1. Hardis

5 minutes de lecture

« Vous risquez d’être en retard, sire.

-Peu importe, connaissant les autres, ils me pardonneront bien ça. Et ces fous méritent une correction.

-À votre guise. Agirez-vous seul ?

-Penses-tu, face à ce menu-fretin, Karkov. Ton frère et toi pouvez rester en retrait, ce ne sera pas long.

-Bien, sire. »

Le spadassin en armure de plates recula d’un pas à l’instar de son jumeau, puis son supérieur matérialisa sa claymore. L’arme scintilla quelques instants en apparaissant, provoquant un mouvement de surprise chez les quatre hommes faisant face à l’épéiste. Ce-dernier hésita à se débarrasser de sa longue et ample veste bleue aux revers cousus de fil d’or, puis se ravisa.

« De toute manière, ces Esoracs ne tiendront pas plus d’une minute. »

Après avoir frappé les pavés de sa botte de métal, il posa sa lame sur son épaule et interpela ses futurs adversaires :

« Comme vous le voyez, je suis un maître-mage. Vous qui avez osé m’insulter en vous pensant en sécurité grâce à vos rapières, venez donc m’affronter. Que cette place soit votre tombeau, et cette superbe fontaine votre épitaphe ! »

Les passants s’étaient arrêtés autour des combattants, obligeant le quatuor provoqué à relever le défi. Entre une mort sociale assurée et une mort physique incertaine, le plus téméraire d’entre eux choisit la seconde option et s’élança. Les trois autres le suivirent dans la foulée, mais à peine fut il à portée qu’il s’écrasa sur le sol, le crâne fendu de part en part. L’enchaînement fut si rapide que personne n’eut le temps de s’étonner. En quelques mouvements vifs et autant de pas semblant glisser sur la pierre, l’incroyable bretteur sectionna une gorge, deux vertèbres ainsi que quatre cervicales. Les corps s’effondrèrent tous en même temps pendant que l’adroit tueur faisait se désagréger son espadon. Un murmure parcourut l’assemblée où pas un individu n’échappait à cette interrogation : qui était cet étranger dissimulant son visage sous un casque aux traits de phénix ? Comme s’il devinait la question, l’intéressé imposa le silence en étendant le bras droit.

« Membres du peuple de Drakon ou simples voyageurs, lança-t-il en posant sa main sur son cœur, retenez dès à présent mon nom : je suis Trajan, quatrième Confidens de l’empire riphas. Vous découvrirez bien assez tôt qu’on ne m’appelle pas le conquérant pour rien. Reste à savoir une chose à ce moment-là : de quel côté serez-vous ? »

Sur ces mots, il fit signe à ses subordonnés de le rejoindre, puis se fraya sans peine un chemin entre les badauds qui s’écartaient sur son passage. Le trio s’éloigna dans un premier temps de la place de l’hôtel de ville, avant d’arriver quelques centaines de mètres plus loin devant la façade d’une riche demeure. Les portes s’ouvrirent d’elles-mêmes pour les laisser entrer dans un atrium sobre mais distingué dans le style des piliers. Sans s’attarder, le meneur laissa là ses acolytes, contourna le bassin turquoise, gravit un escalier de marbre, puis poussa les battants d’ébène d’une vaste salle aux tons froids. Là attendaient une dizaine de personnes assises autour d’une table circulaire de cèdre noir. Chaque siège se trouvait dans l’alignement d’une statue immaculée qui jouxtait le mur glacial, à l’exception de celui qui faisait face à l’entrée. L’homme qui se était installé dessus, vêtu d’un manteau teinté d’or et de pourpre impériale, réagit le premier à l’apparition du nouveau-venu :

« Trajan, te voilà enfin. Prends place, nous allons commencer.

-Je vois que nous sommes presque au complet, répondit-il en tirant le dossier de sa chaise gravé à son nom. Ça fait plaisir de voir autant d’entre vous cette fois, à commencer par toi, Auguste.

-Je te remercie, réagit-il impassiblement. Théodose est à Esor pour un assassinat, Tibère est parti surveiller la guilde des marchands et Marc-Aurèle redore le blason de notre empire auprès du prince de Drakon, mais à part ça nous sommes au complet. Bien. Débutons par le rapport d’Agrippine.

-Que d’honneurs, sourit-elle à moitié sarcastique. Je dois avouer que je suis pour le moins fière de moi : la Fédération d’Esor n’aura pas ses deux navires de guerre prévus pour le printemps, et j’ai en prime empoché le budget sur mon compte personnel.

-J’ai en effet relevé une forte rentrée d’argent, confirma le trentenaire aux longs cheveux marines en face de la jeune femme. On ne t’appelle pas la rusée pour rien, le sénateur Borg doit être bien fou de toi pour avoir cédé à une telle demande.

-Vespasien, cher questeur, tu sais bien que pas un seul homme ne m’a résisté depuis que je suis membre des Confidens.

-Ton voisin, si.

-Trajan ne compte pas. Il ne serait pas classé quatrième dans notre cercle s’il cédait si aisément aux charmes de la sixième que je suis.

-Mais là n’est pas le sujet, intervint l’intéressé de sa voix profonde. Si nous en avons fini avec toi, passons à la suite.

-Allons, allons, Trajan, tu manques sérieusement de fantaisie, l’interpela l’homme à la chevelure pâle et aux yeux dorés assis à la droite de Vespasien. Si l’on ne peut plus se taquiner, pourquoi nous rassembler ? Et puis tu pourrais retirer ton heaume, on ne sait pas à quoi tu penses.

-Je ne partage pas ton penchant insensé, Néron, bien que la véritable question soit de savoir si tu as un penchant sain d’esprit.

-Je me réserve ce petit secret. Peut-être cependant que Constantin souhaite nous faire part de quelque chose, il a sortit un joli parchemin de sa veste azure.

-Un simulacre de respect n’aurait pas été de refus quand tu t’adresses à l’unificateur de notre assemblée, répliqua le numéro deux des Confidens. Mais effectivement, j’ai une mission pour ceux que désignera Auguste. Pour faire simple, le texte codé que j’ai déchiffré et qui figure ici fait mention de la confrérie des anneaux. Nous pensions que Théodose nous avait définitivement débarrassé de ces idiots ; on dirait qu’il va falloir remettre ça avec les gêneurs qui l’ont recréée. Puisque notre bien aimé « ultime » est occupé par son assassinat, je suggère de le remplacer par deux combattants, pour compenser.

-C’est une bonne idée, approuva le princeps qui dirigeait la réunion.

-Auguste, l’appela Néron, permets-moi de me distinguer ! Je veux étudier de près ces potentiels sujets de test.

-Je pense que moi, Commode le clément, suis tout indiqué, le coupa un grand brun au regard turquoise. En binôme avec Tibère, nous ferons des étincelles.

-Il n’est même pas présent, le moqua le scientifique.

-Il ne devrait pas tarder à revenir d’une tâche aussi triviale.

-Vous êtes puérils, soupira Agrippine. Faire des étincelles ? Mieux vaut des flammes ! Je partirai avec Théodora : l’audacieuse et la rusée, quel meilleur duo ?

-Eh, ne vous battez pas, intervint le plus jeune des Confidens en posant son regard vert amusé sur eux. Même moi, je trouve qu’il y a plus judicieux comme occasion pour un affrontement.

-Alors c’est décidé, tonna calmement Auguste. Mettons fin à cette risible mascarade. Trajan le conquérant ira avec Titus le fougueux, puisqu’il a su faire preuve de plus de sagesse que ses aînés.

-Merci, princeps, salua le paladin en hochant la tête.

-Merci bien, ajouta le cadet de l’assemblée en souriant, je ne te décevrai pas.

-Ne me remerciez pas. Je vous envoie au-devant des seigneurs noirs. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Aruwo Shiita ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0