Chapitre 3 : une nouvelle vie 

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Izïa et Gaïana, qui étaient en face du Grand Dieu Cornu, entendirent sa voix. Pour Gaïana, son timbre et l’évidente gentillesse qu’elle renfermait n'étaient pas une découverte. Mais pour Izïa, encore sonnée de voir en face d’elle le Dieu qu’elle priait et invoquait dans ses rituels, demanda à Cernunnos de la laisser s'agenouiller.

— Relevez-vous Izïa, je déteste l’idée que l’on puisse me croire supérieur, confia Cernunnos d’une voix humble.

Gaïana, euphorique de pouvoir rencontrer son ami qui n'était finalement pas imaginaire, s’avança en courant vers lui.

— Mon ami ! C’est toi ! Je suis tellement contente de t’avoir en face de moi, on va pouvoir faire plein de jeux ensemble !

— C’est étrange, ce n’est pas comme ça que vous êtes décrits depuis des siècles par les druides et dans les vieux grimmoires. Ici dans ce monde, vous êtes réputé viril et guerrier, loin de l’image que je me fais de vous actuellement, confia la jeune maman, quelque peu troublée par la personnalité du Dieu.

— Vous savez, ma chère Izïa, pour moi, rien n’est plus important que ma fille. Je l’aime tellement ! annonça Cernunnos qui comprit qu’il avait dit un mot de trop.

— Je pense avoir mal entendu, avez-vous bien dit votre fille ?

Cernunnos, embarrassé, demanda à Izïa de le suivre, faire le tour du lac, sans Gaïana.

La petite-fille, laissée seule au bord du lac dans l’incompréhension, se sentit abandonnée par sa mère, mais surtout par son cerf, qu’elle pensait venu de son monde pour jouer avec elle.

Après une longue conversation, Izïa apprit le secret bien gardé que cachaient les divinités depuis des siècles. La grande sorcière fut sous le choc.

Gaïana, qui s’impatientait de pouvoir jouer avec son ami, arriva à se lever, tenir sur ses jambes et marcher. Mais elle chuta sur ses genoux, après quelques pas, ne pouvant donc rejoindre sa mère et son ami.

Izïa et le Grand Cerf arrivèrent de leur tour de lac. La petite-fille retrouva sa mère en pleurs, chamboulée par les révélations que Cernunnos venait de lui faire. Visiblement affectée par ce qu’avait dit le Dieu à cornes, la jeune maman lui avait promis de ne rien lui dire jusqu’à ses 18 ans.

— Avant que je reparte dans mon monde Gaïana, je te donne cette pierre. dit Cernunnos après avoir fait apparaître une petite pierre jaune.

— Qu’est-ce que c’est ? C’est pour faire quoi ? demanda Gaïana.

— Cette pierre, une fois posée contre ton cœur en me visualisant, permettra de me faire apparaître à tout moment. Si tu as besoin d’un ami, pour jouer ou te défendre en cas d’attaque, tu pourras m’appeler et me faire venir en personne. Sache qu’à tout moment de l’année ou de la journée dans ton monde, tu pourras m’invoquer. Le jour où tu effectueras tes premiers rituels, plutôt que de réciter des incantations, tu n’auras qu’à poser cette pierre à place de la bougie jaune qui me représente. À tous les coups, je serai là, en face de toi.

Après lui avoir donné la pierre et expliqué son utilité, Cernunnos disparut très rapidement dans un petit cercle d’énergie blanche.

Gaïana, heureuse de pouvoir compter sur son ami, mais triste de ne pas avoir pu jouer avec lui, demanda à sa mère, encore bouleversée, si elles pouvaient rentrer à la maison.

La jeune maman, qui avait fini de ranger son matériel, vit Gaïana réussir à marcher à peu près 100 mètres toute seule. Après avoir chuté, elle demanda à sa mère, qui tenait dans sa main gauche la mallette contenant ses affaires, de la laisser monter sur ses épaules.

Arrivées à la maison, Izïa décida d’imposer une règle concernant la pierre de Gaïana.

— Tu sais ma fille, je pense que Cernunnos tient beaucoup à toi. Et crois-moi, c’est une sacrée chance ! Cette pierre que tu as là, ne la perds jamais ! Lorsque tu auras un meuble dans ta chambre pour pouvoir l'entreposer, je te laisserai la gérer toute seule. Mais pour l’instant, je vais la mettre avec mon matériel pour ne pas la perdre, et tu pourras me la demander quand tu voudras. C’est d’accord ?

La petite-fille, qui voyait en cette pierre un portail qui lui amenait son meilleur ami, accepta de lui confier, reconnaissant qu’elle avait tendance à être assez tête en l’air. Elle qui perdait souvent le peu d’objets lui appartenant.

Izïa, qui était en train de préparer le déjeuner, avait une idée qui pouvait peut-être intéresser sa fille.

Alors qu’elle était assise sur la chaise à sa droite, la jeune femme aux yeux bleus se lança.

— Tu te souviens du vendeur d’hier qui nous a apporté un des lits devant la porte d’entrée ? Tôt ce matin, il est venu me rendre visite. Il m’a expliqué qu’il était en train d’apprendre la langue bretonne, dans une école indépendante et gratuite. Cette même école, propose des cours d’irlandais, aux réfugiés venant de Bretagne. Tu veux accompagner maman ?

Gaïana, partagée entre l'envie d’apprendre et la peur de l’inconnu, prit du temps à répondre.

Après quelques secondes de réflexion.

— Oui, mais à la seule condition que tu ne me laisses pas toute seule !

— C’est promis, lui répondit-elle avec un grand sourire.

— Les cours commencent demain !

Gaïana, qui était devenue toute joyeuse à l’idée de se faire de nouveaux amis, entendit la voix de Cernunnos, lui dire qu’il était fière d’elle.

Après avoir eu une telle pensée, la petite-fille savait qu’elle avait pris la bonne décision.

Arrivées à la tombée de la nuit, les deux sorcières se mirent au lit. Izïa, encore fatiguée de son rituel, s’endormît rapidement. Gaïana, de son côté, ne faisait que penser à la journée de demain.

Elle s’imaginait les nouveaux amis qu’elle se ferait, elle se voyait rentrer à la maison, et raconter sa journée à Cernunnos.

Le lendemain, au lever du soleil, Gaïana était la première réveillée. Toute excitée de démarrer ses cours d’irlandais, elle alla réveiller sa mère dans sa chambre.

Après avoir avalé deux pommes pour le petit déjeuner, les deux nouvelles irlandaises se mettaient en route, vers de nouvelles aventures.

L'école se situait dans une ferme, à l’extérieur du centre-ville. Izïa et Gaïana durent marcher jusque dans cette campagne, située à deux kilomètres de chez elles. Sur le chemin, Patrick, le vendeur de lits qui était venu jusque chez elles pour leur parler de cette école, accompagna la petite famille jusqu’à l’établissement. Sur le chemin, beaucoup de paysages s’offraient à eux. En sortant de la ville, vers le nord, un château fort du XIe siècle surplombait la route que les trois camarades empruntaient. En continuant, lorsqu’elles tournaient la tête, des kilomètres et des kilomètres de prairies se succédaient. Des oiseaux magnifiques passaient juste devant le nez d’Izïa, émerveillée des paysages qu’elle n’eut le temps de découvrir les jours précédents.

Lorsqu’elles arrivaient à l’école, elles virent une grange, teintée de rouge et qui tenait avec de grandes poutres marron visibles sur la façade.

À l’intérieur, un professeur âgé, entouré de tables remplies de personnes parlant entre elles en langue bretonne.

Patrick, qui les avait accompagnées jusqu’ici, partit silencieusement, sans même se faire remarquer.

Après une heure de cours, Gaïana était ressortie passionnée par la langue irlandaise.

— Maman c’était trop bien ! C’est quand qu’on y retourne ? demanda la petite-fille

— Demain, jeune fille ! Je suis contente que tu adhères à ce programme, désormais notre vie se fait ici. Nous ne pouvons rester d’éternels bretons dans un pays qui ne nous comprend pas.

Gaïana, qui à la sortie de la grange vit Cassandre, une autre petite-fille d’origine bretonne qui apprenait l’irlandais avec elle, était tout agitée.

— Tu veux aller voir ton amie ? demanda sa mère d’un air calme.

— Oui ! Pourrais-tu me donner ma pierre ? Je veux lui présenter Cernunnos !

Sa mère, qui repensa soudainement à son mari, assassiné pour moins que ça lui fit remonter des souvenirs, encore récents et douloureux. Sous le coup de la reviviscence du traumatisme, elle lui interdisait formellement de parler de Cernunnos, de magie et de tout ce qui concerne ses croyances à qui que ce soit. Izïa tentait de contenir ses larmes. Mais le souvenir, cauchemardesque, la fit tomber dans une grande crise de larmes.

La petite-fille, qui essaya de réconforter sa mère tant bien que mal, ignorait tout ce qu’elle venait de susciter en elle. Cassandre de son côté, qui était accompagnée de son père, se fit tirer la main par ce dernier, pour fuir la jeune maman dans un état de profond chagrin.

En rentrant à la maison, la petite Gaïana, raconta sa journée à Cernunnos, en l'invoquant de sa pierre. Le Grand Cerf, si fier de son amie, la félicita avec un câlin, avant de repartir dans son monde.

Après cette journée, Izïa, qui ruminait, se posa une question. Après le traumatisme qu'elle avait subi en Bretagne, après les révélations de Cernunnos concernant sa fille, devait-elle arrêter de pratiquer la magie pour préserver le bien-être ou peut-être même, la vie de sa fille ?

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