64. Quarante-sept

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Je m’éveillai, démasquée, déchaussée, dégantée, confortablement emmitouflée sous les draps alors que le téléphone de Geisha sonnait. Arcan grogna :

— Ton téléphone, Anh !

Elle grommela, le coupa et se tourna dans le lit.

— Je vous déteste.

— Nous on t’aime, répondit Arcan. Tu penses à ma commande ?

Elle soupira profondément. Arcan passa son bras autour de moi, tandis que notre partenaire quittait le lit à la lueur de son téléphone. Elle alluma le plan de travail de la cuisine et prépara le café. Moi, je replongeai dans les limbes de la béatitude.

Arcan me réveilla alors qu’il était habillé, avec un sourire moqueur.

— Ça t’a fatiguée à ce point ?

— C’est juste que je suis ultra-détendue.

— Je descends travailler. Je t’ai laissé la table du petit-déjeuner.

Il m’embrassa sur le front, puis quitta le lit. Les paupière closes, j’écoutai le son de ses vêtements sur la barre de pompier. Puis je me forçai à me lever, plus pressée par ma vessie que l’envie de travailler. Je rejoignis la salle de bain, chaussai mes lunettes, découvris mes lèvres noires dont le lipstick avait bavé sur la joue, sûrement quand Geisha m’avait nettoyé le menton. Je me rinçai la figure, me coiffai, puis choisis un jeans et un t-shirt affichant des personnages de mon jeu multijoueur favori J’espérais qu’une fois les soirées terminées, je pourrais passer un peu de temps avec mes amis dans l’univers virtuel.

Les volets ouverts sur un soleil déjà bien haut, je m’enfilai un café, puis me laissai glisser jusqu’au rez-de-chaussée. Craignant de surprendre Arcan en train d’œuvre sur le double-gode surprise, je frappai à la porte de l’atelier.

— Entre.

Il sourit en me voyant traîner des pieds.

— Le café ne fait pas effet ?

— Va me falloir plus qu’un café pour m’en remettre.

— Ce soir, on remet ça.

Je m’assis lourdement devant le mannequin portant la robe de l’Impératrice.

— Ce n’est pas que je n’en ai pas envie, mais pas tout de suite. Je te redirai quand je serai réveillée.

— Ça marche.

— Je vais devenir accroc, tu sais ?

— Ça ne m’inquiète pas.

— Quand je pense qu’elle m’a collé sa peluche crasseuse.

— Elle ne l’était pas avant qu’elle te la colle, je te rassure.

— Je sais bien. C’est juste de me dire qu’elle se la met entre les jambes depuis qu’elle a quinze ans.

— Si elle partage son jouet, ça prouve combien elle t’aime.

Je pouffai et passai la main sur la robe en fermant les paupières. Je devais réussie à trouver l’ouverture d’instinct pour arracher le cœur. Arcan resta tourné vers moi et me regarda d’un air rêveur. Entendant bien qu’il ne bougeait pas, je rouvris les yeux et demandai en rougissant :

— Quoi ?

— Rien. Je t’admire. Je te préfère sans masque.

— Ouais mais avec le masque, je prends mon pied.

— On pourrait essayer sans masque.

— Ben le truc, c’est que de ne pas voir ce qui va m’arriver, ça me… pfiou !

— Pfiou ?

— Ouais ! Mais on peut faire des trucs sans masque.

— J’inverserai bien les rôles avec Geisha. Lui bander les yeux et voir si elle est réceptive au supplice de la goutte d’eau.

— J’avoue.

Il se leva, s’assit à côté de moi, caressa mes taches de rousseur et posa délicatement sa bouche sur la mienne. Il me dit :

— Merci.

— Pour ?

— Pour ton ouverture d’esprit. Jamais je n’aurais pu espérer ce qu’on a fait hier avec une autre.

— C’est toi qui me remercie ? C’est moi qui ai joui trois fois.

— Ça suffit à mon bonheur. J’ai trouvé le spectacle super.

Je souris, ravie qu’il y ait trouvé son compte, pris ses mains et l’embrassai langoureusement.

La matinée s’écoula, sereine. Le déjeuner frugal avalé, nous mîmes la touche finale à la robe, un bustier en chaîne de vélo, bordé d’engrenages et de pointes acérées pour le décolleté. Arcan y avait dissimilé le tuyau qui cracherait le sang au menton de l’Impératrice. Les épaulettes remontaient de part et d’autre du visage, un entremêla de câbles électriques formait des boucles le long du dos nus. La robe en elle-même était longue, le tissu caché sous les des pièces récupérées ci et là, des câbles et des pignons aspergés de peinture noire. Elle aurait des mitaines s’arrêtant avant les coudes, fermées par un simple passant entre le pouce et l’index. Et sa couronne était faite de petites clés plates, d’engrenages et lambeaux de métal que nous avions limé. Les diodes vertes souligneraient le côté majestueux. Les diodes rouges les remplaceraient lorsqu’elle couronnerait ma tête.

Le soir, Geisha arriva à l’heure habituelle. Elle avait un sac avec des vêtements, et je demandai :

— C’est quoi ?

— Nos tenues pour la soirée de vendredi.

— Juste un costume pour piéger mes invités, sourit paisiblement Arcan. Vous ne serez pas obligées de les porter longtemps. Nous en parlerons après le départ de l’Impératrice.

— D’accord.

— Vous vous mettez en tenue ? Pas besoin du masque tout de suite.

J’opinai du menton puis emboîtai le pas de Geisha vers la salle d’eau. C’était presque machinal tant ça en devenait une habitude. Geisha endossa son plastron, chaussa ses cuissardes et moi mes escarpins. Les lèvres maquillées, nos masques à la main, nous rejoignîmes le salon. Arcan avait posé son engin au sol, recouvert d’un drap noir et mystérieux. L’objet faisait environ un mètre de long. Un sourire mutin sur le visage, il nous invita de la main à nous installer sur le canapé. Une fois que nous fûmes assises, il annonça.

— Mesdemoiselles ! En avant-première, rien que pour vos yeux et vos sens ! Voici en exclusivité : le siroteur à double-prise.

Il releva le drap, dévoilant deux godes d’une cinquantaine de centimètres. Les dix premiers centimètres aux extrémités étaient couverts de reliefs métalliques, avec des pointes en spirales les faisant ressembler à des foreuses. Les autres parties, lisses étaient délimitées régulièrement par un anneau. Geisha tiqua :

— Je croyais qu’on devait être cul-à-cul jusqu’à se toucher.

— C’est le cas, sourit Arcan.

— Ça ne rentrera pas.

— Quarante-sept centimètres chacune. Je vous promets que ça rentrera.

Je ne protestai pas, supposant aisément que cela cachait un artifice. Geisha, sur la défensive, secoua la tête sans chercher à deviner l’astuce. Le sourire d’Arcan en disait pourtant long.

— Je propose que tu sois la première.

Je poussai Geisha dans le creux du dos tandis qu’Arcan faisait couler du lubrifiant sur l’instrument. Mon amie céda et s’agenouilla dos à son emplacement. Arcan passa la paume entre ses cuisses lorsqu’elle posa les mains sur le sol. Elle ferma les yeux, cherchant de la saveur à la caresse, tentant d’oublier le monstrueux engin qui l’attendait. Arcan finit par introduire son pouce, tandis que j’observais avec gourmandise le visage de Geisha qui se détendait, paupières closes. Je n’avais aucune jalousie, seulement la curiosité qui m’enflammait d’impatience. Arcan présenta la tête de la foreuse. Les nymphes de mon amante s’ouvrirent et l’engin tourna sur lui-même tout en pénétrant son intimité. Son visage se figea, elle fit un mouvement de balancier, et l’engin s’enfonça jusqu’à la première bague. Un couinement échappa à ses narines, ensuite elle se recula sur les genoux pour l’enfoncer plus profond. La bouche entrouverte, elle haleta, puis recula d’un coup de hanche atteindre la troisième bague. Elle souffla de béatitude :

— Oh putain !

Ebaubie, je l’observai reculer jusqu’à la garde, faisant disparaître la dernière bague, les quarante-sept centimètres introduits dans son vagin. J’avais deviné que l’instrument était télescopique. Arcan m’invita :

— Mademoiselle Muse ?

Je m’agenouillai et écrasai la pointe de la foreuse au creux de ma main. Le gode tourna sur lui-même et les différents tronçons s’imbriquèrent les uns dans les autres, jusqu’à ce que toutes les bagues se touchassent, faisant revenir l’objet à treize centimètres.

— Astucieux.

— Il faut savoir tricher pour en mettre plein la vue.

— Ce n’est pas vraiment de la triche. C’est un peu comme de la magie.

— Exactement.

Je posai mes mains au sol en me tournant dos à l’appareil. Arcan le huila puis posa sa paume grasse sur mon renflement pubien. J’inspirai profondément, déjà bien inspirée par la démonstration de Geisha. Arcan n’attendit pas longtemps. Son pouce me testa, puis il présenta le jouet. Ses renflements pivotèrent tout en investissant savoureusement mon intimité. Je reculai les genoux, pinçai mes lèvres pour m’interdire de gémir et expirai profondément avant d’envoyer le bassin en arrière. Le pivot fut aussi rapide que mon déplacement, crispant mes muscles. La surprise passée, je poursuivis, fiévreuse, jusqu’à ce que mes fesses fussent en contact de celle de ma partenaire.

Arcan déroula un câble comme un narguilé, terminé par un bec en métal.

— Voilà le bec pour que l’Impératrice se rassasie.

— J’adore ton imagination, soupira Geisha.

— Attends un peu.

Il replia deux langues métalliques sous notre bas-ventre. Ces dernières étaient tapissées d’un plumage duveteux. Aussitôt que nous fîmes un mouvement d’avant en arrière, nos clitoris furent brossés d’une douceur électrisante. Geisha commença à aller et venir en soupirant :

— Ne le vendez pas ! Brevetez !

— L’Impératrice va arriver, ne gaspille pas ton énergie.

Je rampai, laissant l’appareil tourner en sens inverse jusqu’à ce qu’il fut totalement déployé. Puis il quitta mon corps frémissant. Un sentiment de soirée inachevée me frustra. Geisha m’imita à contrecœur. Arcan recouvrit la machine du drap, puis proposa :

— Un café ?

— Moi je veux bien, indiquai-je.

— Non merci, déclina Geisha. J’ai besoin de sommeil.

Arcan fit couler deux cafés, et à peine la tasse chaude entre mes mains, l’interphone vibra. Arcan laissa monter notre invitée et ses poupées, et une minute plus tard, elles entraient dans l’appartement. Le regard furtif de l’Impératrice, assorti d’un sourire gourmand, me fit réaliser pourquoi il me serait impossible de me passer de mon masque. Je détournai les yeux, mis mal à l’aise par ma propre nudité et l’intérêt qu’elle suscitait.

Arcan siffla son café :

— Si sa Majesté veut bien me suivre. Les filles, préparez vos camarades, puis mettez la chaine et vos masques. Vous démarrerez du coin ici pour simuler l’estrade.

J’opinai du menton et trempai mes lèvres dans le café chaud, tandis que les deux façonneurs disparaissaient. Geisha me rassura :

— Prends ton temps, j’habille nos copines.

— Enfin, tu nous déshabilles, surtout, se moqua l’une d’elle.

— On sait le faire nous-même, ajouta une autre.

Les filles s’effeuillèrent en silence, posèrent leurs vêtements sur le canapé, coiffèrent leurs masques et n’eurent besoin d’aide que pour appliquer la colle qui maintenait les colonnes vertébrales et fermer leur collier. Geisha se masqua elle-même avant de revenir vers moi. La coiffe me masqua la lumière de l’appartement et j’inspirai profondément, tandis que les doigts délicats de mon amante glissaient sur mon cou. Elle m’emmena dans le coin de la pièce d’où nous partirions. Il ne me restait plus qu’à attendre, perchée sur mes escarpins, ma libido éteinte.

L’habillage l’Impératrice dura une éternité. Les filles avaient un peu froid, et Geisha maintenait la conversation à elle seule en vantant l’accessoire qui ferait toute la scène.

Les façonneurs revinrent et les filles s’exclamèrent :

— C’est super !

— Un vraie Impératrice.

— Ça rend vraiment trop, trop bien.

— C’est même limite sexy, Sculpturine va se sentir jalouse.

Elles pouffèrent de rire. La voix rauque de la façonneuse chercha à les apaiser :

— Un peu de tenue, mes trésors.

— Alors, le trône n’est pas encore livré, s’excusa Arcan, mais la chaise fera l’affaire.

— Certes.

— Bien ! En place.

Arcan fit les cent pas, replaçant les poupées à sa guise autour de l’Impératrice. Frustrée de ne rien voir, j’attendais en silence. Puis il s’approcha de moi. Il posa sa main sur mes fesses et questionna :

— Tout le monde est prêt… enfin prête ?

— Plus que prêtes, gloussa l’Impératrice.

— Alors musique.

La musique de film envahit le salon par les enceintes portables, puis il tira la laisse. Nous avançâmes de quelques pas seulement pour nous placer face à l’Impératrice. Je m’agenouillai, gardant le dos droit en signe de défi. Arcan reprit son rôle de metteur en scène

— Geisha, un demi-pas plus sur ta gauche. Il faut que les gens voient l’Impératrice. Là, nous faisons semblant de discuter. Attention, je vais te frapper.

La musique ne me permit pas d’entendre Geisha ployer un genou à terre. Je ne devinai rien des gestes des uns et des autres. Quand la servante découvrit le siroteur, leurs exclamations me permirent de le deviner. L’Impératrice s’étonna :

— Mais qu’est-ce que c’est que cet engin de torture ? !

Arcan coupa la musique.

— On l’a essayé, sourit Geisha. Ne vous inquiétez pas.

— Soit. Relancez la musique, Arcan.

Les enceintes envahirent à nouveau la pièce. J’attendis patiemment que les mains légères de la poupée impériale me positionnent. La laisse se tendit d’un côté, et je m’alignai. La main douce me guida, osant à peine m’y pousser, et l’instrument pénétra dans mon corps. C’était agréable de reprendre là où nous en étions restées, et à la fois frustrant car je ne voulais pas me donner en spectacle face à nos invitées. Je restai immobile. La laisse resta tendue jusqu’à ce que mes fesses rencontrassent celles de Geisha. La fille rabattit les plumeaux. Arcan décida de raccourcir :

— Je laisserai les filles s’amuser un peu pour les yeux du public, et là je vous fais signe.

La musique passa à des sons de violons, comme des chats égorgés, la main de l’Impératrice se posa sur mon dos. Je m’enfuis sous son bras, le bassin bloqué par le siroteur. Je plaquai brutalement la main sur sa robe et trouvai l’ouverture. Je trouvai le cœur en plastique. La musque s’arrêta nette. Je retirai le cœur, mais restai à quatre pattes, gênée par la longueur de jouet entre mes cuisses. Je rampai pour m’en libérer et me relevai. Arcan s’agaça.

— OK, OK. On arrête tout. Il faut qu’on repositionne différement.

— Non, le rassura l’Impératrice. Ça paraît maladroit parce que vous avez une idée à atteindre. Le public n’y verra rien. C’est normal qu’elle ait besoin de s’avancer.

— Dans ce cas, il faut une double-frappe. Une qui vous estoque, elle rampe, et ensuite elle vous arrache le cœur.

— Elle est aveugle.

— Elle garde une saisie sur votre bras.

— Essayons.

— Muse, reprend la position sur le siroteur.

Sa voix sonnait comme un ordre pas comme une invitation courtoise. Refroidie par le stress de mon amant, je reculai à quatre pattes sur le gode sans y trouver de plaisir. La musique reprit à zéro. Arcan demanda :

— C’est bon pour toi, Muse ?

J’opinai du menton. La main de l’impératrice revint. Je l’esquivai, la frappai sous le sternum, restai agrippée à son bras pour me trier d’un bond hors de l’appareil, puis, demeurant à genoux, je la frappai à nouveau, plongeai ma main dans le costume. Je ne trouvai pas le cœur.

— Il n’y a pas de cœur ?

— Il est par terre, indiqua une poupée.

— Pas grave, on fait comme si.

Je me relevai en retirant ma main lorsque l’Impératrice s’effondra à genoux. Je fis semblant de lécher le cœur invisible que je tenais en main. Geisha coiffa mon front de la couronne impériale et me guida vers le trône. Les filles se regroupèrent autour de moi en laissant glisser leurs doigts, comme des fidèles touchées par la vénération.

— C’est plutôt en bonne voie, conclut l’Impératrice.

— Alors on recommence, décida Arcan. On n’oublie pas le cœur.

Contrairement à la soirée précédente, je ne pris aucun plaisir. La répétition n’avait aucune saveur, seul comptait le chronométrage de mes gestes.

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