Bureau de Corinne. Silencieux. Figé. Mais quelque chose se déchire… dans l’air. Il y a comme un frisson presque audible. Les murs semblent se resserrer.

Elle se redresse brusquement.

Une ombre, mince et vibrante, s'avance lentement du coin de la pièce. Elle ne marche pas. Elle glisse. Elle avait la forme d’un homme… mais son visage était un vide qui aspirait la lumière. Et lorsqu'elle atteint son épaule, elle murmure :

— Delajoie a brisé le pacte. — Il n’obéit plus. — Alexandre le poursuit. Le Maître est en danger.

Corinne claque sa main sur la table.

— Quoi ? Il ose ? — Je l’ai choisi. Je l’ai façonné. C’est moi qui ai ouvert la porte… pas lui.

Elle tourne vers l’ombre, les yeux brillants d’inquiétude.

— Préviens le Maître. Il doit décider. Il doit parler. Va… et reviens avec ses ordres. Vite.

L’ombre disparaît. Pas dans un mouvement. Dans un effacement.

Corinne reste seule. Mais autour d’elle, le papier des murs tremble. Et dans la fenêtre… le reflet de son propre visage se déforme.

L’air dans le bureau était figé. Même la poussière semblait suspendue.

L’ombre glissa sous la porte, silencieuse comme une intention. Corinne se leva, son regard déjà ailleurs.

— Alors ?

L’ombre s’approcha et murmura, avec une voix qui semblait venir de l’intérieur des murs :

— Le Maître… sent la présence du prêtre et de la femme. — Ils sont proches de l’autel. — Ils cherchent à refermer le sceau. À purifier ce qui ne doit pas être touché.

Corinne serra les poings.

— Il faut les ralentir.

L’ombre poursuivit :

— Le Maître l’a dissimulé. Il a posé des runes autour de l’autel. Ce sont des runes d’oubli et d’effacement. Même leurs prières ne verront rien.

Corinne hocha la tête. Mais le message n’était pas fini.

— Quant à Delajoie… il est instable. Il a tué celle qu’il devait offrir. — Sylvie…

Corinne frissonna. — Il faut l’arrêter pour meurtre ou mieux : le faire disparaître.

L’ombre recula légèrement.

— Et ensuite… le rituel commencera. Le Maître doit être déplacé dans un nouveau lieu avec une nouvelle faille.

Corinne murmura :

— Très bien. Je préviens les ombres qui le suivent. Et moi… je vais à la rencontre de Delajoie si il n’est pas mort avant.

L’ombre se courba. Et s’évapora.

Pigalle, 1h26. Le bar “Le Vertige” clignote dans la nuit. Sur le trottoir, Delajoie attend. Il halète, tapie près de la vitrine, le regard fuyant. Son souffle est court. Mais ce n’est pas la peur. C’est… quelque chose qui serre sa gorge.

Claire, embusquée à quelques mètres, le surveille. Mais ce qu’elle voit à côté de lui n’est pas humain.

Une ombre. Plus dense que la nuit. Elle colle à son dos, glisse le long de son épaule.

Delajoie suffoque. Il tente d’aspirer l’air comme s’il était noyé dans l’invisible.

L’un des messagers du Maître… est venu collecter.

Claire s’apprête à bouger — quand Franck surgit, spectral, incandescent d’urgence.

— Recule ! hurle-t-il.

Il traverse l’air, se jette entre l’ombre et Delajoie. Le choc est silencieux… mais terrible. L’ombre grésille, comme brûlée par une mémoire interdite.

Delajoie tombe à genoux. Il tousse. Il pleure presque.

Franck se penche sur Claire.

— Va prévenir Alexandre. Maintenant. Ils veulent le tuer… pour le rituel. Mais pas comme prévu. Ils veulent… effacer l’échec. Et je sens que quelque chose va s’ouvrir. Une nouvelle bouche. Une vraie.

Claire hésite, puis s’évanouit dans la foule.

Franck reste près du député. Il ne le protège pas par amitié. Mais parce que ce soir, tuer Delajoie… signifierait que le pacte change peut être de nature.

Ce n’est plus un pacte. C’est une infection. Et elle cherche un nouveau hôte. » dit Claire en partant