alors.

Comme à son habitude, il m'ébouriffe les cheveux, puis part en direction de l'ascenseur.

Zoé me regarde avec un air agacé :

 - Kimi, promets-moi qu'il ne se passera rien avec lui...

Je lui serre le bras et lui souris :

 - Je t'en fais la promesse. Il ne se passera rien avec Eden.

Elle me sourit à son tour, puis retourne à son travail. J'en fais alors de même.

Je monte en direction de mon bureau, et passe devant celui de Manoé. Il a la porte ouverte. Je peux le voir assis, en train de pianoter sur le clavier de son ordinateur. Il est très concentré, et ne remarque pas ma présence.

J'aimerais qu'il puisse me prendre dans ses bras. J'ai vraiment besoin de réconfort. Je reste un moment à le regarder, puis il lève son visage, et me vois enfin. Il me sourit :

 - Entre, ne reste pas là, à me regarder !

J'entre dans son bureau. Il se lève, marche dans ma direction et ferme la porte derrière-moi.

Il me prend dans ses bras. Je le serre fort contre moi, et respire son parfum. Les larmes me montent instantanément aux yeux, et l'une d'elle finit par couler sur ma joue. Il desserre son étreinte, mais je ne le lâche pas.

Je ne veux pas le lâcher. Le sentir contre moi me fait énormément de bien.

 - Kimi... ça ne va pas ?

Je ne réponds pas. Si je le fais, je sais que j'exploserais. Je sais que je ne pourrais pas me retenir de pleurer. Je ne veux pas l'impliquer dans cette histoire... je ne veux surtout pas qu'il souffre à cause de moi.

Il baisse son visage vers moi, et relève le mien vers lui. Il me regarde avec inquiétude. Je m’écarte de lui, et essuie rapidement la larme qui coule sur ma joue.

 - Kimi... qu'est-ce qu'il se passe ?

Il me reprend alors dans ses bras. Il me serre fort contre lui, et me caresse tendrement les cheveux. Je suis si bien dans ses bras... Il m'embrasse le front, relève mon visage et me caresse doucement les joues.

 - J'ai... j'ai juste un coup de fatigue... je n'ai pas très bien dormi...

Il me fixe, avec un regard toujours aussi inquiet :

 - Tu n'aurais pas dû venir... il aurait fallu que tu te reposes un peu...

 - Non... je préfère venir ici... je voulais juste te voir un petit moment avant d'aller travailler. Je ne vais pas t'embêter plus longtemps, tu dois avoir beaucoup de travail...

Il prend ma main :

 - Tu ne m'embêtes pas, Kimi... ce soir je ne pourrais pas me libérer, mais je t’appellerai, d'accord ? Si ça ne va pas aujourd'hui, n'hésite pas à venir me voir, ou à rentrer chez toi...

Je lui souris légèrement :

 - Si je viens tout le temps dans ton bureau, il y aura des soupçons sur nous... ne t'en fais pas pour moi...

Il pose lentement ses lèvres sur les miennes, et m'embrasse avec tendresse. Une chaleur me monte dans la poitrine. Il relève son visage vers moi, me donne un long baiser sur le front, puis, je lâche sa main, et regagne mon bureau.

***

Il est bientôt dix-huit heures, alors je range mes affaires. Je ferme la porte de mon bureau, et passe devant celui de Manoé. La porte est fermée, et je peux entendre qu'il entretient une conversation avec quelqu'un. Je décide donc de ne pas le déranger, et de descendre en direction de l'accueil, pour y retrouver Eden.

Il m'attend, le visage fermé. Je vais vers lui :

 - Allons-y. Ne t'en fait pas, ça ne sera pas long...

 - D'accord...

Il me sourit, puis nous partons en direction de sa voiture.

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