Un au revoir douloureux

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Nous sommes rentrés depuis deux jours, et aujourd'hui se tient l'enterrement d'Eden. Je suis au plus mal. L'idée de voir partir son corps sous terre me fait vraiment souffrir. Depuis la petite escapade avec Manoé, je ne suis pas sortie de chez moi, étant vraiment au plus mal. Mais... nous y sommes. Le jour J est arrivé. Je me suis vêtue d'une robe noire, et me suis rendue le cœur lourd, à l'église, où la cérémonie a lieu.

J'entre dans ce grand édifice, qui est bondé. Eden était vraiment aimé, au vu du monde qu'il y a. Je ne sais toujours pas de quelle façon il est décédé, Manoé n'a toujours pas réussi à m'en parler. Il est complètement dévasté, et je ne veux pas le forcer.

Je regarde autour de moi, et aperçois une photo d'Eden, au centre de l'église, avec son sourire rayonnant, que j'avais l'habitude de voir. Son cercueil est à côté, avec une multitude de fleurs. En le voyant, des larmes me montent aux yeux instantanément. Cet homme aura marqué ma vie. C'est vraiment lui qui m'a aidée à sortir de ma bulle. Il a toujours été là pour moi, malgré la souffrance qu'il éprouvait. Il a toujours fait en sorte de me rendre heureuse, peu importe ce qu'il ressentait.

Je m'assieds au fond, et jette un œil sur ma gauche. Je peux reconnaître Zoé de dos, aux coté d'un homme qui la tient par les épaules. Nous sommes devenus très proches tous les trois, et elle est certainement aussi effondrée que moi...

Après quelques minutes, la cérémonie débute. Le prêtre commence à dire quelques mots, et un lourd silence s'installe. La tension est palpable dans l'église.

Quand vient le moment des discours, je peux apercevoir Manoé, qui s'avance lentement derrière le pupitre. Il est habillé en noir, très sobrement, et son visage est blafard.

Il regarde autour de lui, comme pour essayer de me trouver parmi la foule. Après un moment, il prend une grande inspiration, se frotte les yeux, et pose les feuilles de son discours devant lui. Ses lèvres tremblent, et il semble avoir beaucoup de mal à parler. Il tousse, ferme les yeux, et décroche enfin un mot :

 - Bonjour à tous. Eden...

Il s'arrête soudainement, et essuie une larme qui coule sur ses joues. Sa fiancée se lève immédiatement, le regarde un instant, et vient à ses côtés. Il la regarde, lève les yeux au plafond et passe une main sur son visage. Elle passe une main dans son dos, et le caresse doucement.

Une tension s'installe peu à peu dans mon esprit. Voir cette femme le toucher, à ce moment difficile, me fait encore plus mal...

Il la regarde un instant, la repousse gentiment, et continue :

 - Eden, était mon petit frère. Nous avons...

Il s'arrête, ferme les yeux, regarde à nouveau les pages devant lui, puis les retourne. Il souffle, et reprend :

 - J'avais préparé un discours... mais en voyant ce cercueil devant moi, il ne me semble pas adapté...

Il regarde en sa direction, passe une main sur son front, et reprend :

 - Eden... je me souviens des moments que nous avons passés dans notre maison de vacances, avec notre mère. Nous passions notre temps à nous disputer, déjà à cette époque... mais, ça ne durait jamais bien longtemps. Nous finissions par nous courir après dans la forêt à côté de cette maison... tu étais le plus rapide, et je passais de longues minutes à te chercher... tu finissais toujours par réapparaître, avec un grand sourire, en me tendant les bras...

Une larme se met à couler doucement sur son visage, et il marque une pause. Il reprend sa respiration, et continue :

 - J'ai passé les meilleurs moments de ma vie dans cette maison. Nous étions une famille unie, toi, moi et maman... tu voulais toujours rendre tout le monde heureux. Quand je te parlais de la pression que papa me mettait sur les épaules, tu disais toujours : « quand je serai grand, je le ferai pour toi, ne t'en fais pas... »

Les larmes commencent peu à peu à inonder son visage, et sa respiration est de plus en plus rapide. Il baisse la tête, s’essuie les yeux, tousse, et reprend :

 - Nous avons fini par être séparés. Cette période a été très difficile pour toi, et pour nous. Quand je parle de nous, je parle de moi, et de maman... j'ai toujours pensé à toi. Il n'y avait pas un seul moment où j’oubliais ton visage rayonnant de joie. Tu étais le souffle d'amour de cette famille... si on peu encore parler de famille... c'était tellement dur pour toi, que tu as fini par me haïr. J'ai toujours compris ta souffrance, et je n'ai jamais voulu t'empêcher de ressentir du mépris pour moi. Je savais que c'était ton moyen de défense pour avancer, pour éviter de ressasser le passé. Ce passé, qui a été un fardeau pour nous... pour notre mère. Tu...

Il se met à pleurer, et passe ses mains sur ses yeux. J'ai du mal à me retenir, moi aussi, et laisse des larmes couler sur mon visage... il est si dévasté... et la vue de ce cercueil est insupportable. Mon cœur saigne.

Il souffle longuement, essuie de nouveau son visage, et reprend la parole :

 - Eden, j'aurais voulu être à tes côtés plus longtemps, car tu as été le petit frère idéal. Je n’oublierai jamais ton sourire... tu étais un vrai rayon de soleil, tu aidais toujours les autres, peu importe si tu n'étais pas bien, tu y tenais vraiment... voir les autres heureux était très important pour toi. Tu es, et restera à jamais mon petit frère... un grand enfant, avec un cœur pur et tendre. Eden... je ne te l'ai jamais dit... mais...

Il passe son visage entre ses mains, relève la tête, et quitte le pupitre, pour avancer lentement à côté du cercueil. Il pose une main dessus, et le regarde quelques instants, avec des larmes qui coulent de plus en plus sur ses joues. Il prend une bouffée d'oxygène, avant de continuer :

 - Je t'aime, mon petit frère. Je t'aime. Je t'aimerai toujours. Repose en paix... avec maman. Tu as pris la décision de la rejoindre, et j'espère que là où tu es, tu es enfin heureux...

Il regarde un bon moment le cercueil, et y pose un baiser, avant de regagner sa place, aux côtés de sa fiancée, qui est retournée s’asseoir entre-temps. Je suis complètement émue, et j'ai vraiment du mal à respirer. Je me lève, et sors de l'église, n'arrivant plus à me contrôler. Je fais quelques pas, et m’effondre, en larmes.

Il nous sera très difficile de faire notre deuil. Eden a été la première personne à me tendre la main. Il a toujours pris soin de moi, dès le début de notre rencontre. J'aurais vraiment dû être là pour lui, lui donner un peu plus d'amour. Il en avait vraiment besoin, et je n'ai rien vu. J'ai été égoïste, trop focalisée sur mes émotions... sur mon bien-être... je ne savais pas qu'il souffrait à ce point... j'aurais dû l'empêcher de nous quitter...

Je sens une main se poser sur mon dos, et des bras m'enlacer. Je peux sentir le parfum de Zoé. Elle ne met pas longtemps avant de pleurer avec moi. Elle me caresse le bras, et me parle doucement :

 - Ça va aller... ça va... aller... on va y arriver... ça va aller...

Elle a du mal à parler, étant elle aussi très émue. Je me tourne, et la prends dans mes bras. Nous restons un long moment, comme ça.

Je perds peu à peu mes sens, et finis dans un trou noir. Je n'arrive pas à supporter cette souffrance, et je finis par m’évanouir.

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