66. Ultime show

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Nue, maquillée, le corps peint de fausses cicatrices et de l’effet brûlé, j’attendais sur le canapé avec Geisha. Je fis tourner mon masque entre mes mains en réalisant que c’était la dernière fois que j’allais représenter nue, en tout cas, pour cette saison. Même si ce que je préférais, c’était les jeux érotiques d’Arcan. Les heures de préparation allaient me manquer. Même si je devenais l’assistante de mon amant, travailler sur les costumes d’autres n’aurait pas la même serveuse. Geisha passa sa main dans mon dos :

— Nerveuse de te faire goder devant tout le monde ?

— Dire que j’ai été choquée par Ipkiss.

— C’est ce que je disais. Faut essayer pour comprendre.

— Y a une part de moi qui reste réticente.

— Sérieux ? Et samedi dernier ?

— Je ne me faisais pas vraiment goder. Je posais avec un truc enfoncé dans la…

— T’as quand même joui trois fois devant tout le monde.

Je présentai le masque devant moi et affichai un sourire rêveur :

— Que veux-tu ? Quand je porte ça, j’oublie que j’ai une dignité. C’est Muse, ce n’est plus moi. Et Muse, elle, elle aime bien.

— Ça s’appelle de la schizophrénie, mon cœur.

— Hmm. Ce n’est pas ça qui me trotte dans la tête, de toute façon.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Je ne sais pas si je suis soulagée que ça soit la dernière soirée ou si ça va me manquer.

— Laëtitia sera soulagée et à Muse, ça va lui manquer.

— Bonne réponse.

— Tu verras bien dans une semaine. Je pense que si ça te manque, Eugène ne sera pas contre de recommencer. Il veut juste un peu de repos. Et puis avec un peu de chance, ta mère se sera fait virer, donc il n’y aura personne pour te juger.

— J’ai de la peine pour elle. Et en même temps…

— Elle le mérite, on est d’accord.

— Mmm.

Je replaçai le masque sur mes genoux en soupirant d’impatience. Geisha confia :

— Moi, je ne me suis jamais fait goder devant tout le monde. Et moi je verrai tout.

Surprise une seconde avant de réaliser que c’était la vérité, je lui demandai :

— Stressée ?

— Un peu. Je ne voudrais pas que ma mère l’apprenne.

— Il n’y a pas de raison.

— Ouais… Mais je n’arrête pas d’y penser. Et si un jour elle voit une photo, ou une vidéo et qu’elle me reconnaît. Défiler à poil, je peux toujours le justifier, mais ça…

— Tu n’as pas dit à Eugène que tu n’avais pas envie ?

— T’as vu ses yeux qui pétillent quand il a une idée ? Je suis comme toi, je ne peux pas lui dire non, surtout quand il s’agit de battre ta mère.

— T’as toujours le droit de dire non. Je m’en fous si on ne la bat pas.

— Non. Y a que Yako qui me connaît, et je m’en fous qu’il voit ça. J’aurais juste dû demander un plus gros cachet.

— Tu veux que j’en parle à Eugène ?

— Mon cœur, on est à quelques heures du show. Je ne vais pas lui dire non après deux répétitions complètes.

— Pourquoi pas ?

— Ce n’est pas une question de ne pas vouloir le faire. C’est juste une question de trac.

J’opinai du menton, puis repassant ses paroles dans ma tête, je questionnai :

— Pourquoi tu dis que je ne peux pas lui dire non ?

— Mon cœur, si tu savais lui dire non, tu n’en serais pas là aujourd’hui à te poser des questions sur si oui ou non tu veux continuer. Tu l’as déjà dit, ce n’est pas les soirées que tu kiffes, c’est passer du temps avec lui à les préparer.

— C’est vrai.

— Il y a un mois, il t’aurait présenté le spectacle avec l’Impératrice, t’aurais dit non.

— Ça c’est clair. Mais je le fais avec toi.

Elle sourit et m’embrassa sur la bouche. L’Impératrice quitta l’atelier avec ses cinq suivantes, jupes et plastrons en place, sandalettes aux pieds.

— J’interromps un instant précieux, navrée.

— Non, c’était le baiser anti-trac, répondit Geisha.

— Ne soyez pas nerveuses. Vous avez juste à vous laisser guider, tout se passera bien. Les façonneurs ne regardent pas vraiment la qualité du jeu.

— C’est bien ce qui nous stresse, confia Geisha. Nous n’avons pas l’habitude de nous donner en spectacle… Pas de cette manière.

— Votre petit duel il y a deux semaines était très convaincant et, je pense, plus difficile que ce que nous allons faire.

Arcan apparut en tenue, puis il dit :

— Allez ! Manteaux, mes amours.

Nous nous relevâmes, nous drapâmes, puis nous quittâmes l’appartement par les escaliers. Ensuite, nous longeâmes le trottoir jusqu’à la berline qu’il avait loué. Il souhaita bonne route à l’Impératrice et se donnèrent rendez-vous sur le parking. Une fois assise, masquée, je laissai ma tête de vider de ses idées et me concentrai sur les vibrations de pneus sur la route. Geisha contre mon épaule jouait nerveusement avec mes doigts au creux de ses mains.

Nous arrivâmes en même temps que l’Impératrice. Le fond de l’air glissa sous le manteau, et le son des insectes nocturnes me rappela où nous étions. Arcan avait choisi d’arrêter de venir aux soirées au moment où l’habitude s’installait. Je suivis la laisse, en écoutant nos pas unis le faire bruisser. Le vigile nous salua :

— Bonsoir Monsieur Arcan. Vous avez mis le paquet !

— Et oui. Dernière représentation.

— Bonne chance.

— Merci. Marches montantes.

Je gravis les marches, sans chanceler, puis mes talons résonnèrent dans le hall. Nous nous retrouvâmes enfermés à neuf dans le vestiaire. L’hôtesse balbutia alors que Geisha me retirait le manteau des épaules.

— Bonsoir.

— Bonsoir trésor, répondit l’Impératrice.

— Bonsoir ajoutèrent Arcan et les poupées.

— Je mets tout le groupe sur la photo ? interrogea la Gloutonnette.

— En tout cas, les poupées, répondit la façonneuse.

— Et bien, regroupez-vous, regroupez-vous.

Les corps à demi-nus se regroupèrent autour de moi, prélude au séances photos qui allaient suivre.

— Muse au centre, indiqua Arcan. Mettez-vous derrière, on verra votre tête couronnée.

— Soit, répondit la façonneuse.

— Sourire, pas sourire ? demanda la gloutonnette

— Sérieux, répondit Arcan.

La tablette ou le téléphone émit un bip. La gloutonnette déclara :

— Et bien, à peine en ligne et vous avez déjà deux votes.

— Ouvrez, ordonna l’Impératrice.

La musique et les rumeurs s’engouffrèrent, la laisse se tendit, et les sandalettes des poupées impériales battirent d’un même pas après mes talons. Le tapis de la salle vint feutrer le son de notre étrange cohorte, et les salutations s’élevèrent. Les odeurs de nourriture et la musique me ramenèrent aux souvenirs sucrés de la dernière soirée. J’étais à l’aise, en terrain conquis, guidée par mon amant, surveillée par mon amante. Un pied devant l’autre, le menton droit, je savourais ma position de vedette. Entre les commentaires élogieux sur la robe de l’Impératrice, on glissa que j’étais toujours aussi inspirante. Nous avancions par à-coups, ma laisse se tendant et se détendant après chaque pas, chaque interpellation.

— Quel sacre !

— Il était temps que vous portiez la couronne.

— Ce dos nu derrière l’entremêlas de câbles est d’une grande inspiration.

— Jamais Muse n’aura été aussi bien mise en valeur.

— Seriez-vous la mère cachée de notre belle Muse ?

L’Impératrice se moqua des remarques :

— Qu’on ne parle que d’une vieille tulipe fanée au milieu de jeunes boutons de roses, prouve que la créativité bat la banale nudité.

Ils répliquèrent par des rires polis. La laisse me tira sur cinq pas, lorsque la voix de ma mère grinça :

— La famille Addams s’est fait attendre.

— Il y avait la grande tante et les cousines à costumer, répondit Arcan.

— Elles ont un air de déjà-vu. Vous devriez vous renouveler, votre public va se lasser.

— C’est ma dernière soirée, mais j’ai assez d’idées pour revenir la semaine prochaine avec un tout autre thème. Ne me faites pas changer d’avis.

La tessiture dans la voix de mon façonneur, ne laissait aucun doute sur la véracité de la menace. Un des invités rit :

— Continuez Sculpturine.

Ignorant la remarque, elle répondit à Arcan :

— Soit. Je vais me montrer très courtoise et bonne perdante, si tout de fois vous gagnez.

— Ce soir, nous nous battons sur votre terrain de prédilection. Dites-vous que ce costume qui reste inchangé est mon handicap de départ. Toutefois, je me présente avec un atout.

— Votre meilleur atout reste cette très jolie jeune fille. Je doute que la présence d’un zombie décharné inspire beaucoup votre public.

— Le zombie décharné arbore une confection qui prouve que votre rival est avant tout un artiste et non pas un pornographe, trancha l’Impératrice.

— Je reste impatiente de voir les votes. Que vous gagniez ce soir ou pas, ma promesse de vous détruire tient toujours, surtout après les sales rumeurs que votre amie sénile a fait circuler sur moi.

— Je vous trouve très impolie, glissa l’Impératrice.

— S’il vous plaît, intervint un façonneur, c’est une soirée de gaité et d’érotisme. Nous pouvons êtres rivaux et bons perdants.

— C’est vrai, répondit ma mère. Je voulais juste dire à Arcan qu’il pouvait dire au revoir à ce qu’il a de plus cher. Bonne soirée à tous.

— Elle sous-entend quoi cette pute ? grommela Geisha.

— Elle parlait de Muse, trésor, répondit l’Impératrice.

— Et ? Elle ne va pas la tuer ?

— La vipère a l’air sûre d’elle, marmonna une poupée.

— La kidnapper ? demanda une autre fille.

— Attenter un procès ? supposa Geisha.

— Si c’est le cas, elle perdra, répondit Arcan. Elle a dû mettre le doigt sur quelque chose avec laquelle elle pense avoir un moyen de pression. Elle va essayer de faire chanter quelqu’un. De mon côté, je ne vois pas comment elle pourrait. Du côté de Muse, sinon du tient.

— C’est morose tout ça ! s’exclama un façonneur. Venez prendre une coupe.

La laisse me tira et je suivis, me laissant perplexe. Je pouvais imaginer ma mère commanditer un cambriolage pour s’en prendre à Arcan, mais je ne l’imaginais pas du tout s’en prendre à moi. Jamais elle ne diffuserait de photos ou de vidéo à la famille pour me faire chanter. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à mes amants. Si ma mère m’avait espionnée, peut-être savait-elle que j’avais rencontré la mère de Geisha. C’était, à mes yeux, le seul moyen de pression dont elle disposait.

La soirée se poursuivit entre photos et discussions. Tandis que je me délectais en secret des effleurements de peau à chaque pose, le sujet de l’altercation empoisonnée revenait comme un refrain. On demanda à Arcan s’il était réellement prêt à mettre sa menace à exécution et s’il avait une idée de costume pour contrer les sous-entendus. Arcan disait que s’il avait dû revenir sans préparation, il aurait recouvert Geisha et moi de toiles filamenteuses de latex, pour faire de nous des ersatz de Venom ou Witchblade. Mais il certifia aussi qu’il voulait se reposer et que lorsqu’il reviendrait, ce serait avec quelque chose de plus sophistiqué. J’écoutais distraitement, laissai mes doigts se perdre sur les croupes des poupées qui posaient avec moi. Petits, grand, ronds, fermes, mollassons, je me faisais une idée de chacune du bout des ongles. Lorsque mes effleurements étaient appréciés, j’avais le droit à une caresse, ou un baiser en retour, parfois sur la joue, parfois sur une épaule. C’était des instants fugaces, discrets, et pourtant intensément intimistes. Geisha restait à mes côtés, sereine, complice de cette douceur érotique. Ses doigts dans le creux de mon dos ou sur ma cuisse pianotaient un peu moqueurs lorsqu’une poupée un peu tactile se prenait au jeu de la sororité secrète qui nous liait toutes. Ils disaient dans un morse imaginaire que quoi que j’avais pu prétendre, les soirées allaient me manquer.

Vint l’heure de défilés. La plupart des filles en faisaient qu’aller et venir sur l’estrade, au mieux en y incluant une petite danse. Mais pour certaines comme le duo Prune et Mirabelle ou notre groupe, nous ne pouvions pas vraiment appeler ça des défilés. Nous avions quitté le cocon des effleurements courtois et sensuels pour le trac de la scène. Comme c’était notre dernière représentation, le Grand Glouton avait choisi de nous faire passer en dernier. Le stress d’Arcan et de Geisha était tellement palpable que j’en étais moi-même nouée. Mon anxiété était telle que j’avais froid aux mains et aux pieds, à me demander si je n’étais pas en train de couver une grippe. Nous nous tenions un peu à l’écart, la musique théâtrale choisie par ma mère couvrant presque la description d’Arcan. Ma mère n’apparaissait pas directement sur scène, puisqu’elle était la marionnettiste invisible du poulpe. Véritable éloge au hentaï, de quoi ravir nombre de façonneur, elle avait inséré deux un tentacule dans l’anus d’une des filles et deux autres dans le vagin de la sœur jumelle. Geisha ne commenta pas une voix, enfermée sur son trac de la scène. Une des poupées de l’Impératrice fit remarquer que Prune et Mirabelle avait l’air de prendre leur pied. Tout ne pouvait qu’être simulé et sa camarade jugea qu’elles jouaient bien. Lorsque la musique s’arrêta, les applaudissements trahirent la fébrilité du public, conquis par la représentation. L’Impératrice lâcha :

— C’était sans surprise qu’elle allait se lancer dans ce genre de spectacle. J’espère que le fait que ce soit votre dernière représentation jouera en votre faveur, car nous n’allons qu’égaler sa mise en scène.

— Nous verrons, grommela Arcan.

La laisse me tira. Geisha me prit dans ses bras et murmura :

— Personne ne peut nous voir mon cœur. — Un baiser scella ma bouche. — Tu n’es pas très réchauffée.

— Non.

— Je suis impatiente de sentir ton cul contre le mien.

— Tu dis ça pour m’exciter ?

— Pour m’exciter moi-même.

— Quand on rentrera ce soir, t’auras de quoi être excitée.

— Hmmm. Marché conclu.

Sa langue fendit mes lèvres et nous échangeâmes langoureusement un baiser. L’une comme l’autre avions besoin tant de nous donner du courage que de réveiller notre libido endormie. Les mains sur l’échine de l’autre, nous nous épandîmes en caresses. La Gloutonnette scanda :

— Et pour conclure ces défilés, une dernière mise en scène, présentée par Muse, Geisha, Réglisse, Epice, Quartz, Satin et Plume !

— Je t’aime, murmurai-je à Geisha.

— Moi aussi.

La laisse me tira un petit coup sec et Arcan rit :

— Ne m’oubliez pas.

— Je t’aime aussi.

Sa bouche trouva la mienne, un bruit mouillé indiqua un baiser échangé avec Geisha, et la musique m’invita à suivre la laisse tendue jusque sur l’estrade. Lorsqu’il s’arrêta, Arcan me tourna dos au public et je m’agenouillai, le dos droit en défi de la souveraine issue de l’imaginaire de mon amant. Je ne pouvais que me figurer les gestes qui s’échangeaient pour donner le change. La musique était forte, et seule les vibrations de l’estrade dans mes genoux me laissaient deviner quelques pas. J’attendis un moment avant de sentir la main de la poupée impériale sur mon épaule. Je devinai que Geisha était déjà embrochée sur le siroteur, et je fus déçue de ne pas avoir entendu la réaction du public à la découverte de l’appareil. Notre partenaire attrapa la laisse au ras de mon collier. Je me laissai tourner et posai mes mains au sol, en essayant de chasser l’image que j’imaginais les gens avaient de moi. La hampe ouvrit mon intimité sans effort. Ma première pression du bassin la fit pivoter, et diffusa la saveur agréable riche en souvenirs. Je reculai à nouveau, elle me remplit complètement en tournant délicieusement. Puis, je glissai sur mes genoux, jusqu’à sentir toutes les bagues se regrouper à l’entrée de mon vagin, et jusqu’à ce que mes cuisses entrassent en contact avec celles de mon amante. Immergée dans la musique à laquelle j’avais été habituée, retrouver le contact de mon amour m’était agréable. C’était une chaleur dans cette obscurité froide, comme s’il n’y avait plus que nous deux. Elle bougea imperceptiblement contre moi, m’invitant à entamer notre danse sur le siroteur. Sa peau colla et se décolla de la mienne et je l’imitai. À chaque mouvement plus ample, la tête du gode tournait dans mon vagin, et la dernière bague entrait et sortait pour me rendre fiévreuse. C’était trop succulent pour y résister. Le sexe, c’était comme boire de l’alcool. On début, on l’acceptait par politesse, ensuite on en reprenait, insatiable jusqu’à l’ivresse. La poupée rabattit les langues de plumes. Mon clitoris se découvrit au premier recul de bassin, électrisé par la douceur du contact. Un spasme contracta mon ventre et me fit perdre le rythme. Je m’immobilisai quelques secondes puis repris, les plumes caressant la capuche quand je partais en avant et l’étirant lorsque je revenais en arrière. Après quatre allers-retours, l’idée qu’on put être sur une scène m’était sortie de la tête. Vivre l’expérience à deux avec Geisha était un jeu bien plus passionnant. Nos fesses se retrouvèrent en ralentissant, puis repartirent une fois accordées. Je n’entendais ni ses couinements, ni ses soupirs, mais la cadence avec laquelle nous nous heurtions montrait l’escalade du plaisir qui l’habitait. Si on m’avait demandé mon nom, je n’aurais su y répondre. J’ignorais qui des plumes sur ma perle ou des reliefs dans mon écrin me faisaient le plus d’effet, mais je bénissais l’ingéniosité d’Arcan. Comme promis, il faisait durer le spectacle. L’échine courbée, haletante, subissant l’escalade du plaisir. L’orgasme s’approchait sans cesse, sans jamais me poignarder quand la main de l’Impératrice se posa dans le bas de mon dos. Je passai sous son bras, frappai son ventre, puis me dégageai du trop long phallus sans lâcher son frêle poignet. Libérée, le ventre fourmillant encore, l’esprit étourdi de plaisir, je la frappai une seconde fois et plongeai ma main. La musique s’arrêta soudainement, remplacée par une mélodie sinistre et plus discrète. Je trouvai le cœur dissimulé et Arcan actionna le dispositif caché dans le décolleté pour arroser la gorge de l’impératrice de sang. Je sentis le liquide froid couler sur ma main. L’Impératrice tomba à genoux, alors je me redressai en lui arrachant le cœur. Chancelante sur mes talons, de profil au public, je léchai l’organe couvert de faux sang. J’imaginai sans mal le cœur de ma propre mère que j’écrasais. Je le laissai tomber et glissai ma main ensanglantée de ma poitrine jusqu’entre mes cuisses. Je pinçai les lèvres et comprimant mon clitoris entre deux doigts. La main de Geisha sur mon bras m’indiqua sa position, puis elle porta la couronne sur ma tête. Elle me guida jusqu’au trône où je m’assis avec soulagement. Je devinai que les lumières des colonnes vertébrales des courtisanes passèrent du vert au rouge, car elles me caressèrent en se blottissant autour de moi.

La musique cessa, les applaudissements et les sifflements m’indiquèrent que tout était fini, et je restai assise, un peu nauséeuse. Geisha m’invita à me lever et je la suivis.

— Marches descendantes. Ça va ?

— J’ai… j’ai… Ça va. J’ai encore des bulles dans le ventre.

— C’était mieux qu’aux répétitions, hein ?

Elle se blottit contre moi. Il n’en pouvait être autrement. Aux répétitions, nous avions enchaîné sans prendre le temps d’écouter nos corps. Geisha ajouta :

— Si jamais tu te sépares de lui, par pitié, emmène ce truc pour les longues nuits d’hiver.

Je souris :

— Ça n’arrivera pas.

La voix d’Arcan s’exclama :

— Madame Rose !

— Monsieur Arcan ! Je dois vous avouer une chose, Prune et Mirabelle m’ont fait vibrer. Je les ai vues passer de l’angoisse à l’abandon avec un jeu d’acteur qui ferait pâlir quelques pointures d’Hollywood. Mais alors Muse et Geisha ! Ça, ce n’était pas simulé !

— Merci pour elles.

— Vous êtes au sommet de mes votes. Je vous laisse profiter de votre succès.

La laisse m’indiqua d’avancer. Les échanges de voix me firent comprendre que ce n’était par Arcan qui tirait la laisse. Geisha nous fit parvenir jusqu’aux flûtes de champagnes. Une fille rit :

— Il faudra peut-être nettoyer tout ce sang.

— Moi je trouve ça sexy, répliqua Geisha.

Je pris la flûte qu’elle me tendait et la bus. Le trac passé, mon corps se réchauffait un peu et j’appréciais les compliments qui se succédaient. Ici, si on se donnait nue en spectacle, on ne traitait personne de salope. On jugeait les spectacles comme critiquerait une pièce de théâtre classique ou un film à la sortie de la salle. Mieux encore, certaines nous enviaient.

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