Chapitre 5 : petite-fille puis grande mage 

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Après plusieurs années passées consacrées à l'apprentissage de la magie, Gaïana savait désormais manipuler les énergies, ou encore à reconnaître les plantes et minéraux nécessaires à ses rituels. La jeune sorcière venait de fêter son huitième anniversaire. Heureuse de son parcours, mais angoissée par ce qui l’attendait, elle avait appris à gérer ses émotions, ce qui est indispensable pour effectuer un rituel.

Si les années précédentes étaient rythmées et ressemblantes, pour ne pas dire stéréotypées, son apprentissage des bases de la magie allait bientôt prendre fin. Gaïana, qui avait tout appris de sa mère et du Grand Cerf, était devenue à son très jeune âge, une grande et puissante mage.

Un matin ensoleillé, après s’être fait réveiller par les rayons du soleil, la jeune sorcière prit son petit-déjeuner. Elle n’avait pas très faim à cause de l’anxiété qui lui faisait ressentir une boule douloureuse dans le ventre. La petite-fille devait rejoindre sa mère, au bord du lac proche de chez elles, afin d’y effectuer son premier grand rituel avant de devenir autonome.

Ce rituel était complexe et demandait beaucoup d’énergie pour être réalisé dans de bonnes conditions.

Gaïana, toujours anxieuse lorsqu’elle prit la route vers le lac, marcha rapidement avec l’estomac douloureux. Lorsqu’elle arriva à destination, elle vit sa mère qui se tenait debout à l’attendre.

Izïa, était vêtue d’une robe vert clair, signifiant son amour de la nature. La maman, anxieuse, elle aussi, accueillit sa fille avec un visage froid et grave. Elle était tendue physiquement, en témoignaient ses mains qui se frottaient l’une contre l’autre, ou encore ses jambes qui avaient besoin de bouger constamment.

— Es-tu prête à recevoir ma dernière leçon, jeune fille ? demanda sa mère, contenant ses émotions.

— Oui, grande sorcière, je suis prête. Que ta sagesse me guide vers le meilleur, et me fasse réussir ce rituel, répondit Gaïana, qui parlait déjà comme une adulte.

Le rituel que la petite sorcière s’apprêtait à réaliser était de loin le plus complexe et le plus mystérieux qui ait existé en sorcellerie.

Il consistait à invoquer une divinité du nom de Dagda, le Dieu-druide, le Dieu du temps.

Dans quel but ?

Il s’agissait d'accélérer le temps, dix ans plus tard, afin de pouvoir effectuer une mission qui évaluerait ses capacités à accomplir ou non ses missions de sorcières qui attendaient la jeune Gaïana. Pour réaliser cette mission, elle devait être âgée de dix-huit ans.

Gaïana qui deviendrait une jeune femme, âgée de dix-huit ans si elle parvenait à réussir son rituel, décida d’emmener sa mère avec elle dans son voyage.

Après avoir dressé l’autel à Dagda et tracé le cercle de protection, Gaïana se mit à réciter les incantations.

« Dagda, Dieu du temps,

Remontez-nous, ma mère et moi,

Loin de ce vent.

Que dans dix ans je me retrouve,

Près de ma mère,

Qui veille sur moi telle une louve.

Pendant que Gaïana récitait les incantations, le monde extérieur au cercle s’accélérait. Tout défilait devant les yeux d’Izïa qui observait ce spectacle des plus marquants. Elle était partagée entre la peine de perdre du précieux temps de vie et la prouesse de sa fille. La jeune femme n’avait jamais réussi, en 15 ans de pratique, à effectuer un tel rituel. Elle était bluffée par la puissance qu’avait acquise sa fille au cours de ses six années écoulées.

Lorsque Gaïana ouvrit les yeux, elle retrouva sa mère, vieillie par les dix ans qu’elle venait de faire défiler en un rituel. Lorsqu’elle regarda ses mains, puis ses jambes, quand elle se leva, elle était devenue une jeune femme, alors âgée de 18 ans. Elle qui se sentait adulte dans sln corps de petite-fille se sentit enfin libérée de ce poids. Sa mère était émue face au visage vieilli de sa fille. Gaïana, qui était épuisée, après avoir exécuté un rituel aussi puissant, s'assit sur la pelouse, essoufflée et avec beaucoup de mal à réaliser.

« Désormais, ma fille, tu as acquis en moins de sept ans ce que j’ai dû apprendre par ma mère en dix ans. Tu m’as même en réalité dépassée. Jamais ma puissance magique ne me permettrait d’effectuer un tel rituel. Je t’aime fort ma fille. »

— Merci mère, mais s’il y a bien une grande sorcière parmi nous, c’est toi, qui m’as tout appris avec Cernunnos.

Sa mère, toujours étonnée de son humilité du haut de ses grands pouvoirs, lui dit une dernière chose avant de clore son apprentissage.

— Maintenant que tu sais tout ce que tu avais à savoir pour devenir une sorcière autonome, présente-toi à la Grande Déesse à la nuit tombée. L’astre de Lune qui sera plein, te guidera vers ta première mission, qui confirmera ton apprentissage de la sorcellerie et te mènera vers tes missions. À chaque fois que tu feras un rêve où apparaîtra la Lune, cela annoncera une nouvelle mission pour toi. Pour la découvrir, tu devras reproduire le rituel que tu feras ce soir.

Gaïana, qui appréhendait sa première mission, depuis qu’elle apprit l’existence des devoirs qui s’imposaient aux sorcières, décida de commencer à se préparer pour ce soir si important.

La jeune femme, revêtue d’une robe d’un bleu aussi foncé que celui du ciel de la nuit, prit dans sa mallette de bois : bougies, grimoire, pierre jaune de Cernunnos, ainsi qu’un rondin de bois, sur lequel il était gravé un pentagramme, servant de plaque pour son autel.

Alors que la nuit était tombée, Gaïana sortit de chez elle pour aller rejoindre la forêt enchantée se situant à l’est de la ville, à trois kilomètres de marche.

En arrivant près de la forêt, la jeune fille leva les yeux vers la Lune et la fixa un instant, avant de reprendre son chemin. Elle émit une pensée qui allait à sa mère, une reconnaissance si grande qu’elle ne pourrait un jour le lui exprimer comme elle le voudrait.

Quand elle arriva dans cette forêt, accueillie par une fée, elle se prosterna devant elle et lui demanda respectueusement si elle pouvait effectuer son rituel dans sa forêt.

La fée lui répondit d’un ton ferme que c’était possible, à condition qu’elle ne le fasse pas à côté de leurs maisons qui se situaient au nord de la forêt.

La jeune mage qui, après avoir accepté, continua son chemin en direction du centre de la grande forêt, point culminant, renfermant la plus grande réserve de magie de la ville de Cork.

Une fois arrivée, elle commença à dresser son autel.

Après avoir allumé une bougie grise à sa droite pour la Grande déesse, et avoir disposé la pierre jaune à sa gauche, elle commença à invoquer les divinités.

« Grande Déesse, astre de Lune, que votre puissance féconde et créatrice manifeste sa présence et me guide sur ce qui sera ma première mission. »

« Cernunnos, Grand Dieu Cornu, vous qui avez fécondé ce qui deviendra la Terre, que votre lumière éclaire les pensées de la Grande Déesse qui me donnera ma réponse. »

Après avoir récité les incantations, Gaïana se sentit prise d’une intense fatigue. Concentrée sur son premier rituel qu’elle effectuait seule, Cernunnos, son grand ami depuis déjà 7 ans, se manifesta à elle.

— Gaïana ! Je suis si heureux de te voir effectuer ton premier rituel seule. Maintenant que tu es une sorcière autonome, tu es venu chercher ta première mission.

« Jeune fille de la Terre, que ta puissance et ta bonté te renforce au cours de ta mission qui consistera à rejoindre une jeune femme qui vient de perdre son homme, au nord de l’Irlande. Tu devras t’y rendre seule. Ta mission ? Tu devras guider l'âme de son mari pour la mener au monde des esprits. »

« Ensuite, tu devras envoyer la veuve par bateau pour le Royaume de France, au port depuis Dublin, à l’est du pays. »

« Cette mission, tu devras accomplir si tu veux devenir une grande soricère, prête à accomplir.»

« Qu’il en soit ainsi. » dit-il en ayant soudainement changé de ton.

Après lui avoir annoncé sa mission d’un ton très sérieux, le Grand Dieu était retourné dans le monde des divinités, la laissant seule, face à l’angoisse et le devoir qu’elle devait accomplir.

Cette mission, Gaïana qui, malgré ces pensées qui lui disaient de ne pas le faire, la motiva de toutes ses forces, la situation de cette femme, veuve, lui faisait penser à celle de sa mère, sept ans plus tôt.

Gaïana qui, après avoir rangé son matériel, prit le chemin inverse, afin de rentrer chez elle. La jeune femme n’avait pas eu le temps d’avertir sa mère de son départ pour le nord du pays, dans la ville de Donegal.

En voyant sa mère endormie, elle l’embrassa sur le front, ce qui le réveilla brièvement avant de se rendormir aussitôt. Après cela, elle prit des vêtements et un peu de nourriture dans la cuisine. La suite s’annonçait rude et pleine d’aventures.

Après avoir traversé la ville de Cork, elle passa devant ce château fort qui surplombait la ville, majestueux et prêt à affronter n’importe-quelle bataille, aussi périlleuse soit-elle. Elle s’arrêta un instant, et se visualisa aussi forte et courageuse que ce grand monument.

Après avoir repris sa route, confiante, elle traversa les « county » les uns après les autres, jusqu’à arriver à Donegal.

Sur la route, elle n’avait eu seulement la possibilité de se nourrir de pommes et de framboises, qu’elle avait pris dans sa cuisine. Sur le chemin, elle s’était nourrie de baies qui poussaient sur des arbustes le long des chemins de terre.

La jeune sorcière épuisée, le ventre vide, qui n'avait pas dormi depuis trois jours, demanda de l’aide à Cernunnos, son ami de toujours.

Après qu'il lui eu indiqué la direction de sa destination, elle repartit, plus motivée et prête à aller au secours de la veuve.

Arrivée dans la nuit, devant la porte de la maison de la femme endeuillée, Gaïana toqua à trois reprises sur la planche robuste prévue à cet effet.

Lorsqu’elle vit la porte s’ouvrir, elle se fit prier de rentrer à l’intérieur pour aller manger et boire à sa convenance.

Gaïana, qui n’avait bu sur le chemin que de l’eau des rivières et des lacs devant lesquels elle passait, était heureuse de pouvoir boire une eau propre tirée du puis.

— Dois-je effectuer le rituel maintenant ? demanda la sorcière qui s’était remplie d’eau et de pain.

— Mon mari souffre, je l’entends. Par pitié, libérez-le au plus vite, répondit la femme en détresse.

L’âme de son mari qui était resté prisonnière dans son jardin, où l’on avait planté un long poteau de bois pour y mettre le feu, criait d’une voix torturée, sûrement encore sous le coup de la douleur des brûlures de son corps physique.

Gaïana effectua un rituel très simple que lui avait appris sa mère pour libérer une âme prisonnière, elle fit brûler un bâtonnet d’herbe fumigènes jusqu’à ce qu’elles deviennent entièrement consumées. Après ça, elle souffla sur les cendres tombées en miettes sur le sol en disant à voix haute :

« Part loin de cet endroit,

Âme perdue, de ton corps déchu,

Libère-toi, envole-toi,

Au monde des esprits ou bien dans une autre vie. »

Après avoir effectué son rituel, elle entendit une voix qui s’en allait vers les cieux, la remerciant de l’avoir libérée de ce que l’humain appelait l’enfer. Elle se sentit pleine de joie d’avoir libérée cette âme qui souffrait terriblement.

La veuve, de son côté, s’effondra de tristesse, après avoir entendu son mari partir vers le ciel.

La veuve, éternellement reconnaissante envers la jeune sorcière, lui demanda ce qu’elle pouvait faire pour la remercier.

— La meilleure chose que vous puissiez faire pour moi, c’est de prendre soin de vous et de suivre comme prévu la mission qui m’a été donnée d’accomplir, répondit Gaïana d’un air brave.

Gaïana et la femme, qui avaient passé le reste de la nuit à dormir, firent à leur réveil les affaires pour préparer le voyage de la veuve. Après ça, elle se mirent en route, laissant la maison encore habitée de meubles et d’affaires ne pouvant être amenées.

Sur la route qui devait durer à peu près une journée et demie, les deux femmes marchèrent à une vitesse telle qu'el'e n'eurent besoin que de douze heures pour arriver. Au début du chemin, Gaïana qui avait eu le temps de préparer une potion au vertus stimulantes, l’avait partagée à la femme qu’elle accompagnait, avant d’en boire elle aussi.

Lorsqu’elles arrivèrent au port de Dublin, elles étaient noyées par le monde qui devait partir pour la Grande-Bretagne ou le Royaume de France. Arrivées devant un bateau qui arborait sur son mât le drapeau du royaume, Gaïana demanda au capitaine en langue bretonne le prix d’un voyage jusqu’en France.

— Bonjour mesdames, vous êtes ravissantes, dit-il d’un air distingué avant de leur expliquer les détails du voyage.

« Le bateau que je mène jusqu’au Bas-Poitou vous accueillera, très chère dame, pour la modique somme d’un franc et de cinquante centimes. Le bateau, vous fera arriver au port de Luçon, vous pourrez, avec l’argent économisé du voyage, vous payer tout le luxe de la vie française. »

La veuve qui était riche de l'héritage de son mari, faisait partie des premières bourgeoises qu’ait connues l’Irlande. Elle qui avait amené tout son argent, paya le capitaine et monta sur le bateau après avoir embrassé la jeune sorcière.

Après que le bateau soit parti vers la France, la jeune femme prit le chemin pour rentrer à la maison.

Il lui restait de la potion énergisante, elle traversa le pays pour rejoindre sa ville de Cork en vingt-six heures.

Lorsqu’elle arriva à la maison, elle vit sa mère qui n’avait pas dormi depuis son départ, lorsque Izïa vit sa fille qui était aussi grande qu’elle, elle la prit dans ses bras en pleurant abondamment.

Les missions que s’apprêtait à accomplir par la suite la jeune femme, ne seraient heureusement pas aussi lourdes et difficiles que celles-ci. Après une dure semaine, la Grande Déesse qui depuis son monde était fière d’elle, décida de lui laisser du repos, bien mérité.

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