62. Théâtre

14 minutes de lecture

Geisha se parqua à toute vitesse, au pied de l’immeuble d’Arcan. Surprise, je lui dis :

— T’avais raison, ça rentre.

Elle rota, puis quitta l’habitacle. Je regardai mon téléphone.

— Je parie qu’elle est déjà là.

— Mais non. Nous sommes à l’heure.

J’appelai l’ascenseur et vis qu’il descendait du quatrième étage.

— Elle est déjà là.

— Et alors ? Ça arrive d’être en retard. T’as dit que t’avais passé un bon moment.

— Oui. Ta mère est super gentille. Ça me fait deux belles-mamans super gentilles.

Nous entrâmes dans l’ascenseur et Geisha répondit en appuyant sur le bouton :

— Faut bien ça pour compenser une maman méchante.

— Mais elle n’est pas méchante. C’est… C’est dommage qu’il y ait cette rivalité, sinon, vous la connaîtriez sous un autre angle.

— Désolée, pour moi c’est… Je n’ai pas envie de reprendre les mots d’Eugène, parce que je n’ai pas envie de te blesser.

Je soupirai. L’ascenseur nous libéra et je poussai la porte de l’appartement. L’impératrice était déjà là, en arrêt devant le salon d’exposition saccagé. C’est comme si les faits venaient argumenter en faveur de Geisha. Comment pouvais-je le nier ? Ma mère était méchante.

La grande femme aux cheveux courts posa ses yeux sur nous.

— Le tandem est au complet, aujourd’hui.

— Bonjour, répondit simplement Geisha.

— Bonjour Mesdemoiselles.

— Ça s’est bien passé ? demanda Arcan.

— Oui, répondis-je.

— Ça sera différent le jour où je vous présenterai, ajouta Geisha. Il faudra que je la prépare avant.

— Nous n’en sommes pas encore là. Bien.

Les cinq poupées apparurent totalement nues, les cheveux détachés. Geisha plaisanta :

— Nous arrivons trop tôt.

— Non, juste à temps, répondit Arcan. Je pense que le sujet Sculpturine a été bien assez balayé ?

— Je pense, répondit froidement l’Impératrice.

— Donc, toutes les deux, vous habillez les poupées, d’abord, la tenue de scène, je m’occupe de notre alliée.

La femme donna son approbation d’un regard et je les suivis vers l’atelier. Je récupérai les bacs en plastiques triés par poupée. Nous les avions numérotés dans l’ordre des chaises sur lesquelles elles s’étaient assises pour les moulages. Le temps que je fisse les allers-retours, Geisha bavarda avec elles. Elle était détendue tandis que leur nudité me mettait mal à l’aise. Ça n’était en rien si étrange. Hormis le corps de mes deux amants, je ne n’avais vécu ma vie de poupée qu’à travers des photographies. Geisha n’ayant pas œuvré sur les costumes, elle me passa la main :

— Lé…Muse va tout vous présenter.

— Il y a un costume de guerrière pour l’entrée, et dessous vous aurez un costume de courtisane. On va commencer par le deuxième et mon mettra l’autre après. Si vous pouviez vous remettre dans le même ordre.

Elles opinèrent du menton et se placèrent face à nous. Le costume de courtisane était plutôt simpliste. Il était fait d’une colonne vertébrale qui serait collée à même la peau et maintenue par deux petites pattes translucide au collier. Le métal noir était lustré pour faire neuf et des diodes le parcouraient. Elles seraient vertes durant le spectacle et deviendraient rouge à partir du moment où elles me prêteraient allégeance. Chaque vertèbre saillait avec une forme différente. Cela pouvait être une clé USB, une broche en métal, une roue dentelée. Chaque fille aurait donc un dos unique. Les colliers étaient inspirés du mien, et ils seraient retenus par une chaîne de vélo. Par-dessus les cheveux, j’appliquai le masque moulé selon leur visage. L’air était neutre, et les orbites étroites percées, sans vitre fumée. Geisha et moi dûmes leur peindre les paupières avant de les coiffer. Les chaînes et câbles qui formaient les cheveux tombaient librement en cascade, jusque sous les omoplates. Arcan n’ayant pas le temps de fabriquer des gants, il avait choisi pour seule parure, un anneau pour enserrer chaque biceps et rappeler le rang d’esclave. Les filles une fois apprêtées, toujours blanches de nudité, Geisha indiqua :

— Je trouve que ça manque de quelque chose.

— Oui, mais elles seront assises, donc… Et puis ce sont les esclaves de l’Impératrice.

— C’est vrai, c’est vrai. Faudrait pas que vous nous voliez la vedette.

Les filles sourirent et l’une dit :

— Faut que l’Impératrice approuve.

— Je vais les chercher, annonçai-je.

Je frappai à la porte de l’atelier et Arcan répondit :

— Entre, Muse.

— Vous avez deviné que c’était moi ?

— Geisha n’aurait pas frappé comme ça, ou même pas du tout.

Je regardai la façonneuse âgée qui se tenait debout au milieu de la pièce dans la robe non terminée. Elle me sourit :

— Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas retrouvée de ce côté.

— Vous avez été poupée ?

— J’ai été mannequin dans ma jeunesse.

Elle était grand et j’imaginai sans mal la jeune femme qu’elle avait été.

— C’était après les marchés ?

— Oui. J’ai été élue miss de ma commune, et c’est mon meilleur ami qui m’a poussé à tenter ma chance.

— Les filles sont prêtes ? demanda Arcan.

— La version finale.

— Je pense que nous pouvons jeter un œil.

L’impératrice descendit de son petit escabeau, écrasant la robe au sol et nous suivit jusque dans le salon. Elle sourit :

— Regardez-moi toutes ces mini-Muse.

— C’est simpliste, dis-je. Mais c’est pour coller à l’histoire.

— Plus c’est simpliste, plus ça te mettra en valeur. C’est toi la vedette, trésor, et nous ne sommes que des faire-valoir. Je valide, Arcan.

— Bien.

Les deux façonneurs tournèrent les talons. Je conclus :

— Ça a l’air de lui aller. On essaie à l’armure ?

Les filles acquiescèrent et nous passâmes à la suite. Le plastron était la pièce maîtresse. Il était composé d’un tissu rigide qui se fermait dans le dos pour laisser la colonne visible. Des passants fins passaient entre les vertèbres. Sur le torse, Arcan avait collé des rappes à fromage que j’avais repeintes. Le plastron laissait le nombril nu. À l’origine, Arcan avait prévu des pantalons, puis en concevant les plastrons, il s’était aperçu que ça jurerait avec les bras nus. Il m’avait donc fait fabriquer des jupes avec la cotte de maille en aluminium qu’il nous restait et j’y avais accroché les plaques métalliques. La jupe s’arrêtait juste sous les fesses.

Pour parfaire le costume, je leur remis à chacune un grand bâton, comme une lance qu’elles tiendraient.

Quand les deux façonneurs vinrent voir le résultat, Arcan commenta :

— Il faut quelque chose pour les chausser.

— Je pense aussi, ajouta l’Impératrice. Sinon des protections de tibias.

— Si j’en mets, les bras vont paraître d’autant plus nus.

— C’est certain.

— Des sandales.

— Cela me semble être le mieux, acquiesça Arcan.

— Ne vous tracassez pas, elles en ont. Un peu de cirage noir, elles seront assorties. Ces jupes sont très inspirantes, les autres façonneurs n’auront de cesse que de vouloir apercevoir dessous.

— Une idée de Muse.

— Excellent choix de l’avoir écoutée, alors.

— Vous pouvez vous rhabiller, Mesdemoiselles, je fais quelques ajustements avec votre façonneuse et nous revenons faire un premier essai de la mise en scène.

— Gardez les colliers, tout de même, sourit l’Impératrice.

Les façonneurs s’éloignèrent d’un même pas, comme en accord. Ils ne semblaient pas complices comme Arcan pouvait l’être avec sa sœur, mais on sentait qu’ils marchaient dans la même direction.

Les poupées se déshabillèrent, rangèrent soigneusement leurs accessoires dans les cartons qui leur étaient dédiés, puis elles se revêtir de leurs vêtements civils. Elles échangèrent quelques mots, plutôt enthousiaste au changement. Geisha s’en étonna :

— C’est un costume comme un autre pour vous.

— Non, mais de faire partie d’un groupe plus grand, ça change.

— Et être habillées, nous n’avons plus l’habitude, rit une.

Arcan nous rejoignit et elles se turent aussitôt comme si un maître d’école venait d’entrer dans la classe.

— Bien. Pour le premier costume, je ne pense pas qu’il faille répéter. Vous aurez juste à marcher autour de votre façonneuse.

— D’accord, répondit l’une d’elle.

Je bondis sur sa réplique pour dire à Arcan :

— Vous voyez, il n’y a pas que moi qui suis d’accord.

Il esquissa un sourire, puis il déplaça une chaise.

— Voici le trône.

— Quel design bien pauvre pour une impératrice, indiqua la façonneuse en revenant de l’atelier.

— Dîtes-vous que c’est une maquette. Le vrai trône est en conception chez mon ami chaudronnier.

— Vous m’en voyez ravie.

— Prenez place, votre Majesté. — La femme émaciée s’assit sur la chaise. — Vous serez attachées à l’Impératrice.

Arcan attacha une laisse au cou de chacune des filles, puis les plaça autour de la souveraine. Il expliquait, modifiant son choix de position.

— C’est une scène statique. Là, il y aura des accoudoirs. Toutes les laisses dans une main… Comme ça l’Impératrice pourra te caresser les cheveux nonchalamment… Toi mets-toi plus avec la jambe comme ça, comme si ça faisait des heures que tu étais assise. Vous êtes des esclaves, c’est sans espoir pour vous, vous êtes sous son emprise… Est-ce que c’est inconfortable si tu mets les bras ici ? Le public pourra voir ton sein…. La scène est étroite. On mettra l’objet devant, et on le couvrira d’un drap pour ne pas que le public y prête attention dans un premier temps. Parfait, petite musique. Moi et Geisha venons présenter Muse.

— Vous allez donc vous retrouver dos au public, indiqua l’Impératrice.

Arcan s’arrêta puis conclut :

— Oui. Vue sur une paire de fesses qui va cacher partiellement la scène, puisque Muse se mettra à genou. Geisha se postera là, du coup vous serez encadrée, on vous verra entre les deux. Vous lèverez le menton vers moi. Voilà. Et là je mettrai Geisha à genou. — Il posa le pied dans le creux poplité et Geisha s’affaissa sans douleur. — J’accrocherai son collier et je m’agenouillerai en vous tendant les deux laisses. On peut imaginer que c’est une de vos suivantes qui découvre l’appareil. Une qui… Toi ?

— Oui, indiqua la poupée.

— Tu te lèveras, solennelle, et ôteras le drap. Je mettrai une musique de Streitenfield. Geisha, il faudra que tu secoues la tête, voilà. Muse, elle ne verra rien, donc elle peut rester droite et digne. Là, l’Impératrice se lèvera ou pourquoi pas…

— Elle pourra continuer, indiqua l’Impératrice. Suffit d’un croisement de jambe pour montrer que je me délecterai du spectacle.

— Bien. Moi je resterai éclipsé et à demi de dos pour pouvoir tout actionner sur mon téléphone sans que personne ne le voie. Une seconde poupée peut se charger de Muse et… Voilà, toi par exemple.

Je me plaçai à genoux dos à Geisha comme si nous étions sur le double-gode. Arcan tourna autour de la scène figée, s’imaginait malgré nos habits, toute la mise en scène, puis dit à l’Impératrice :

— Là, il faudra que vous vous leviez pour prendre le bec. Peut-être attendre que les filles soient vraiment au top. Si vous restez assise, les gens ne verront pas les lumières sur votre robe.

— Il faudra bien briefer Régis sur l’éclairage, avertit la façonneuse.

Arcan opina, réfléchit puis dit :

— Mon signal, je le ferai à vous. Vous poserez votre main sur le dos de Muse. Elle n’aura qu’à l’attraper pour vous situer et frapper votre ventre. Ferme les yeux, Muse.

J’obéis. L’Impératrice posa sa paume sur le creux de mon dos et je me tournai vers elle, et mon visage heurta son bras.

— Il faudra passer sous le bras et que vous vous placiez plus ici. Muse aura l’instrument dans le corps, elle ne pourra pas se tourner aussi aisément. On reprend.

L’Impératrice se décala, elle posa sa main, j’attrapai son bras, passai la tête dessous et touchai rapidement son ventre.

— Parfait. Au début, je voulais qu’elle vous arrache le cœur, j’aurais pu en dissimuler un dans les accessoires, on aurait vu sa main plonger dans le costume, mais…

— Mais vous vous êtes dit que c’était trop violent pour une soirée érotique ? devina la façonneuse.

— Ce serait risquer une chute des points brutale.

— Les façonneurs aiment le spectacle, Arcan. Il faut les surprendre, les sortir de leurs soirées habituelles. Ils veulent une soirée qui les marque. Vous savez que vous avez frappé fort avec votre machine. Le Grand Glouton m’a indiqué qu’il y a déjà cent inscrits pour la prochaine soirée, et nous ne sommes que lundi.

— C’est pour ça, qu’il ne faut pas vous arrêter ! s’exclama Geisha. Les gens viennent pour vous, et pour Muse.

— Et pour toi aussi, Trésor, lui dit l’Impératrice. Tu fais partie du trio.

— Donc, toussa Arcan, Muse vous arrache le cœur ?

— Faites-lui m’arracher le cœur, et ramenez la scène à la sexualité avant le final.

— Comment ? Un gode sur le trône ? Muse prendrait…

— Vous me décevez, Arcan. Ce serait redondant. Muse est une poupée fatale, une poupée aussi habitée par une certaine libido. Si son bras dégouline de sang, elle peut s’en caresser le corps.

— Ou lécher les doigts, suggéra une poupée.

Arcan me regarda avec un air séduit par l’idée. Sentant que ses cils me posaient une question, je répondis :

— Ça ne me dérangerait pas.

— S’il faut nettoyer le sang, après, je me porte volontaire, glissa Geisha.

— Admettons, rebondit Arcan, il faut que ça soit théâtral. Montrez-moi comment vous mourrez. Laëtitia, tu… — il se rendit compte qu’il avait dit mon prénom. — Tu… tu te places.

— Ce ne sera pas répété, sourit l’Impératrice.

Chacun repris sa position, moi à quatre pattes contre Geisha. Arcan s’éclipsa puis revint avec un cœur en caoutchouc. L’impératrice se leva. Je gardai les yeux clos, le temps de sentir la main défraîchie sur mon dos, puis passai sous son bras. Arcan présenta le cœur. Je l’agrippai. L’impératrice entrouvrit la bouche, suffoqua et tomba à genou. Naturellement, je retirai mon bras en simulant l’effort et je me relevai. Arcan me dit :

— Ne le brandis pas, ce serait cliché. T’es une poupée froide. Soit tu le passes sur toi, sois tu le laisses tomber…

— Elle peut se le frotter sur le minou, suggéra une poupée.

— Ce serait vulgaire, lui répondit la façonneuse.

— Ou le lécher, elle est super inspirante quand elle fait ça, dit Geisha.

— Ou, comme le suggère Arcan, répondit l’Impératrice, elle laisse passer quelques secondes, l’abandonne au sol, se tourne vers le public et le sang qui couvre sa main, si elle le passe sur sa peau, suffira. Vous aurez encore ces aspects brûlés ?

— Oui, répondit Arcan. C’est comme si nous reprenions l’histoire.

— Il faudra que Régis éclaire bien de manière à ce que le sang ressorte.

— Tout à fait. Il faudra donc un changement de lumière au moment du rebondissement.

— Oui, et un retour à quelque chose de plus tamisé pour que le changement de lumière de mes poupées se voit.

— Il faudra que la musique s’arrête, qu’on mette un genre de violon strident pour mettre du suspens juste avant qu’elle n’arrache le cœur. Et là on repartira sur une autre musique, un peu victorieuse.

— Je pense que la reine des mises en scène a du souci à se faire, conclut l’Impératrice.

Cette phrase réveilla une part en moi qui n’avait pas creusé l’analogie de notre scénario. J’opinai du menton et Geisha demanda :

— À quoi tu penses ?

— Non. C’est juste que ma mère s’est fait sa célébrité avec les mises en scène. Elle est la reine dans ce domaine. Samedi, nous allons en quelque sorte arracher son cœur en remportant la victoire grâce à une mise en scène, qui sera une métaphore à elle seule.

L’Impératrice sourit :

— Comme quoi, être aveugle permet de voir au-delà des apparences.

— J’ai un cerveau.

— Et un cœur, contrairement à ta mère. — Je ne sus quoi répondre. — Alors, Arcan. Quand faisons-nous la première répétition ?

— Pour la comédie ? Je ne m’inquiète pas trop. Il n’y a pas de dialogue et vous mourrez très bien. Vous avez fait du théâtre ?

— Non. Et vous ? Vous étiez à l’école de la flagornerie ?

— Désolé. Il faut que je termine votre robe, la couronne et l’appareil. Demain, nous n’aurons pas la chaise. Demain, ça ne servira à rien. Mercredi, j’aimerais bien, mais je voudrais que nous fassions ça vers vingt-et-une heures. Je voudrais que les filles essaient l’appareil avant votre arrivée. Nous calerons la musique, nous finirons peut-être tard, mais ça nous permettra de refaire un essai grandeur nature avec le sang dès jeudi soir. Vendredi, nous ne serons pas disponibles, donc…

— Ne vous inquiétez pas, trop répéter ôterait de la spontanéité. J’ai une requête.

— Allez-y.

— Des genouillères en mousse pour que je puisse me relever.

— Désolé. Je n’ai pas pensé à…

— Je ne suis pas toute jeune.

— On ne s’en rend pas compte.

— Vous avez fait combien d’année à l’école de la flagornerie ?

— Bac +5, Madame.

— Prenez-le bien. J’apprécie vos manières de gentleman. Nous allons vous laisser poursuivre. Et s’il y a des idées nouvelles, vous avez mon numéro de téléphone, j’ai le vôtre.

Arcan hocha simplement du menton, et elle fit signe à ses suivantes de l’accompagner. Je lui ouvris la porte, et elle me dit :

— Garde la métaphore en tête, Trésor, et tu n’auras pas besoin de répéter ton rôle de tueuse de reine.

— Et les yeux masqués, ce sera facile.

— C’est bien vrai.

Elle s’éclipsa dans l’ascenseur, tandis que les poupées empruntaient l’escalier. Je refermai la porte. Geisha demanda :

— Bon ! On fait quoi ?

— Je dois finir la couronne, je vous montre ce qu’il reste à faire sur la robe. Pour l’accessoire, j’aimerais garder le secret. Je l’ai bien avancé pendant que vous étiez au restaurant.

Le soir tomba plus vite que nous l’attendions. Nous avions dîné tard. Geisha avait pris un bain, et enfilé sa robe en plaid. Elle nous dit :

— Je ne sais pas ce que vous faites ce soir, mais demain, moi je bosse, un pipi, et je vais au lit.

— C’est moi qui pisse en bas ! m’exclamai-je.

Je me précipitai vers le passage secret. Je me jetai sur la barre de pompier et mon pyjama me laissa glisser à toute vitesse en bas.

— T’es une gamine ! cria Geisha.

— Je sais !

— Moins fort, on a des voisins ! s’agaça Arcan.

— Oui Papa ! cria Geisha.

— C’est elle qui a commencé ! hurlai-je depuis les toilettes.

Geisha éclata d’un rire aigu qui traversa les deux appartements. Une fois allégée, j’éteignis les lumières du quatrième étage, relevai les marches, et m’enfonçai les fresques de fer forgé sous la plante des pieds. J’appuyai sur l’interrupteur pour faire disparaître l’escalier, puis fermai la bibliothèque. Geisha était au lit, Arcan en pyjama.

— Tu veux te coucher ? Regarder un film ?

N’ayant ni envie de sexe, ni envie de dormir tout de suite, je fus séduite par l’idée de regarder un film avec lui.

— Et Geisha ?

— On va mettre des casques. Ils ont sorti la suite de The Batman en DVD, il doit être en location.

— Pourquoi pas.

Nous nous assîmes dans le canapé et il alluma l’écran mural. De la télécommande, il balaya sa bibliothèque. Le film n’était pas encore disponible. Sachant qu’il aimait particulièrement le personnage, je lui proposai :

— On peut regarder le premier. Je ne l’ai vu qu’une fois.

— Ça marche.

Geisha s’assit en tailleur à ma droite.

— Tu ne dors pas ?

— Je ne l’ai jamais vu. Vous êtes des salauds.

Je caressai sa cuisse avec un sourire cruel.

— Tu vas avoir la tête dans le cul.

— C’est un choix délibéré, même si je préférai l’avoir dans ton cul à toi.

Je remontai ma main et fis le constat :

— Tu ne mets jamais de culotte quand tu dors.

— Pourquoi faire ?

Le film se lança. Arcan éteignit la lumière et s’adossa à ma gauche. Geisha remonta ses genoux sous le plaid de sa robe. Et nous nous laissâmes emporter quelques heures hors de notre vie.

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