Chapitre 16 — Le Rite Scellé
La maison vibrait. Mais ce n’était pas une vibration physique. C’était l’écho d’un pacte qui vacille.
Marianne se figea, les paumes tournées vers le sol. Son souffle ralentit.
— Quelque chose bouge… murmura-t-elle. — Padre… le ressentez-vous ?
Le padre s’avança lentement, tenant son chapelet.
— Oui. Le lien se détache… mais pas tout à fait. Il faut commencer. Sceller cette maison avant qu’il ne s’échappe.
Il s’agenouilla au centre du salon. Déposa une pierre consacrée, alluma trois bougies inversées, et sortit une prière scellée à l’encre de cendre.
Mais à l’instant où il entama le premier vers… le sol craqua.
Des ombres suintaient de la terre. Ce n’était pas des esprits ni des gens mais des fragments du Maître lui-même.
Leurs corps longs et vacillants s’extirpaient des lattes, du parquet, des fissures. Leurs visages n’étaient pas là — mais leurs regards oui.
Ils entourèrent le Padre. Mais la lumière de ses bougies tenait encore le cercle sacré.
Marianne, en transe légère, récita le nom de Gabriel et ouvrit un cercle secondaire, là où la croix de Franck avait marqué le mur.
Le combat n’était pas physique. Il était entre les mots sacrés et les hurlements muets du pacte.
Le sceau devait être posé avant que Delajoie ne soit frappé. Car si l’échec du sacrifice précédent se propageait… le Maître pourrait chercher un autre exécutant.
"Tu crois m’enfermer à nouveau, Padre ? Mais je ne suis pas une créature que l’on scelle. Je suis ce que le monde a nourri, ce que ses péchés ont baptisé."
"Je ne me cache pas — je suis partout. Dans le regard d’un homme pressé. Dans les murs d’une église oubliée. Dans le silence des familles détruites."
"Aujourd’hui, tu gagnes peut-être ta bataille. Mais demain… je reviendrai."
*"Et chaque fois, plus fort. Car le monde est mien. Et il le veut. Parce que ce monde est corrompu… Et que *je suis sa vérité la plus fidèle."
La dernière invocation du Padre fendit l’air. Les runes vibrèrent. Les ombres hurlèrent un dernier silence… avant de se dissiper dans la pierre. Le démon fut scellé, de nouveau, derrière le sceau sacré.
Au même moment…
Rue Clichy. Les sirènes hurlaient. Claire retrouva Alexandre.
— Vite ! dit-elle. Delajoie est ici. Et les ombres veulent le tuer.
Mais trop tard.
Sur le trottoir, Delajoie gît, le visage figé, la main crispée sur un couteau rougi. Face à lui, Corinne. Parfaitement droite. Arme baissée.
Alexandre accourt. — Que s’est-il passé ?
Corinne relève les yeux, froide.
— J’ai entendu que vous le recherchiez. Je l’ai vu. J’ai voulu l’arrêter. Il a sorti un couteau. Alors j’ai tiré.
Franck, derrière elle, secoue lentement la tête.
Il s’approche d’Alexandre et glisse à son oreille :
— Elle ment. Elle n’a pas donné d’ordre, pas de sommation. Elle est venue pour le tuer. Parce qu’il était un maillon... qui avait cessé d’obéir.
Alexandre regarde la scène une dernière fois avec une Corinne droite et nette. Mais son aura… respire la cendre du pacte.
La nuit était tombée sur Paris. Une nuit plus calme qu’elle ne l’avait été depuis des jours. Le ciel, lavé par la pluie, laissait entrevoir quelques étoiles.
Alexandre, seul, marchait lentement le long des quais. Il s’était éloigné du tumulte, du sang, des cris. Il avait besoin de silence. De comprendre ce qui restait… après.
Et c’est là, entre deux réverbères, qu’il le vit.
Un garçon. Immobile vêtu d’un manteau trop grand et les cheveux en bataille. Les yeux clairs étaient sans peur.
Alexandre s’arrêta net.
— Léo… ?
Le garçon hocha doucement la tête. Il ne souriait pas. Mais il n’était pas triste. Il était… paisible.
— Tu es libre ? demanda Alexandre, la voix rauque.
Léo s’approcha d’un pas. Il ne touchait pas le sol.
— Dis à Erik… que tout va bien maintenant.
Il est mort.
Alexandre sentit un frisson lui traverser l’échine pas de peur mais de vérité.
— Tu veux dire… le démon ?
Léo secoua la tête.
— Non. Celui que j’étais. Celui qu’ils ont pris. Il n’est plus là. Il ne souffre plus.
Un silence. Puis Léo leva les yeux vers le ciel.
— Merci d’avoir cherché. Même quand tout le monde avait oublié.
Et dans un souffle, il disparut. Comme une brume qui se dissipe au lever du jour.
Alexandre resta là, longtemps. Puis il sortit son téléphone. Et composa un numéro qu’il connaissait par cœur.
— Erik ? C’est moi.
Je crois que j’ai un message pour toi.
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