10. Fille contre mère

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À l’heure du dîner, ma mère avait retrouvé son calme impérial, et son sourire apaisé. Elle me dit lorsque je la rejoignis dans mon pyjama en plaid :

— J’ai fait une salade. La charcuterie et la crème-fraîche, c’est exclu à moins de quarante-huit heures d’une soirée. Tout comme les fayots et les oignons.

— Ça me va.

— Tu me donnes chaud, habillée comme ça.

— Non, ça va.

Je m’assis à table. Elle demanda en remplissant mon assiette.

— Tu veux faire quelque chose, demain ?

— La grasse matinée.

— Et l’après-midi ?

— Je n’en sais rien. Un truc qui me permette de ne pas penser à la soirée.

— Je croyais que le costume était magnifique.

— Oui. J’ai le droit de stresser ?

— Pourquoi stresser ? C’est son travail qu’on juge, pas le tient.

— Mais c’est quand même mon corps. Je vais être à poil devant je ne sais pas combien de personne que je ne connais pas.

— Ce n’est pas la mort.

— Non, mais tu peux comprendre que ça me stresse. Je n’ai jamais fait ça avant aujourd’hui, et contrairement à toi, j’ai une pudeur.

— La pudeur, c’est pour les moches.

— Bah, peut-être que je le suis.

— N’importe quoi !

Elle sourit, et cacha sa bouche pour ne pas cracher sa salade en riant. Je lui jetai un regard noir. Arcan avait bien plus de respect pour mon corps que ma propre mère. Elle posa sa main sur la mienne.

— Laëtitia, ma chérie…

Elle ravisa ses mots, préférant ne rien dire. Ça m’énerva alors je demandai agressivement :

— Quoi ?

— Rien. Juste : t’es ravissante.

— Toutes les mères doivent penser ça de leur fille.

— Arcan ne t’aurait pas choisie. Tu vas être éblouissante, et je suis super fière que tu partages ma passion, encore plus comme poupée.

— Je fais ça pour l’argent, pas par passion.

— Je suis quand même fière que tu sois une poupée. Ne fais pas cette tête. Qu’est-ce qui te choque ?

— Je me demande si quelque part sur Terre, une mère dit à sa fille qui va faire le trottoir. Je suis fière que tu sois une pute.

Le sourire s’effaça sur son visage.

— Tu confonds tout. Premièrement, je ne touche pas un centime d’Arcan. Deuxièmement, est-ce que je t’ai obligée ?

— Un peu beaucoup quand-même.

— Je t’ai dit de prendre ta vie en main. Et je t’ai dit que t’étais pas obligée d’accepter de travailler pour Arcan.

— Après m’avoir déguisée en geisha, et m’avoir fait ouvrir les cuisses devant lui. T’as cru que je ressentirais quoi ? T’aurais pas l’impression d’être une pute si on t’emmenait chez un homme que tu ne connais pas, qu’on te foutait à poil et qu’on te demandait de lui montrer ta chatte ?

— Ce n’est pas…

— Pourquoi si je devais juste défiler à poil, j’ai dû lui montrer ma chatte ?

— Je suis désolée si tu l’as mal pris, ma chérie. Mais il me semble que tu as accepté le jour-même et il me paraît un peu tard pour avoir cette discussion. Il a juste voulu voir tes petites lèvres parce que c’est important. Si elles étaient trop grandes, il aurait sûrement décliné.

— Je ne suis pas conne. J’essaie juste de te faire comprendre ce que j’ai pu ressentir. Arcan est un homme gentil, et je n’ai rien à dire sur lui. Mais mets-toi à ma place.

— À ta place, je serais super fière.

— Mais parce que tu trempes là-dedans depuis des années ! Tu ne te rends même plus compte !

Elle se pencha un peu en prenant appui sur ses avant-bras.

— Moi si j’avais les chances d’avoir un corps comme le tien, je choisirais d’être poupée. Parce que la poupée ne paie pas l’entrée de la soirée, parce qu’on ne regarde qu’elle, qu’elle est sûre d’être payée à la sortie et qu’elle a l’assurance qu’on ne lui fera rien. Mais peut-être que tu ne te rendras compte de la chance que t’as qu’après avoir grossi neuf mois, avoir chopé des vergetures et d’avoir eu les seins comme des sacs de supermarché, parce que t’auras allaité un Gremlin goulu. Et après qu’il t’ait vidée de toute ta belle graisse mammaire, tu lui feras à manger pendant vingt ans jusqu’à ce que lui passe sa crise d’adolescence tardive.

— Le Gremlin goulu et ingrat te souhaite bonne nuit.

Je me levai et quittai la cuisine.

Je ressassais les derniers mots alors qu’à l’origine je cherchais seulement à lui expliquer le concept de pudeur. Je m’allongeai sur le lit, avec l’envie de tout arrêter maintenant. Je plantai mes oreillettes dans mes lobes et mis de la musique aléatoire. La playlist commença en entonner Partenaire Particulier. Je me dis que ça devait être de la génération d’Arcan. Puis les paroles firent écho au contrat verbal qu’il y avait entre moi et le façonneur. Je ne pouvais pas le laisser tomber.

Ma mère finit de ranger la cuisine et poussa la porte de ma chambre. Je soupirai en voyant l’entrebâillement, je lui dis :

— Te fais pas chier, c’est chez toi de toute façon.

Elle entra, je coupai la musique mais gardai mes oreillettes. Elle s’assit sur le lit puis me regarda avec tendresse.

— Je ne voulais pas dire ce que tu as compris.

— J’ai bien compris ce que t’as voulu dire.

— C’est mignon un petit Gremlin. Tant qu’il ne mange pas après minuit.

Je soupirai. Elle passa sa main sur mes cheveux.

— J’ai bien vu que tu n’étais pas à l’aise chez Arcan. Je suis désolée si tu t’es sentie humiliée.

— Comme dirait quelqu’un, ça me paraît un peu tard pour avoir cette discussion.

— Je propose qu’on en reparle après la soirée.

— C’est ça, grinçai-je.

— Bonne nuit mon Gremlin sexy.

Elle m’embrassa sur le front et s’éloigna. Je ne remis pas la musique. Je pensais à Arcan. Je n’avais qu’une envie : être avec lui. Les heures me paraissaient si simples et douces quand j’étais chez lui.

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