2- Exclu.

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F5 me suppliait d'arrêter de lui martyriser la touche. Je me vengeais sur lui, sans trop de raison. Rien de personnel. Une revanche même petite en valait bien une grande. Malgré ces attaques répétées, rien ne semblait y faire. Le même message m'interdisait l'entrée, d'actualisation en actualisation :

"Votre compte est temporairement indisponible ; un e-mail vous a été envoyé à votre adresse électronique d'urgence. Veuillez suivre la procédure de vérification afin de récupérer votre compte."

Je n'avais ni l'envie ni le temps de me plier à cette démarche ; les questions secrètes, la demande de mon numéro de téléphone. Lequel avais-je donné, déjà ? Quel était le nom de jeune fille de ma mère ? Mon premier établissement scolaire ? Dans les faits, tout cela n'était pas insurmontable, un petit effort de mémoire, tout au plus. Ce n'était pas ça qui me faisait bouillir de l'intérieur. Être expulsé ainsi, ça, ça ne passait pas. On m'avait coupé la parole, jeté dehors, seul. C'était impardonnable ; il y avait là, pour moi, quelque chose d'inadmissible. Révolté mais pas crétin, j'ouvris tout de même ma boîte mail. Bon gré mal gré prêt à jouer le jeu.

6634 mails, 54 courriers indésirables, 33 brouillons, il y avait, comme qui dirait, du laisser-aller. Dans cette avalanche de petites enveloppes se trouvait le passage obligé, la case sécurité, par laquelle je devais montrer patte blanche. Le réseau était, certes, suspicieux mais tout aussi magnanime ; une fois la lumière faite sur mon identité et mon innocence reconnue il me laisserait reprendre la conversation avec Sophie. Je commençais mon exploration alors, lisant chaque titre. Celui que je cherchais devait être explicite, les intelligences artificielles n'étaient pas encore des poétesses. Trouvé ! Coincé entre deux rendez-vous médicaux, il n'était pas bien loin dans la file. Veinard. Je pris le temps de le lire entièrement ; sans grande surprise, il était dénué de style. Mon analyse, de critique littéraire pour IA en mal de prose, était sans appel...

" Dr.Bordenave. Urgent."

Une note venait de s'afficher. 6635... un de plus, bienvenue au club. La nouveauté suscitant toujours chez moi un regain d'intérêt, j'avais déjà bifurqué, sans m'en rendre compte, vers l'urgence de mon docteur.

Vide....D'accord. Le bon médecin avait dû faire une erreur en envoyant ce courrier sans rien ajouter d'autre que le titre — une mauvaise manipulation, ça pouvait arriver à tout le monde, peu importe — j'avais autre chose à faire de toute façon. Supprimer... Supprimer... La commande ne répondait pas. C'était sans doute un bug, un ralentissement. Avec la masse que devait supporter ma boite ce n'était pas étonnant, mais qu'est-ce que c'était rageant. Je pris une profonde inspiration ; irrité par cet énième contretemps que j'avais moi-même créé, cet écran blanc me provoquait.

— Tires-toi de là ! Merde ! je martelais l'oreille gauche de ma souris d'un index furibond.

Je finis par distribuer des claques, sur le moniteur, par grappe de quatre ; négociant avec lui afin qu'il m'écoute et supprime ce courrier inutile. Bien sûr cela n'avait aucune utilité. Sauf pour mes nerfs et c'était déjà pas mal. Lui, il restait impassible. Seul le mail semblait vouloir participer aux pourparlers. Sous le titre "Urgent" une phrase se composait, d'elle-même, sous mes yeux incrédules. Un B puis un O et un N s'invitèrent tour à tour...

— Bonjour, Henri.

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