Chapitre 5 – La révélation
Alexandre arriva chez Marianne sans grande conviction. Mais il espérait. Espérait des réponses que la Crim’ ne pouvait lui offrir. Espérait rattraper ce qu’il n’avait pas su empêcher.
Marianne lui ouvrit la porte, déjà en train d’allumer une bougie. Elle sourit doucement.
— Bonsoir, Alexandre. Toi… et Franck.
Il s’arrêta net sur le seuil.
— Franck est ici ? murmura-t-il.
Marianne hocha la tête, calmement.
— Non. Il est avec toi.
Alexandre fronça les sourcils.
— Pourquoi je ne le vois pas ? Pourquoi je ne ressens rien ?
Marianne s’approcha, lui prit la main doucement.
— Parce que tu n’y crois pas. Et quand on nie l’existence des voix… on coupe les canaux de communication.
Elle marqua une pause, son regard intense.
— Mais toi… tu as un don, Alexandre. Tu crois le fuir, mais tu l’as toujours eu. Et c’est précisément pour ça que le démon veut te détruire.
Alexandre baissa les yeux. La carte froissée de Franck traînait dans sa poche. “Elle sait où trouver la vérité.” Et maintenant… elle parlait comme si la vérité le cherchait lui.
Marianne se leva lentement, le regard fixé sur la flamme vacillante.
— J’ai découvert deux choses… importantes.
— La première m’est revenue en mémoire : je sais où se trouve le sceau qui retenait prisonnier le démon.
Alexandre se redressa, le souffle coupé.
— Si ce sceau est brisé…
— Alors c’est sans doute là qu’a eu lieu le sacrifice de Sylvie.
Un silence lourd tomba. Puis Marianne murmura, la voix plus basse :
— Et l’autre chose… te concerne.
Elle se rapprocha, lentement.
— Le secret de ton père. Celui que tu crois ne pas connaître. Celui que tu portes sans le savoir.
Alexandre fronça les sourcils.
— Je ne l’ai jamais connu. Il est parti dès ma naissance.
Marianne toucha son épaule, doucement.
— Parce qu’il avait peur. Pas de toi. De ce que tu deviendrais.
Claire apparut derrière lui, pâle, silencieuse.
— Il t’a laissé le don. Mais jamais le mode d’emploi.
Marianne se tenait droite, les mains à peine tremblantes. Son regard plongea dans celui d’Alexandre, comme si elle lui transmettait un héritage invisible.
— Tu es né d'une lignée de médiums exorcistes, dit-elle avec une solennité nouvelle. Ton père a fui non par lâcheté… mais par instinct. Il voulait te protéger.
Il revit, l’espace d’un instant, ce garçon de huit ans qui demandait à sa mère pourquoi papa ne revenait jamais. Elle n’avait pas su répondre. Maintenant, il comprenait.
Un frisson glacé parcourut sa colonne.
— Les démons traquent les failles des exorcistes, poursuivit Marianne. Et un enfant, c’est une faille vivante. Un futur adversaire trop facile à éliminer.
Claire s’approcha, le regard adouci pour une fois.
— Il ne t’a jamais abandonné, Alexandre. Il a tiré un rideau sur ta lumière… pour te sauver des ténèbres.
Marianne sortit un vieux coffret en bois noir, scellé par des symboles gravés.
— Et il t’a laissé plus qu’un nom. Il t’a laissé un outil… si tu veux l’ouvrir.
Elle déverrouilla lentement le coffret. À l’intérieur, une croix ancienne, aux gravures effacées par les siècles. Elle brillait faiblement, comme si la lumière hésitait à s’en approcher.
— C’est l’artefact que ton père m’a confié, murmura-t-elle. Elle a été forgée dans le même métal que la lance de Saint Georges.
Alexandre plissa les yeux, sceptique.
— Tu veux que je croie à ces sornettes ? Une croix qui devient une arme… un métal sacré ?
Marianne ne répondit pas. Elle appuya doucement sur un symbole caché. La croix se déploya, comme une mécanique divine : les bras s’allongèrent, les gravures s’enflammèrent légèrement, et une lumière intense s’extirpa du centre.
— Ce n’est pas une arme contre les vivants, dit-elle. Elle ne peut blesser que ceux qui n’ont plus de corps…
Alexandre sourit, un sourire las, grinçant.
— Et moi, je suis censé leur faire face ?
Claire apparut derrière lui, bras croisés.
— Dis donc… pour un gars qui ne croit pas aux fantômes, t’en fréquentes pas mal.
Marianne s’approcha, grave.
— Tu n’es pas un simple médium, Alexandre. Tu es un Porteur du Souffle.
— Le Souffle ?
— Ce n’est pas un pouvoir. C’est une mémoire. Une voix ancienne qui t’habite… et que le démon veut faire taire.
Elle marqua une pause, puis ajouta :
— D’après la légende, ils ne portaient ni armes ni bannières.
Seulement le Souffle.
Celui qui traverse les âmes, chasse les ombres, et murmure aux vivants ce que les morts ont oublié.
Annotations
Versions