3. Amusé

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« Vous voilà de retour, Trajan ! Comment avez-vous trouvé les seigneurs noirs de la confrérie des anneaux ?

-Morts, Hadrien.

-Morts ?

-Quelqu’un nous a précédé de quelques instants. Une jeune femme de rouge et de blanc vêtue, un peu comme Agrippine, mais avec de longues nattes brunes. Elle a disparu au moment où nous sommes arrivés. »

Il se laissa tomber sur un siège en terminant sa phrase, l’air visiblement las sous son casque. Après s’être étiré les bras, il prit trois grains de raisin sur la petite table à sa gauche pendant que son interlocuteur astiquait machinalement la garde de sa rapière. Une agréable brise s’engouffra par la longue ouverture à la droite du paladin, rafraichissant quelque peu la pièce. Le souffle venait d’une des multiples cours intérieures du palais, fruit de la passion du précédent empereur pour la botanique. Le jeune homme aux cheveux sombres inspira longuement, puis fit remarquer :

« Au moins, vous êtes revenus sans le moindre problème à signaler.

-En doutais-tu ?

-Pour vous, non, cela va de soi. Mais Titus étant encore relativement nouveau, je ne savais pas à quoi m’attendre. Où est-il, d’ailleurs ?

-Je l’ai envoyé au rapport auprès de Constantin. S’il a des questions ou si Auguste souhaite en reparler avec moi, je demeure naturellement à leur entière disposition. Cependant, ajouta-t-il en faisant craquer ses cervicales, j’aimerais pour l’instant me reposer un peu avant de reprendre mes responsabilités.

-Désirez-vous que je vous laisse ? l’interrogea son cadet de son regard brun.

-Non, ça ira. Tu me donneras l’occasion de discuter d’autre chose que de ma mission. Prends donc une chaise.

-J’y comptait bien », répondit-il en arborant son sourire doux dont il avait le secret.

Après s’être assis légèrement en biais du chevalier, il le rejoignit dans sa contemplation du jardin qui leur faisait face. Comme le voulait la coutume, il avait été aménagé en symétrie autour d’une large fontaine, dont le bassin devait bien mesurer cinq mètres de diamètre. Quatre allées alignées sur les points cardinaux délimitaient les zones fleuries, chacune présentant une multitude de couleurs savamment choisies pour former le meilleur rendu visuel. La particularité des parterres du palais impérial riphas résidait dans leur magnificence à la fois sous la lumière des astres, mais aussi sous l’éclat mystique du plan éthéré qui les rendait tout à fait oniriques.

« Vous appréciez les superbes contrastes des flux énergétiques, n’est-ce-pas ?

-Effectivement, acquiesça Trajan. Jamais le monde n’est plus beau que vu sous cet angle.

-C’est vrai que c’est joli. Mais parfois, je trouve les paysages sont plus appréciables sans magie. Au naturel.

-Ça se défend. »

Un silence passa, durant lequel chacun resta seul avec ses pensées. Puis, sans trop de contexte, l’aîné se tourna vers son cadet.

« Tu m’admires beaucoup, n’est-ce-pas ?

-Euh… qu’est-ce-qui vous le fait dire ?

-De tous les Confidens, tu es le seul à porter une longue veste sans manche comme moi. Tu as des cheveux et des yeux plutôt bruns, mais les couleurs que tu portes sont le bleu et l’ocre, très proches des miennes… le bleu et l’or. De plus, tu es régulièrement de mon avis lors des réunions, et lorsque tu ne sembles pas l’être, tu interviens peu. C’est peut-être simplement pour te protéger, mais le style de ton plastron n’est pas sans rappeler celui de mon harnois.

-En effet, je me doutais que ça ne vous échapperait pas vu votre perspicacité ; je vous considère comme un modèle.

-En quoi suis-je donc inspirant pour toi ? demanda-t-il posément. Titus me révère ouvertement pour mes talents de combattant, mais qu’en est-il de toi ?

-On ne m’a pas nommé Hadrien le patient pour rien. Je trouve incroyable votre calme perpétuel, ainsi que votre charisme et capacité à imposer votre volonté sans hausser le ton.

-Intelligent comme tu es, tu as aisément deviné que le casque qui dissimule mon visage m’aide grandement dans cela.

-Bien sûr, mais vous avez des dons naturels, cela saute aux yeux. »

Il se tut en finissant sa phrase, car des bruits de pas n’avaient échappé ni à l’un ni à l’autre. Quelques instants plus tard, Vespasien fit son entrée dans la pièce.

« Même ici où le climat est chaud, tu n’abandonnes jamais ton manteau gris, nota le paladin en armure intégrale. On dirait que nous avons invariablement froid tous les deux.

-C’est possible, répondit-il de sa voix mesurée et sereine. Auguste et Constantin te demandent. Ou plutôt, nous demandent tous les deux.

-Réunion du cercle originel, je présume ?

-On ne peut rien te cacher. Nous devons étudier de plus près l’apparition inopinée de la jouvencelle dont a parlé Titus.

-Déjà des soupçons sur son identité ? l’interrogea-t-il en se levant.

-Notre cher unificateur doit en avoir. Pour ce cher princeps, je ne sais pas.

-Et toi ? »

Le questeur eut un petit rire pendant qu’un éclat blanc passait sur ses lunettes.

« Après le conseil, j’irai payer une petite visite à ma cousine, si tu veux tout savoir. »

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