La lumière dans le cockpit était tamisée. Alisra n’avait pas quitté le siège depuis deux heures. Le mot LYRA tournait en boucle dans sa tête comme une comète impossible à rattraper. Elle ne mangeait presque plus. Son regard fixait le vide comme si elle cherchait sa mère à travers les étoiles.

Kael la regardait en silence. Depuis qu’ils avaient intercepté le message, il n’avait presque pas parlé. Ce qui n’était pas inhabituel… sauf que cette fois, c’était un silence chargé de culpabilité.

Il finit par se lever.

– "Alisra… je dois te dire quelque chose."

Elle tourna la tête vers lui. Elle était fatiguée. Vidée.

– "Si tu vas encore dire que je suis la clé de l’univers, épargne-moi."

– "Non. C’est plus que ça. Je sais qui était ta mère."

Elle se redressa, d’un bond.

– "Comment tu peux savoir ça ? Tu n’as jamais parlé d’elle. Personne ne sait rien d’elle, même les archives de la Fédération sont floutées."

– "Parce qu’on m’a interdit de te le dire."
– "Par qui ?"

Il serra la mâchoire.

– "Par mon père. Et par le Conseil spatial. Lyra Veyra était une chercheuse en exoplanétologie avancée. Elle a disparu en mission, oui. Mais elle n’a pas été perdue. Elle s’est… elle s’est enfuie."

– "Tu mens." souffla Alisra.

– "Non. Mon père faisait partie du comité qui a classé la mission Séléné. Il savait que Lyra avait fait une découverte... une forme de conscience non-humaine, un réseau vivant dans le vide interstellaire. Elle a choisi de s’unir à eux. De travailler avec eux. Peut-être même de ne plus être humaine du tout."

Elle tomba sur le siège. Le souffle coupé.

– "Pourquoi tu ne m’as rien dit avant ?"

– "Parce qu’ils m’ont placé ici pour te surveiller." dit-il, la voix cassée.
– "Je n’étais pas censé… t’aimer."

Un silence brutal.

Elle le regarda avec des yeux fendus de colère et de tristesse.

– "Alors tout ça, notre lien, c’était une mission pour toi ?"

– "Non. Pas après t’avoir connue. Pas après avoir vu qui tu étais vraiment. Tu m’as sorti du rôle qu’on m’avait imposé. Et ça me terrifie."

Elle détourna les yeux.

– "Je ne sais pas si je te hais ou si je te comprends."

Deux jours plus tard.

Les systèmes du vaisseau détectèrent une structure en orbite de la planète brumeuse. Immense. Invisible à l’œil nu. Une station alien, semi-organique, comme un monstre vivant figé dans le temps.

Une communication directe fut émise vers l’Astra-Lux.

Visuel activé.

L’écran montra un visage.

Humain. Une femme. Peau claire, yeux dorés, cheveux bruns flottant dans un liquide lumineux.

– "Alisra. Ma fille. Je suis vivante."

Alisra tomba à genoux.

– "Maman…?"

– "Je n’ai pas beaucoup de temps. Ils arrivent. Je… je n’ai pas le droit de t’aider, mais je voulais que tu saches. Je ne t’ai jamais oubliée. Mais ce que j’ai découvert… c’est au-delà de ce que vous pouvez imaginer. L’humanité doit évoluer. Accepter de ne pas tout contrôler."

Kael s’approcha, figé.

– "Tu as trahi ton espèce."

– "Non. J’ai vu l’avenir. Et vous allez bientôt le voir aussi."

L’image disparut.

Juste après, des lumières blanches surgirent dans l’espace autour d’eux.
Des vaisseaux. Aucun bruit. Aucune arme apparente. Juste… une présence.

– "Ils nous ont trouvés." souffla Kael.