37. Duo renforcé

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Arcan s’occupait de la commande d’un client pendant que je poursuivais son ouvrage sur la seconde cuissarde. La première étant terminée, il suffisait de reproduire la même chose symétriquement. Petit fer à souder à la main, je m’appliquais à placer les éléments des décorations sur les protections métalliques.

L’interphone vibra. Arcan ne leva pas le nez de son ouvrage.

— Ça doit être Geisha. Vas lui ouvrir.

J’éteignis mon fer, le posai sur la mousse humide, puis traversai le couloir jusqu’à la pièce principale. Le ciel à l’extérieur m’indiquait qu’il était tard. Je demandai :

— Oui ?

— C’est Geisha.

Je déverrouillai le hall, puis ouvris la porte pour l’attendre. Elle arriva, souriante, mais éreintée de sa journée. Lorsqu’elle arriva à moi elle jeta sa bouche sur la mienne comme si elle avait craint que je m’enfuisse. Je fermai la porte du pied tandis qu’elle se blottissait contre mon t-shirt. Son nez me huma à pleins poumons pour signifier combien je lui avais manqué. Je lui dis :

— Ta première cuissarde est terminée.

Elle me prit la main que je ne lui avais pas tendue, et m’emboîta le pas jusqu’à l’atelier. Arcan venait de ranger son ouvrage et la salua :

— Bonjour Geisha.

— Bonjour Arcan. Vous allez bien ?

— Pour le moment, je suis dans les temps, donc je vais bien. Peut-on essayer la cuissarde ?

— Oui !

Elle s’assit sur la chaise pour se déchausser, puis abaissa son pantalon. Arcan s’approcha d’elle, glissa son pied dans la botte de cavalier dont j’avais découpé l’arrière du mollet. Il enferma le bas du mollet dans une sangle élastique, masquée par un carter métallique. La cotte de maille remontait derrière son genou jusqu’à la sangle qui tenait à mi-cuisse, bordée par deux chaînes de vélo. Le devant de la cuisse était divisé en deux ailes d’acier Les engrenages au niveau des genoux tournèrent lorsqu’elle plia la jambe. Le tibia était fendu dans sa longueur par une chaîne de vélo et le pied était recouvert d’une coque agressive. Arcan s’inquiéta :

— La pointure va ?

— C’est un peu serré, mais c’est supportable.

— Muse, donne lui l’autre botte.

Je lui tendis la botte et elle glissa son pied à l’intérieur. Elle fit deux pas.

— Ouais, c’est bon.

— Ton masque sera fini demain, poursuivit Arcan. Muse a conçu des épaulettes.

— C’est vrai ?

— J’ai peint, surtout.

— On gagne beaucoup de temps, à deux.

Geisha ôta sa veste et son chemisier. Elle abaissa les bretelles de son soutien-gorge, me sourit alors que je patientais avec les protections. Je lui demandai de tenir ses cheveux, puis plaçai le harnais sur ses épaules. Les bretelles se croisaient sous ses omoplates et remontaient au-dessus de sa poitrine. Je fermai l’attache au niveau de son sternum. Arcan accrocha le chapeau conique ceint par la chaîne dé vélo pour cacher les accroches. Je déroulai la cotte qui masquait partiellement ses seins. Ses aréoles se discernaient parfaitement entre les mailles, le téton se glissant entre elles. Je fermai le carcan qui la couvrait jusqu’au cou, et cachai l’attache en plastique du sternum. Voyant qu’il manquait des détails à la tenue, il lui dit :

— Tu auras les mêmes gants que Muse.

— Cool !

Je croisai le regard d’Arcan et mesurai sa satisfaction. Geisha me demanda :

— T’en dis quoi ?

— Je demande à voir sans culotte.

— Pas de problème.

Elle baissa son sous vêtement, écarta l’élastique pour faire passer la cuissarde. Lorsqu’elle se redressa, Arcan dit :

— Nous allons passer à la mise en scène. Geisha, tu restes comme ça. Muse, tu peux rester habillée, mais il faut la laisse et s’entraîner à l’aveugle.

Il empoigna une vieille table aux pieds métallique repliés et quitta l’atelier avec. Geisha me prit à partie :

— Tu ne m’as pas dit ce que ça donne sans culotte.

— Ça va rendre super bien avec le masque.

— Cool !

J’empoignai mon masque et tendis le collier pour qu’elle me le mette. Une fois aveugle, je me soumis à ses doigts, et elle me conduisit à travers le couloir. Arcan avait déplié la table car il commença ses explication en posant la situation :

— Là, c’est la table du buffet. Si dans l’histoire, nous renversons des verres ou des assiettes, ce n’est pas grave, mais on essaiera de choisir un coin qui n’exigera pas remboursement.

— Renverser des verres ? répéta Geisha.

— Les façonneurs n’aiment pas la poésie ni le romantisme, nous allons leur donner de la violence. Muse, tu auras des oreillettes sous ton masque, pour que je puisse donner une indication sans que d’autres l’entendent. L’idée est que je confie la laisse à Geisha, que je m’éloigne, mais que Muse prenne le dessus.

— Pour renforcer l’idée que sans le mâle, la femme est vulnérable ? demanda Geisha.

— Pour renforcer l’idée que Muse est fatale. Tu prends la laisse et tu la tires vers le coin de table. Muse résiste, et tu te retournes. Muse caresse ta joue, et tu te figes. Il faut que ton corps exprime le désir qui sommeille au fond de toi et Muse le réveille. Elle passe par exemple le pouce sur ta bouche, et sans prévenir, quand tous les façonneurs ont capté qu’il y a quelque chose qui se joue, d’une seule main, Muse te saisit à la gorge et te plaque dos à la table. Là, ça peut rester soft. Muse te maintient le bras, te lèche la peau comme si elle allait te dévorer, et toi tu t’abandonnes à l’idée qu’elle aille plus loin. Si le jeu d’acteur est bon, les façonneurs imagineront le reste. Il n’y aura pas besoin de davantage pour obtenir la première place.

— Tout dépend de ce qu’a prévu ma mère, dis-je.

— Tout dépend, acquiesça Arcan.

— Ta mère ? répéta Geisha.

Me mordant de m’être trahie malgré-moi, après quatre secondes d’hésitation, je choisis d’avouer :

— Ma mère est Sculpturine.

— Oh le scoop !

— Ne le dis à personne s’il te plait.

— Tu pourras m’égorger avec un tesson de verre à pied si je te trahis.

Arcan marmonna un rire, puis dit :

— Avant que nous commencions, je commande à manger ?

— J’ai grave la dalle ! répondit Geisha.

Il s’éloigna avec son téléphone. Je dis :

— Dommage que tu ne sois pas là le midi, c’est lui qui cuisine.

— Le midi, c’est gamelle ou sandwich. Vu que j’ai trop la flemme en ce moment.

J’opinai du menton. Elle pointa son doigt sur mes côtes, me faisant sursauter. Puis, en riant, elle glissa ses mains sous mon t-shirt.

— Je peux faire ce que je veux, on dirait.

Sa bouche vint me chatouiller dans cou. J’inclinai le front vers elle pour l’empêcher de continuer et me tortillai pour échapper à ses mains. Ma hanche heurta la table que j’ignorais si proche. Arcan revint vers nous.

— Nous avons quarante-cinq minutes. Je prends la laisse.

Il m’éloigna de cinq pas. Il mit une musique d’ambiance sur son téléphone puis singea une rencontre.

— Quelle poupée inspirante, je vais mettre un vote pour vous. Tiens, c’est l’Impératrice qui arrive, je vais la saluer. Geisha, emmène Muse au buffet. Muse tu suis jusqu’à ce que je t’indique stop dans l’oreillette. Geisha se placera alors dos à la table.

La laisse changea de main. Geisha me fit faire cinq pas. Arcan m’indiqua de m’arrêter, ce qui stoppa Geisha alors qu’elle était à la table. Elle se retourna et quand la laisse se détendit, je la suivis des doigts, fis un pas vers elle et trouvai son bras nu. Je remontai lentement, passai ensuite sur sa joue. Comme il me l’avait suggéré, je passai le pouce sur le menton de Geisha. Ignorant ses réactions, je ne savais pas si son jeu convenait à Arcan. Comme il restait silencieux, je poursuivis, posant la seconde main sur les hanches nues et tièdes de ma comparse.

— J’ai noté que tout le monde vous regardait. Action.

Je saisis Geisha au cou et la poussai délicatement en arrière.

— Pas assez violent, on revient. Geisha va se laisser aller, sois ferme.

Nous reprîmes la position. Je la saisis et tendis brutalement le bras. Geisha se coucha. Je gardai ma main sur son menton pour la maintenir et passai la langue de son nombril jusqu’à la cotte de maille. De l’autre main, je la relevai et massai sa poitrine. Un marmonnement d’Arcan me fit comprendre que ça ne lui convenait pas.

— On reprend à zéro. Geisha, je veux que les caresses t’enfièvrent. Entrouvre la bouche, comme si t’étais à la limite de l’extase. Muse, je veux qu’on sente ton appétit. Tu peux rouler des hanches entre ses cuisses.

— D’accord.

La laisse me tira en arrière et nous reprîmes.

L’exercice n’eût rien d’érotique tant il exigeait de la performance. Il ne nous demandait pas un geste plus qu’un autre. Il acceptait que nous modifions notre façon de faire. Il voulait ressentir de la passion et donc que nous procédions comme nous le ressentions sur le moment.

Alors que Geisha nous ramenait tard chez elle, dans la voiture, je ruminais intérieurement, insatisfaite de notre prestation, mécontente de ne pas mettre de côté mes propres à-priori pour donner le spectacle qu’Arcan fomentait. Les façonneurs attendaient plus que des saintes-nitouches, et Arcan méritait que son labeur soit mis en valeur. C’était paradoxal : je m’en voulais de ne pas être quelqu’un d’autre, d’être capable d’oublier Laëtitia et laisse Muse être.

Geisha voyait bien que ça m’obsédait. Elle s’inquiéta :

— Ça va ?

— Arcan est déçu, et moi encore plus.

— Je le sens bien. Quand tu m’as léché le téton, il a bien aimé, je l’ai vu sur son visage.

— Je vois bien ce qu’il veut donner. Mais je trouve que ce n’est pas assez sexuel.

— Tu trouves ? Moi, j’ai eu deux trois frissons.

Je souris à son compliment déguisé.

— Je sais comment vont réagir les façonneurs.

— C’est sensuel, t’inquiète. Qu’est-ce que tu voudrais faire de plus ?

— Des trucs plus… Que je me débloque, quoi.

— Mmm ? Genre que tu me doigtes ?

— Ouais.

— Que tu me lèches ?

— S’il faut aller jusque-là, peut-être.

— Là, j’ai encore un frisson.

Je soupirai en fermant les yeux. L’attirance physique qu’elle avait pour moi devenait un fardeau chaque fois qu’elle l’exprimait. En dehors de notre tribadisme la veille, je n’avais pas ressenti à nouveau d’attirance. Malgré ça, je voulais tellement plaire à Arcan. Sa vision était claire et précise dans ma tête. J’essayai de traduire mon ressenti.

— Ce n’est pas forcément faire des gestes plus obscènes, mais c’est que mon personnage ne doit faire ressentir aucune… Comment dire ? Je ne veux pas que les gens sentent que je me force ou que je suis dégoûtée.

— T’es dégoûtée quand tu me caresses ?

— Non mais, tu vois ce que je veux dire. Ce n’est pas naturel. Enfin moi je le sens que je ne le suis pas.

Elle posa sa main sur ma cuisse.

— Tu sais, ton visage est masqué. Personne ne le verra.

— Ouais, mais ma gestuelle doit aller vers toi. Peut-être que si, je mets un doigt, comme tu dis.

— Arcan ne te demande pas plus. Déjà que tu m’embrasses avant de me plaquer, ça rend bien. Tu te prends la tête pour des détails.

Sa main me quitta pour reprendre le volant. Les détails, c’était eux qui feraient toute la différence. Notre mise en scène allait devoir surprendre tout le monde avant les votes au point que les défilés parussent fades. Jetant un œil à Geisha concentrée sur sa conduite, je remarquai la contrariété sur son visage. Je tendis la main et caressai sa tempe en éloignant ses cheveux de son oreille, puis je choisis des mots pour la rassurer.

— Tu sais ? J’adore t’embrasser.

Un sourire lui échappa.

— Menteuse.

— Je t’assure. J’y ai pris goût. Si je suis honnête avec moi-même, j’aime aussi que tu me fasses des trucs. En fait, ce qui me bloque dans cette démo, c’est de me dire que ma mère sera là. Je n’ai pas envie de lui donner raison à sa théorie que toutes les filles sont lesbiennes ou bisexuelles, que l’hétérosexualité féminine aurait été inventée par l’église, et toutes les conneries du genre. Avant d’être avec toi, pour moi c’était clair.

— Et t’as pas envie de revenir sur tes paroles.

— Clairement pas. Je suis têtue comme elle. Et quand elle va me voir t’embrasser et te caresser, ses pensées vont arriver jusqu’à moi. C’est insupportable. Même aveugle, je verrai son petit sourire victorieux.

— Je comprends.

— Je préfèrerai que ce soit Arcan qui me prenne sur la table, devant tout le monde. Ce n’est pas après toi, hein…

— C’est lui que tu aimes.

— Et puis surtout, je crois qu’elle ne le supporterait pas.

— À cause de l’âge ?

— À cause du fait que c’est elle qui m’a obligée à devenir une poupée.

— Après, c’est ta mère. Elle devrait être heureuse si toi tu es heureuse.

— Si je ramenais une fille à la maison, elle serait heureuse. Un garçon, elle se dominerait. Si c’est Arcan, je suis sûre qu’elle pèterait un câble.

— T’as qu’à me présenter à elle.

— Mais je n’ai pas envie qu’elle soit heureuse. C’est pour ça que même si j’aime te faire des câlins, ça me fait chier si elle le voit.

— Je comprends.

— C’est une vengeance. J’ai envie de me venger qu’elle m’ait forcé à devenir une poupée.

— Pourtant t’aime ça.

— Oui.

— Et t’aime Arcan. C’est un peu grâce à elle.

— Léa pense que mon amour pour Arcan est une forme de bouclier psychologique que je me suis créée pour accepter ma soumission.

— Si vraiment tu n’étais pas attirée par lui, t’aurais refusé de faire poupée, c’est tout.

— Pas faux.

Elle gara la voiture. Lorsqu’elle ferma sa portière un peu violemment, elle répondit à sa voiture comme si elle lui avait reprochée sa brutalité.

— Moi aussi, je suis claquée.

Je ne souris pas sur le coup, surprise. Lisant ma perplexité, elle m’expliqua :

— Oui, je parle à Titine d’habitude. Mais comme t’es dans la voiture, je te parle à toi. Elle est un peu jalouse.

— D’accord.

Nous entrâmes dans le bâtiment puis regagnâmes l’appartement. Je passai aux toilettes en première. Assise sur la lunette, je continuais à me repasser le scénario que nous n’avions cessé de répéter, comme des robots sans âme. Je n’avais pas besoin de modèle, ni de singer une scène de film, je sentais au fond de moi comment il fallait opérer. Mais il me fallait me décoincer. Je ne voulais pas toucher mécaniquement Geisha, je voulais lui faire l’amour. Je savais qu’elle travaillait demain, mais je voulais tenter quelque chose.

Je me levai, nettoyai ma vulve avec le gant qu’elle m’avait laissé, puis remontai mon pantalon. Me souvenant de ses exigences d’économies d’eau, je questionnai en sortant :

— Je tire la chasse ?

— Nan !

Elle prit ma place, sa robe en plaid sous la main. Je me dénudai complètement et m’allongeai sous ma couette pour l’attendre. Lorsqu’elle en sortit, elle me dit avec un sourire :

— Bonne nuit.

— T’es très fatiguée ?

— Pourquoi ?

— On pourrait dormir ensemble.

Je levai la couette. Son regard me parcourut durant cinq longues secondes silencieuses avant qu’elle ne sourît. Elle ôta sa robe, éteignit la lumière et se glissa contre moi. Nous nous lovâmes l’une contre l’autre. Sa peau chaude m’était agréable, ses mollets doux croisèrent les miens. J’embrassai ses lèvres délicatement.

— Qu’est-ce qui t’arrive ?

— J’ai envie de faire l’amour.

Sa langue vint trouver la mienne. Nos mains s’éparpillèrent en caresses sur l’arrête des omoplates, dans les creux du dos jusqu’au sillon de nos fesses. Je m’immergeais dans l’idée de ce que devait être pour moi notre relation. Son odeur m’enivrait, la douceur de ses cheveux m’électrisait. Je saisis ses mains, les plaçai au-dessus de sa tête et montai au-dessus d’elle. J’embrassai sa bouche puis courbai les épaules, embrassai sa poitrine. Cela me faisait toujours aussi étrange d’avoir un téton aussi gros et granuleux posé sur les papilles. Le soupir de Geisha eut beau être encourageant, ma libido se freina. Je me redressai, assise sur ses cuisses, caressai ses épaules et sa poitrine du bout des doigts, galopai autour de son nombril. On était loin des pectoraux et des abdominaux virils d’Arcan, toutefois ça ne me déplaisait pas. Mes doigts comparaient dans leur exploration tendre et se dirigèrent en dessous du nombril, là où ils auraient pu trouver un pénis dur de désir. Je longeai la ligne timide du petit mont. C’était comme une flèche, indiquant la direction de mon challenge. De la paume, je comprimai délicatement le renflement pubien. Un soupir s’échappa des narines de Geisha. Je poursuivis, préférant rester assise où j’étais et repoussant le moment où j’aurais à explorer ses chairs. Geisha se redressa plaqua sa main entre mes seins et se recula d’un mouvement de fesses.

— Attends.

Elle dégagea ses jambes et les disposa de part et d’autre de mes cuisses, et saisit mes mollets pour les passer autour de ses hanches. Sa bouche effleura mes lèvres. Elle poussa mes épaules en arrière, je me posai sur mes coudes et des doigts glissèrent le long de mes nymphes.

— À toi.

Elle se plaça en arrière, ouvrant davantage ses hanches et révélant dans la pénombre ses petits lèvres. Je passai le bout des doigts dessus. Je n’éprouvais aucun dégoût, plutôt de la curiosité. Chez un homme, je ne pouvais qu’imaginer les sensations qu’il ressentait. Là, je savais l’effet que ça lui procurait. Ce jeu de ping-pong me plaisait bien. Je me repositionnai sur mes mains. Geisha revint caresser ma vulve, tourna autour de mon clitoris puis fendit l’humidité entre mes pétales. Son index s’enfonça profondément. Elle questionna avec malice :

— T’as déjà goûté ?

Je n’eus pas le temps de répondre oui. Elle présenta son doigt à ma bouche alors je le suçai puis elle se plaça à son tour sur mes mains. Je repris l’exploration de son anatomie, puis plongeai à mon tour dans son écrin brûlant et détrempé. C’était étrange d’avoir autour du doigt la même sensation de mouille épaisse, la même texture granuleuse sur la face antérieure que lors d’une petite escapade en solitaire, mais de ne pas ressentir l’effet en moi. Geisha lâcha un soupir avant que je lui présente sa dégustation. Elle suçota mon index, puis saisit ma main pour que je revienne en elle. Elle y invita mon majeur alors j’exerçai un léger mouvement de va et vient. Ses soupirs s’approfondirent, et elle recula ma main pour l’amener vers mon visage. Je reculai instinctivement, et elle susurra :

— On passe au niveau supérieur.

À contrecœur, j’acceptai de mettre mes propres doigts en bouche, et goûtai le filet épais de cyprine. L’arôme n’était en rien dégoûtant, uniquement le fait que ça ne vînt pas de mon propre corps. Elle demanda :

— Alors ?

— On a le même goût.

— Bouffe-la-moi !

Elle se jeta en arrière. Je n’en avais nulle envie, mais je savais qu’il fallait me forger une première expérience avant de décréter définitivement que ça n’était pas mon truc. Sa fleur froissée ouverte me répugnait, cependant, l’impatience sur son visage imposait le défi de la faire jouir. J’avais envie de la voir se tordre et je me promis que si la lécher devenait trop immonde, j’y réussirai avec les doigts. Je m’allongeai et approchai mon nez de son intimité odorante. Captant mon hésitation, elle dit :

— Ferme les yeux et imagine que tu t’auto-lèches.

Mes paupières se fermèrent, mais je n’imaginai rien. Prenant sur moi, je dardai la langue. À l’instar de notre premier baiser, le cap du premier geste passé, je n’avais qu’à continuer. Lécher une chatte n’avait rien de moins glamour que sucer une queue. Ça n’avait pas particulièrement bon goût sans être rebutant, et j’avais l’impression de découvrir les muscles de ma mâchoire. Quitte à choisir, la sexualité orale était de loin préférable à la dégustation de certains fromages. De surcroît, il y avait, quel que soit le sexe de l’autre, une chose de particulièrement plaisante : les soubresauts de plaisir résultant de mes actions. Rapidement je trouvai chez Geisha ce qui lui procurait le plus de frissons et je m’attardai à lui laper le clitoris.

Sa mouille se liquéfia, de plus en plus abondante, jusqu’à ce que son corps se suspendît dans les airs, gardant ses épaules pour seul contact avec le matelas. Je me jouai de cette réaction, de la pointe de la langue. Lorsqu’elle reposa ses fesses sur le sol, ce fut pour gémir, le ventre parcouru des spasmes de ma victoire.

Un rire guttural lui échappa, puis elle reprit sa respiration.

— C’était sensas.

Je caressai ses cuisses, contente d’avoir réussi.

— Fais-moi un câlin, s’il te plaît.

Je m’allongeai contre elle. Ses cuisses étreignirent mes hanches avec force. Je caressai son dos. Elle couvrit ma bouche de baisers, puis posa sa joue contre la mienne. Elle m’allongea sur le dos puis s’agenouilla entre mes jambes. Elle passa son pouce au creux de mon intimité, puis enduit mon rubis de cyprine.

— Je te préviens, j’ai des heures de branlette à mon actif, je sais faire durer les choses.

Son pouce comprima mon clitoris sous son capuchon, durcissant mes muscles malgré-moi. Elle reproduit par pressions lentes et régulières, comme si elle avait trouvé l’interrupteur de mon corps. Quand mon souffle s’approfondit, elle leva la capuche et laissa descendre entre ses lèvres un long filet de bave. Lorsque mon rubis fut enveloppé dans un lit de bulle, elle apposa délicatement son pouce, m’électrisant toute entière.

— La première, j’étais aidé par les caresses des autres poupées. La seconde fois par Arcan. Là, je vais te faire oublier ton amant.

— Tu n’imagines pas ce qu’il me…

D’une glissade, elle me coupa le souffle. Elle poursuivit, silencieuse, observatrice, sans utiliser autre chose que son pouce. Elle me faisait trembler, elle me rendait folle. Je n’avais qu’Arcan en tête, le plaisir à fleur de nerf, au point que je la suppliai de me finir. Geisha tint parole, elle fit durer l’attente de longues minutes. Lorsqu’elle décida de me libérer, la housse du matelas était trempée. Son pouce accéléra ses caresses circulaires, mon corps se durcit de mes poumons jusqu’à mes mollets. La bouche ouverte cherchant l’air qui me manquait, sans un bruit, je laissai l’orgasme m’emporter.

Elle attendit que les spasmes cessent, remonta la couette par-dessus nos épaules. Elle dit :

— T’étais magnifique.

Je ne répondis pas, acceptai son bras qui se refermait. L’horloge affichait minuit dans la pénombre. Mes pensées étaient apaisées et nombreuses. Je songeais à Arcan qui aurait apprécié le spectacle. J’observais ma vie qui mutait. J’étais bien auprès de cette fille qui s’endormait. À l’instant, pour rien au monde je n’aurais espéré être ailleurs. Mes sentiments allaient toujours au fascinant façonneur qui m’avait choisie. Néanmoins, une partie de mon cœur s’émouvait pour mon amusante et franche colocataire. Elle avait un côté honnête, naturel et pétulant qui n’allait pas avec son surnom. Mais c’est ce que j’appréciais. C’était l’été le plus dingue de ma vie.

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