C'est parti

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 Déjà un peu plus d’une heure est passée. David prépare la voiture. Il n’y a pas eu de problème avec les valises. Tout le monde a pu mettre tout ce qu’il voulait. Enfin, disons plutôt qu’heureusement les garçons ont moins d’affaires que les filles… Après avoir mis les valises dans le coffre, nous nous retournons sur la maison. Elle est vide. Il ne reste plus que les meubles que les nouveaux propriétaires nous ont acheté avec la maison. J’ai un pincement au cœur. Ça fait bizarre de voir ma maison vide. Des souvenirs me reviennent. Des bons et des moins bons. Je sens les larmes me monter mais je me contrôle pour ne pas pleurer devant tout le monde. Soudain, Amaya m’enserre et se met à pleurer. Évangeline se met à la suivre. Je ne peux plus retenir mes larmes. Nous voilà toutes les trois en train de pleurer en nous serrant les unes aux autres. Puis, je vois Tony, les yeux larmoyants. Je l’agrippe et le tire vers nous. Nous pleurons notre maison qui n’est plus la nôtre. Nous pleurons dix ans de notre histoire ici. Nous pleurons nos amis que nous ne verrons plus. Nous pleurons les souvenirs que nous ne pourrons plus créer ici. Nous pleurons, ensemble, la fin de notre vie ici.

 David nous regarde, adossé à la voiture, ne voulant pas nous déranger de ce moment d’intimité familial. Le cameraman, à quelques pas de nous, filme notre émotion tout en respectant notre bulle.

 Après un court instant, nous reprenons nos esprits, séchons nos larmes et nous nous regardons tous en se souriant. Après tout, ce n’est pas la fin tout court, mais juste une nouvelle vie qui commence avec son lot de bonheur et de surprises.

 Nous nous relevons et avançons, en silence, vers la voiture. Les enfants s’installent à l’arrière, mettent leur ceinture et comme tous les frères et sœurs de l’Univers, commencent à se chamailler pour des petits riens. Je m’avance vers mon grand frère et le prend dans mes bras. Je m’y sens si bien ! Ma tête collée à son épaule, il me caresse le dos tout en me chuchotant que tout va bien se passer, qu’il sera toujours là pour moi, quoiqu’il se passe et quoiqu’il arrive, il me protègera. Je le regarde, lui sourit et l’embrasse tendrement sur sa joue tandis qu’il essuie avec son pouce la larme qui coule sur la mienne.

 Toujours entrain de filmer, Cédric me demande si je peux décrire la matinée en une phrase.

 — Adieu maison.

 — Coupé, dit-il à son collègue.

 Il me remercie et monte dans sa voiture, nous avons rendez-vous à la gare. Une fois que j’ai mis les clés de la maison dans la boîte aux lettres, comme promis aux nouveaux propriétaires, nous partons nous aussi.

 — Tout le monde est prêt ? Alors c’est parti ! dit David sans attendre réellement de réponse et en mettant ses lunettes de soleil.

 — Maman.

 — Oui, Amaya ?

 — Où on va maintenant ?

 — À la gare. Nous devons prendre le train pour aller en ville, tu te rappelles ?

 — Dans combien de temps on arrive ?

 — Nous serons à la gare dans 30 minutes environ, répond David en la regardant dans le rétroviseur.

 — Chouette, j’ai le temps de lire mon livre ! »

 Elle me fait sourire cette petite fille. Toujours à voir le bon côté des choses, le verre à moitié plein comme on dit. Rien ne peut entacher sa joie de vivre. Évangeline et Tony sont déjà dans leurs pensées, musique aux oreilles, regardant le paysage défilé par la vitre.

 Nous sommes arrivés à la gare. David a pu trouver une place de parking facilement ce qui fait que nous sommes en avance. Benjamin, qui nous l’a acheté, viendra la récupérer plus tard dans la journée.

 Le train arrivera dans 15 min. Nous attendons tranquillement sur le quai quand, tout d’un coup, Évangeline se met à crier. Je lève la tête inquiète prête à bondir, en regardant David qui essaie de masquer un sourire narquois. Évangeline saute, trépigne, puis n’en pouvant plus se met à courir les bras en l’air avec un énorme sourire, les yeux pétillants de bonheur. Mais ? Non, ce n’est pas possible ! Ils sont là. Tous là. Nos amis. Tous nos amis. Avec une banderole d’adieu, en chantant « ce n’est qu’un au revoir ». Juste cette phrase, toujours que cette phrase.

 Amaya est déjà dans les bras de ses amis, Tony qui est plutôt réservé et discret, se contente d’aller voir ses amis de toujours et de leur serrer la main. Mais son meilleur ami, beaucoup moins réservé l’attrape par le tee-shirt et le serre contre lui. Et moi, je pleure. Toujours assise sur mon banc, je pleure. Je ne m’y attendais pas. Nous avions fait une fête, il y a quelques jours pour faire nos adieux. Je pleure toutes les larmes de mon corps, restant assise, les jambes tremblantes, ne pouvant me lever, je reste assise à pleurer. Je ne m’y attendais pas.

 — Tu ne croyais pas qu’on allait vous laisser partir comme ça ? me dit Déborah, ma meilleure amie. Je la serre contre moi.

 — Mais que faites-vous là ?

 — On voulait vous donner votre dernier cadeau et un dernier au revoir pour ce dernier jour. 

 Ça fait beaucoup de dernier, mais Déborah aime bien appuyer là où ça fait mal.

 — Je peux l’ouvrir ? s’empresse de demander Amaya.

 — Non, nous allons l’ouvrir ensemble. Allez, on prend tous le sac. À trois, on l’ouvre. Vous êtes prêt ? Un, deux, trois.

 — Wow ! », s’exclame-t-on.

 Dans le sac, un magnifique cadre. Au premier plan, nos amis. Au second plan, la planète Terre. Sur les côtés du cadre, des petits messages et les signatures de nos amis sont gravés.

 « Il est vraiment magnifique !

 — C’est pour que vous ne nous oubliez pas.

 — Jamais on le pourra. 

 Le train arrive. Nous séchons nos larmes et tandis que David monte nos valises à nos places, nous nous embrassons très fort, pour cette dernière fois où nous voyons nos amis, notre deuxième famille. Nous avons tous les larmes aux yeux lorsque nous montons. Même Tony et ses copains, ces jeunes voulant ressembler à des hommes, essaie tant bien que mal de cacher leurs larmes. Le train démarre. Les amis d’Amaya courent en lui hurlant de ne pas les oublier. Puis, lorsque nous ne pouvons plus les voir, Amaya se jette dans mes bras. Cette petite puce a besoin d’un gros câlin.

 Bien entendu monsieur caméra n’a rien loupé de cette scène. Cependant, ils sont tous resté très pudique, sans nous poser la moindre question, nous laissant nous reposer de toutes ses émotions fortes.

Note à moi-même : penser à demander le nom de monsieur caméra.

 Le voyage ne nous a pas paru long malgré les 2h de trajet. Nous avons été souper au wagon restaurant. Depuis qu’ils ont mis des restaurants rapides dans les trains, les enfants adorent y manger. David et moi, nous avons pris des sushis. Mon pêché mignon !

 L’hôtel est à cinq minutes à pied de la gare. Plutôt pratique lorsqu’on se balade avec 10 valises à porter ou rouler.

 Après s’être enregistré à l’accueil, nous montons dans notre chambre, une suite familiale avec trois lits double et un lit simple. Évangeline et Amaya dormiront ensemble et Tony dans le lit simple. C’est parfait. Il y a aussi une salle de douche avec les toilettes, bien sûr, et un petit salon avec deux canapés, un fauteuil et une télé. De quoi ravir les petits monstres ! Les fenêtres du salon donnent sur le complexe de gares. Nous pouvons voir la gare ferroviaire, la gare routière ainsi que la gare spatiale. Tout autour, il y a les restaurants et hôtels pour accueillir les touristes qui sont des milliers chaque jour. Au centre, une place piétonnière avec une jolie fontaine. Le tout représente un pentagone, vu du ciel. C’est vraiment grandiose.

 David et moi décidons d’aller nous promener sur la place, histoire de décompresser de cette journée, avant de se coucher. Les enfants décident de rester dans la chambre et de regarder la télé. Même Amaya. La journée a eu raison de sa forme. Il y a eu beaucoup trop d’émotions pour elle. Je lui promets de revenir dans une vingtaine de minutes et lui demande de bien écouter son frère. Tout comme David l’est avec moi, Tony est très protecteur avec ses sœurs. Même si Amaya n’en fait souvent qu’à sa tête. Les journalistes et le Dr sont dans leur propre chambre, nous ne les verrons plus avant demain.

 Très exactement 23 minutes plus tard, nous rentrons. À peine ouvert la porte, que nous voyons Amaya debout devant nous, bras croisés, nous reprochant d’être en retard.

 — Hey! Attends donc… j’avais dit une vingtaine de minutes, pas 20 minutes exactement, lui dis-je avec le même petit air sournois que cette petite chipie. Elle se met à rire et à me faire un câlin. Petite miss câlin.

 — Je vois que tu es déjà en pyjama, mais est-ce que tu t’es lavée ?

 — Oui.

 — Et les dents ?

 — Oui, regarde.

 — Oh ! C’est tout beau. Alors un petit pipi et au dodo demoiselle. »

 Amaya s’exécute. Elle embrasse son frère, puis son oncle et saute dans son lit. Son rituel étant terminé, je m’avance vers elle :

 « Prête à dormir ?

 — Ben non, maman, il me manque ton bisou et ton câlin.

 — Bien sûr, lui dis-je en la prenant fort dans mes bras.

 — Maman, et si je n’arrive pas à dormir à cause du bruit des gares ?

 — Non, ne t’inquiète pas mon cœur. Il y a très longtemps, le président a fait une loi spéciale. Cette loi dit que, pour les complexes de gares comme ici, il ne doit pas y avoir ni d’arriver ni de départ après 23h. Donc, dans environ 30 minutes, il n’y aura plus de gros bruits.

 — Ah, ok, et Évangeline arrive bientôt ?

 — Oui, elle est dans la salle de bain. Elle arrive juste après. Mais ce n’est pas pour discuter, d’accord ?

 — D’accord maman, c’est promis. Je t’aime, fais de beaux rêves, bonne nuit.

 — Bonne nuit mon cœur, je t’aime aussi. »

 Évangeline et Tony se couchent juste après de nous embrasser leur oncle et moi. Évangeline ne veut plus que je la borde depuis quelques temps. Je trouve ça tellement triste. Mais bon, je la laisse grandir, mon bébé qui a maintenant 11 ans. Quelques minutes après, j’embrasse mon frère bien aimé, lui souhaite la bonne nuit puis part me blottir dans les bras de Morphée. Cette journée a été épuisante pour tout le monde.

 Il est 7h. Je me lève. David est déjà parti. Il m’a laissé un mot sur la télé. Il s’est levé tôt pour être dans les premiers à apporter nos valises aux conteneurs à bagages. Il a sûrement pris un chariot pour les transporter.

 Il y a 3 voitures de dix conteneurs à bagages qui stationnent à des endroits stratégiques près des hôtels. Avec une politique de premiers arrivés, premiers servis, il a préféré les descendre avant que la voiture arrive en bas de notre hôtel. Une fois rentré, il me raconte qu’il y avait déjà beaucoup de monde, mais qu’il a pu mettre nos affaires. C’est un soulagement, car lorsque les conteneurs sont pleins, les voitures partent. Pour tous ceux qui n’ont pas eu de place, ils devront garder leurs valises dans la navette. Il n’y a déjà pas beaucoup de place, je me voyais mal avec toutes ses valises. Il me dit également y avoir vu Éric – monsieur caméra – et avoir raconté deux-trois trucs. Je ne sais pas vraiment quoi, à mes questions, mon cher frère me répondais simplement que je le saurais lorsque je regarderais l’émission. Ça m’angoisse, mais je n’ai pas vraiment le temps d’y penser.

 Je lève les enfants à 7h30. Un brin de toilette puis nous rangeons nos dernières affaires dans nos sacs. Un chacun.

 David et moi faisons le tour de la suite pour vérifier que personne n’a rien oublié. Résultat : une brosse à dent, un bracelet et un doudou. « Doudou ! » s’écrit Amaya. Cette petite chipie ne peut pas se passer de son doudou pour dormir mais l’oublie à chaque fois !

 « Allez, dit David, direction le petit déjeuner. »

 Le prix de la suite inclus le petit déjeuner. C’est un buffet à volonté. Il y a du café, du thé, du lait chocolaté ou non, différents jus et de l’eau, bien sûr. Des toasts, des gaufres, des crêpes, du beurre de la confiture, de la pâte à tartiner. Des œufs, brouillés, sur le plat, dur ; du bacon, des patates sautées. Et des fruits, beaucoup de fruits.

 Les enfants se sont régalés, nous aussi d’ailleurs. Il est 9h30 lorsque nous sortons de l’hôtel, le ventre plein. Le départ de notre navette est prévu pour 11h, mais il est conseillé de venir faire les enregistrements au moins une demi-heure à l’avance. Nous décidons donc d’y aller tout de suite. Après l’enregistrement, les douanes et les portails de sécurité, nous attendons notre départ.

 À 10h30, l’hôtesse nous appelle et nous demande d’embarquer. Nous sommes 50 voyageurs par navette, en plus de l’hôtesse et des 2 pilotes. L’hôtesse nous dirige à nos places. David est assis à l’avant entre Tony, qui est près du hublot et Évangeline. Tous les deux ont déjà visité la station spatiale, ils ne sont donc pas trop stressés. Ma petite Amaya est à côté de moi, elle, est très stressée ! C’est sa première fois. Moi aussi d’ailleurs. David se retourne et vérifie que nous allons bien. Je lui souris, pas vraiment convaincue. Pendant que les pilotes font leurs vérifications d’usage et autres contrôle, l’hôtesse vérifie que nos harnais sont bien attachés.

 Je sens la navette bouger. Une fois en place, elle décolle. Il lui faudra 30 minutes pour atteindre la station spatiale où nous prendrons place dans le vaisseau qui nous emmènera sur Terranovia. Au bout de 20 minutes, nous pouvons voir la planète depuis l’espace. C’est encore plus beau que dans les documentaires ! La Terre est vraiment la plus belle de toutes.

Ça y est, nous sommes bel et bien partis. Il n’y a plus de marche arrière possible. Nous partons pour notre nouvelle vie. Ça va bien aller.

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