L’adresse reçue par Alexandre n’était pas répertoriée. Un immeuble d’aspect banal dans le XIIIe arrondissement. Une porte blindée derrière un parking souterrain. Un escalier raide vers un couloir silencieux.

Puis… la pièce.

Le bureau.

Un sous-sol aménagé, austère mais fonctionnel. Six postes informatiques. Une ligne directe et cryptée vers Rome. Et surtout… un accès illimité aux archives interdites du Vatican. Rituels oubliés. Pactes anciens. Dossiers d’exorcistes disparus.

Marianne entra la première. Elle respira lentement. Ici, ses visions ne l’étouffaient pas. Le lieu était protégé.

Claire s’installa sur un fauteuil, déjà absorbée par une vieille carte annotée à la main. Franck parcourait les fichiers numériques, ses doigts courant comme ceux d’un pianiste sur les touches.

Puis, on frappa. Une fois. Solennelle.

Marianne ouvrit.

Le Padre Giovani se tenait droit malgré son âge. Et derrière lui, en uniforme discret : le capitaine Giuseppe Torino, porteur d’un regard qui ne jugeait pas… mais évaluait.

Le Padre sourit à Marianne.

— Enfin une vraie équipe. Et un vrai combat à mener.

Alexandre se leva, fit un signe à ses compagnons.

— Bienvenue au Bureau des Affaires Étranges.

Le Padre se tenait au centre de la pièce, les mains posées sur le dossier d’une chaise, son regard traversant chacun d’eux comme des flammes d’autel.

— L’heure est grave, dit-il. — Le sceau est brisé. Mais il retient encore le démon… pour l’instant.

Le silence s’installa. Même les néons semblaient vaciller.

— À chaque sacrifice, la faille grandit. Et si le prochain est accompli… le démon sera libre. Et cette fois… puissant comme jamais.

Alexandre s’avança, le regard acéré.

— Alors comment on l’arrête ?

Le Padre ferma les yeux. Puis posa les deux doigts sur son crucifix.

— Il faut deux choses. Première : empêcher le sacrifice. Protéger la vierge. Rompre le rituel avant son terme. — Deuxième… couper le pacte. Briser l’alliance entre le démon et celui qui l’a rappelé.

Marianne murmura :

— Et comment rompre un pacte ?

Le Padre rouvrit les yeux, sombre et calme.

— Le pacte tient sur une loi : la dignité du demandeur. S’il est prouvé que celui qui l’a invoqué est indigne — moralement, rituellement, ou spirituellement — alors le lien devient instable… et peut être renversé.

Claire se redressa.

— Mais qui est le demandeur ? Delajoie ? La prêtresse ? Ou quelqu’un d’autre… ?

Le Padre s’approcha de l’écran central.

— C’est ce que nous allons découvrir. Car si nous nous trompons… alors samedi, ce monde changera de maître.

Alexandre se leva, le regard plus froid que jamais.

— Il faut nous répartir les tâches. — Claire… tu vas suivre Delajoie. Discrètement. Savoir s’il a déjà trouvé la vierge. Tu es la plus intuitive… écoute ce que l’air te murmure.

Claire hocha la tête, sérieuse.

— Franck, continua Alexandre, tu suis Corinne. Mais prudence. Si c’est elle la Prêtresse… elle peut percevoir les fantômes. Voire t’enflammer l’âme sans te toucher.

Le Padre ajouta d’une voix grave :

— Elle ne sera pas seule. Des âmes maléfiques la protègent. Des serviteurs du limbe. Ne les regarde pas dans les yeux.

Franck blêmit, mais acquiesça.

— Marianne, reprit Alexandre, avec le Padre, vous allez voir les parents de Sylvie. Pourquoi ont-ils accepté la version du suicide ? Qu’est-ce qu’on leur a promis… ou montré ?

Marianne échangea un regard lourd avec le vieil exorciste.

— Et moi, dit Alexandre, je vais réveiller mes indics. On va fouiller Paris à l’envers. Voir si on parle… de messes inversées. De lieux obscurs. De rituels non officiels.

Il se tourna enfin vers le capitaine Torino, toujours droit.

— Capitaine, auriez-vous l’amabilité de consulter les archives du Vatican ? — Recherchez les lieux propices à ce genre de messe autour de Paris, cryptes désaffectées, couvents profanés ou théâtres construits sur des sanctuaires. Ce genre de pièges qui sont oubliés.

Torino inclina doucement la tête.

— Je vais croiser les manuscrits avec les cartes. Certains lieux sont répertoriés… mais d’autres ne sont révélés qu’aux porteurs du sigil. Je vous transmettrai la liste avant minuit.

Silence.

Puis Alexandre regarda chacun.

— On ne chasse pas une créature. On chasse une décision. Et on doit l’arrêter… avant que samedi ne devienne un souvenir sanglant.