Hier après-midi, ta main serrait la mienne sur les bords de Seine.

Nous marchions à pas lents sur les quais, dépassés par des joggers, des cyclistes, des chiens allègres et des promeneurs tirés par lesdits chiens.

Le ciel de ce début novembre tentait de se débarrasser de lourds nuages gris en pleurant des averses sporadiques et froides, avant de se parer de teintes orangées qui réchauffaient nos yeux maladroitement. Le ciel était un peu perdu.

Me pardonneras-tu de ne pas vraiment avoir écouté tes mots ? Une forme étrange a attiré mon regard au milieu du fleuve et ce que j'ai pris un instant pour un morceau de bois est devenu un corps. Un buste féminin plus précisément, flottant les bras en croix pour se maintenir dans les courants et volutes traîtresses de la Seine. Une queue d'écailles grises remplaçait ses jambes et godillait dans un éclat discret de gouttelettes.

La créature a tourné son visage ruisselant vers moi, ses cheveux noirs étalés tout autour tel le jet d'encre d'une seiche apeurée, son mascara dégoulinant autour de ses yeux sans expression.

La pluie s'est mise à tomber, petites aiguilles à la surface de l'eau, et ta main a tiré la mienne pour m'entraîner sous le pont Corneille.

J'étais envahie d'une tristesse inexplicable, froide et humide, d'un sentiment de solitude intense.

Je t'ai demandé s'il te semblait plausible qu'il y ait des sirènes dans la Seine et tu as compris des silures.

Tu m'as embrassée et ta bouche avait le goût du ciel de Rouen en ce dimanche de novembre, mi-pluie, mi-orange.