2. Insensée

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« La neige n’a pas l’air de s’arrêter de tomber, remarqua-t-il en jouant avec les branches du conifère.

-Évidemment, nous sommes dans le col de l’Échine du dragon. Tu n’y étais jamais venu ?

-Jamais. J’avais bien sûr déjà traversé les montagnes qui coupent notre continent, mais plus au sud. Ici, le blizzard donne une toute autre atmosphère à notre environnement.

-Quel âge as-tu, Titus ? Je ne suis pas bon pour retenir ce genre d’informations.

-Dix-neuf ans, pourquoi ?

-C’est habituellement à vingt que l’on doit se confronter à ce climat pour démontrer notre aptitude à servir l’empereur, en tout cas en tant que soldat. Tu échappes au service militaire par ta qualité de Confidens, mais on dirait que ça, tu ne peux pas faire l’impasse dessus.

-J’ignorais cela. Vous avez donc fait un passage par l’armée avant d’être recruté par Constantin ?

-Ne cherche pas à en apprendre sur moi si je ne t’y invite pas, c’est un conseil. J’ai accompagné des gens lors de cette épreuve, c’est tout ce que tu sauras.

-Je vois, je vois. Votre harnois et votre heaume de phénix doivent donc venir d’autre part.

-En effet. Relève-toi maintenant et éteint ce feu de camp, nous partons.

-Chef, oui chef. »

Le jeune homme aux cheveux blonds comme les blés rentra ses bras dans son chaud manteau aux allures de cape, puis écrasa les flammes avec le talon de sa haute botte fourrée. Quand les dernières braises eurent pris une teinte bleutée, il suivit son compagnon hors du couvert du sapin.

« Tu vois cet éclat à six cents mètres de nous ? lui demanda Trajan en pointant une lumière.

-La lueur blanche ?

-C’est ça. Je pense qu’elle sert de balise aux voyageurs qui passent par ici. Mais tu sais aussi bien que moi qu’il n’y a que des fous pour s’aventurer à Échine du dragon, un type bien particulier en l’occurrence.

-La confrérie des anneaux.

-Exactement. Nous allons donc leur payer une petite visite.

-En plein blizzard ? s’étonna Titus.

-Ça les immobilise là-bas.

-Et nous ici !

-Oublies-tu que nous sommes des maîtres-mages ? »

L’armure intégrale du quatrième Confidens commença à luire, jusqu’à ce qu’une véritable sphère de chaleur se soit constituée autour de lui. Son cadet esquissa un sourire.

« Je m’incline, j’ignorais que l’on pouvait faire ça. Et vu le diamètre du sort, je n’aurai même pas à en invoquer un.

-Dans ce cas, ne traîne pas. »

Il hocha la tête avant d’emboiter le pas au paladin. Très vite cependant, il s’aperçut qu’il ne lui avait pas donné ce conseil pour la forme : malgré le poids de ses protections de métal et l’épaisse couche de neige, il ne semblait pas éprouver plus de difficulté à avancer qu’il n’en avait à tuer de sang froid. À cette allure, le duo parvint rapidement à l’origine du rayonnement ; une pierre de ciel encastrée au-dessus d’une ouverture dans la roche.

« Ben voyons, on dirait qu’ils comptent plus sur l’isolement de leur lieu de réunion que sa dissimulation pour écarter les gêneurs, ironisa le plus jeune. Réglons ça vite, je commence à avoir faim.

-Pas de précipitation, répondit l’aîné de sa voix profonde. Je ne détecte aucun piège en sondant le plan éthéré, mais c’est peut-être justement ça la ruse. Nous faisons face à des individus qui se réclament des seigneurs noirs, ce n’est pas n’importe quoi. Avançons prudemment. »

Sans plus d’explication, Trajan partit d’un pas vif à travers le large couloir en semi-pénombre.

« Eh, l’appela Titus en l’imitant, tu ne viens pas de dire…

-Prudence est une chose, lenteur en est une autre, le coupa-t-il. Il est d’ailleurs insensé de laisser du temps à son ennemi pour se préparer quand on peut l’en priver.

-Et si on se fait attaquer depuis un recoin obscur ?

-J’utilise à la fois ma vision normale et celle éthérée. Tu apprendras à le faire en t’assagissant.

-Wow, tu n’es pas du cercle originel pour rien.

-Concentre-toi. Nous arrivons. »

En débouchant dans un vaste espace taillé dans le roc, le treizième Confidens fut frappé par son diamètre : au sol, il excédait les trente mètres. Le quatrième, quant à lui, repéra immédiatement la longue table éclairée par un cristal flottant qui occupait le centre de la salle. Et plus exactement, ce qui se trouvait autour. À savoir une dizaine de cadavres aspergés de sang ainsi qu’une jeune femme vêtue de rouge et de blanc. Cette dernière tourna vers eux ses yeux roux, puis envoya un baiser à Trajan… et disparut dans un petit rire satisfait.

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