Un cœur brisé

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J'arrive chez moi, totalement épuisée. Entre la fatigue physique et émotionnelle, je suis complètement vidée.

J'enlève ma veste, pose mes affaires, et m'assieds sur le canapé. Je jette un œil à mon téléphone, espérant toujours recevoir un message ou un appel de Manoé. Je le regarde de longues minutes, puis finis par me résigner.

Je me frotte les yeux, et me lève en direction de la salle de bain. Je me regarde un long moment dans la glace, pour constater les dégâts de la soirée d'hier soir sur mon visage, puis, me déshabille, et vais sous la douche.

J'entends mon téléphone sonner. J'attrape rapidement une serviette, et cours pour répondre. Si c'est Manoé, je ne dois surtout pas louper son appel.

Je réponds rapidement, essouflée :

 - « Allô ? »

 - « Kimi... c'est Eden... tu vas bien ? »

Je passe une main sur mon visage, déçue qu'il ne s'agisse pas de la personne que j'attendais.

 - « Salut, Eden. Je vais bien, merci, et toi ? »

 - « Ça va... en fait, je suis un peu perturbé... mon oncle organise une soirée dans sa villa... depuis que j'ai été rejeté par ma famille, je n'ai pas eu de ses nouvelles... et une telle invitation me surprend... enfin... bref, je voulais savoir si tu étais d'accord pour m'accompagner ? »

Je m'assieds sur le canapé, perplexe :

 - « T'accompagner ? Pourquoi ? »

 - « Je ne suis pas très... rassuré d'y aller seul... comme tu le sais, avec ma famille c'est compliqué, et j'ai peur de ne pas réussir à me contrôler si j'y vais seul... et avec toi à mes côtés, je pense que j'arriverai mieux à gérer la situation, tu vois ? »

 - « Hum... je ne suis pas certaine que se soit une très bonne idée... je suppose que c'est un événement familial... je risque de me sentir un peu... mal à l'aise... »

 - « Ne t'en fais pas... Ça ne devrait pas durer très longtemps... »

 - « Et si... Manoé est... là ? »

J'entends Eden soupirer, puis, il reprend :

 - « Il ne se rend pas à ce genre de soirée... il n'a pas le temps, il est très pris par le travail... j'ai demandé à mon oncle s'il serait présent, il m'a dit qu'il ne venait jamais à ses invitations... donc vraiment, il y a peu de chances qu'il soit là... »

Je marque une pause, et réponds :

 - « Il faudrait... que j'y réfléchisse... je ne suis pas certaine de pouvoir t'accompagner... »

 - « A cause de Manoé ? »

Exactement. Si jamais Manoé me voit là-bas, il risque sûrement de mal le prendre. La situation étant déjà assez compliquée, je n'ai pas envie de l'envenimer d'avantage, en accompagnant son frère à une soirée familiale.

 - « Oui... je n'ai pas envie de provoquer une nouvelle dispute... »

 - « Je comprends... mais tu pourrais y réfléchir au moins ? La soirée se tiendra dans une semaine, d'ici là, tu auras le temps de prendre une décision... je n'ai pas envie que tu me dises non tout de suite, sans prendre le temps d'y penser... il y aura des gens très influents là-bas, des journalistes que tu pourrais être contente de voir... si tu ne viens pas pour moi, viens pour les rencontrer, eux... »

 - « D'accord, Eden. Je vais y réfléchir... »

 - « Cool ! Merci, Kimi. Je ne te demande pas ça pour tenter quoi que se soit avec toi, vois ça comme une sortie entre amis, ok ? »

 - « Ok, Eden... je vais te laisser, on se verra demain. »

 - « Oui, à plus tard, Kimi ! »

Je raccroche à ces mots. La proposition d'Eden ne me semble pas être une très bonne idée... Manoé pourrait m'en vouloir, et je risquerais de le perdre définitivement...

Je repars sous la douche, et ferme les yeux un bon moment. Il va falloir que je réfléchisse bien à cette invitation.

D'un côté professionnel, c'est vrai que c'est intéressant... mais si ça doit rajouter encore plus de distance avec Manoé... alors je n'irai pas.

Après une longue douche, et après m'être mise en tenue de nuit, je vais dans le salon, et allume la télé. Je zappe sur plusieurs chaînes, essayant de focaliser mes pensés sur autre chose.

Finalement, mes yeux se ferment doucement, et je m'endors, sur le canapé.

***

Je me réveille en sursaut, en plein milieu de la nuit. J'attrape mon téléphone, qui affiche quatre heures dix. Je me frotte les yeux, bâille et vais dans mon lit. Je regarde une dernière fois mon téléphone, pour m'assurer que je n'ai pas de messages, ni d'appel en absence... rien. Ce silence radio va me rendre folle... il va falloir que j'arrive à avoir une discussion avec lui.

C'est décidé. Tout à l'heure, je prendrai mon courage à deux mains, et j'irai lui parler.

Je règle mon réveil, et me rendors presque instantanément.

Après quelques heures de sommeil, mon réveil sonne. J'ouvre les yeux d'un coup, et l'éteint rapidemment. Je me lève, et pars dans la salle de bain pour me préparer à partir. Des nœuds se nouent dans mon ventre, et mon cœur s'accélère.

Aujourd'hui, je vais aller voir Manoé, pour lui dire ce que j'ai sur le cœur. Je ne peux définitivement pas en rester là. J'ai beaucoup trop besoin de sa présence dans ma vie. Si ma raison me dit de le laisser s'éloigner de moi, mon cœur lui, le refuse. Après avoir vécu une rupture douloureuse, je crains de ne pas supporter une nouvelle déception. Si j'arrête maintenant, je le regretterai. Je voudrais que nous puissions aller aussi loin que nous le pourrons, tout les deux. Même si un jour tout se termine, nous aurons au moins tenté d'être heureux ensemble quelques temps...

Voila. Aujourd'hui, je décide d'être égoïste.

Je sors de mon appartement, pour rejoindre le bus. Je marche lentement, en listant dans ma tête tout sortes de scénarios possibles. Toutes les réactions qu'il sera susceptible d'avoir, quand je lui dirai ce que j'ai sur le cœur. Du rejet ? Ou au contraire, ira t-il dans mon sens ?

Je monte dans le bus, pleine d'angoisse. Je sais que cette discussion marquera la fin de notre relation ou un nouveau départ. J'ai très peur d'être déçue... mais je dois le tenter.

J'arrive à l'accueil. Zoé est beaucoup plus soignée qu'hier, et la voir toute pimpante me fait sourire :

 - Zoé ! Waouh... on dirait que tu es plus en forme qu'hier !

Elle vient vers moi, grand sourire aux lèvres, et me tire la langue :

 - Tu peux parler... tu n'étais pas mieux ! Bien reposée ?

 - Oui, hier je n'en pouvais plus... et toi ?

 - Je me suis endormie en deux secondes ! Alors, ça a été hier avec monsieur X ?

Je lève les épaules :

 - Super, tout va mieux, je suis aux anges !

Elle m’agrippe les bras :

 - C'est vrai ?! C'est super !

Je lève les sourcils :

 - Non... ça aurait été super que ça soit réglé en une journée... je ne l'ai pas vu hier. Mais aujourd'hui, je vais essayer d'aller lui parler.

 - Ah... oui, je pense que c'est le mieux que tu puisses faire...

 - Bon... je ne vais pas traîner plus longtemps... plus vite j'aurai parlé avec lui, mieux se sera... tu sais s'il est arrivé ?

 - Je ne pense pas qu'il soit là... je ne l'ai pas vu passer, et pourtant, je suis la première à arriver ici...

 - J'attendrai. Je vais laisser ma porte ouverte dans ce cas... aller, j'y vais, on se voit plus tard !

 - Oui ! Et tu as intérêt à me faire un debriefing !

Je lui souris, puis monte en direction de mon bureau.

J'ouvre la porte, puis pose ma veste et mon sac. Mon cœur bat vite, et j'espère ne pas me dégonfler... je m'assieds derrière mon bureau, et commence à travailler, en attendant patiemment que Manoé arrive.

Quelques heures plus tard, j'entends les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, ainsi que le bruit de la sonnette. Je me lève brusquement, le cœur battant de plus en plus vite. Je commence à trembler à l'idée d'avoir une discussion avec lui... j'avance lentement jusqu'à ma porte, et avance doucement ma tête hors de mon bureau, pour vérifier que se soit bien lui, et qu'il est seul. Effectivement, c'est bien lui, et il est seul. Je me recule rapidemment, pour éviter qu'il me remarque. Quand j'entends la porte de son bureau s'ouvrir, je commence à perdre mes moyens.

Est-ce que j'y vais ou je laisse tomber ?

Je reste debout, plusieurs minutes, à me demander ce que je dois faire. Après un bon moment à m'embrouiller l'esprit, je décide de me jeter à l'eau, et d'aller frapper à sa porte. Je quitte alors mon bureau, et marche lentement devant le sien. Je pose une oreille contre sa porte, pour m'assurer qu'il n'est pas en conversation téléphonique, pour ne pas le déranger. N'entendant rien, je déglutis, souffle plusieurs fois, et frappe.

- Entrez !

Je passe mes mains sur mon visage, ferme les yeux, et pousse la porte.

J'entre doucement dans son bureau, et la referme. Je me retourne vers lui, et ne bouge plus. Manoé lève la tête, et me regarde, sans rien dire. Nous restons un moment à nous fixer, puis il dit :

 - Je suis assez occupé... il vaudrait mieux que tu ailles voir monsieur Garcia...

Il baisse son visage sur son ordinateur, puis commence à taper sur les touches. Je ne sais pas par quoi commencer... je suis prise d'une angoisse, et commence à me tourner vers la sortie. Je m'arrête, ferme les yeux, puis rebrousse chemin, et avance dans sa direction. Il ne me regarde pas, et semble être absorbé par son travail.

Je peine à reprendre mon souffle, et je commence à avoir les mains moites.

Après quelques instants, et toujours dans un moment de silence, il soupire, et lève son visage pour me regarder :

 - Tu as quelque-chose à me dire ? Je peux t'accorder dix minutes...

Mes lèvres tremblent, et je dois me surpasser pour enfin dire mon premier mot :

 - Oui... je voudrais te parler...

 - Je t'écoute...

Il s'appuie contre le dossier de son siège et croise les bras. Son regard froid me perturbe, et je commence à bafouiller :

 - En fait... je... il y a... je voudrais te parler de...

Il lève les yeux au plafond, les ferment un instant, puis me regarde de nouveau :

 - Viens-en au fait... comme je t'ai dit, je suis assez occupé...

Je reprends une grande inspiration, serre mes mains, et lui réponds :

 - Je suis désolée de te déranger, mais... depuis l'altercation avec Eden, tu es devenu distant...

Il ferme son ordinateur, passe une main sur son front et se lève. Il avance, et arrive devant moi. Il me regarde, avec un regard toujours aussi glacial :

 - Eden avait raison... je ne suis pas la personne qu'il te faut, et peu importe à quel point j'aimerais être avec toi, je ne pourrai jamais te rendre heureuse. Je vais bientôt devoir me marier, et je ne veux pas que tu souffres de cette situation.

Je lui attrape la main. Il baisse les yeux, puis me regarde de nouveau :

 - Écoute... je... je sais que tu vas te marier mais... mais je ne peux pas te laisser t'éloigner de moi... je... je sais que tu m'avais dit dès le début de ne pas m'attacher à toi, mais c'est trop tard... que tu me laisses ou non, je souffre déjà...

Il me regarde, sans rien dire. Son visage s'est assombri, et il a du mal à me regarder en face.

 - Manoé, je... je t'...

Il retire soudainement sa main de la mienne, puis retourne s’asseoir derrière son bureau.

 - Kimi... je... je vais te demander de partir... je dois absolument terminer mon travail.

Il ouvre son ordinateur, et se remet à écrire.

J'ai envie de crier.

J'ai envie d'hurler.

Je suis vraiment très mal... pourquoi me fait-il ça ? Pourquoi me laisse t-il, comme ça ?

Une larme coule sur ma joue, et je lui dis :

 - Donc... c'est terminé ?

Il passe une main sur ses yeux, se tourne vers la fenêtre, et reste immobile pendant un moment. Voyant que la discussion est terminée, je n'insiste pas d'avantage.

Je marche vers la sortie, le regarde une dernière fois, dos à moi, puis repars dans mon bureau, complètement brisée.

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