La Dépression Connectée et l'Enfance Aseptisée

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La dépression, putain. Le nouveau mal du siècle. Le comble, c'est ce manque de connexion avec les autres malgré l'hyperconnectivité. On est branchés H24, des millions de "friends" sur les écrans, des conversations qui ne finissent jamais, et pourtant, on est plus seuls que jamais. On se noie dans le flot d'informations, on se compare, on se juge, et le vide grandit en nous.

Avant, l'enfance, c'était ça : on construisait des cabanes dans les bois, on sortait, on était libres. On tombait, on se relevait. On apprenait la résilience avec des genoux écorchés. On se préparait au futur, à coups de gamelles et de victoires sur l'ennui. On regardait DBZ, Ken Le Survivant, et tous les autres, en sachant très bien qu'on n'allait pas devenir des super-guerriers. On savait pertinemment qu'on ne mettrait pas quinze jours à faire la distance entre notre surface de réparation et le but adverse comme dans Olive et Tom. C'était de l'imaginaire, du rêve, on faisait la part des choses. On savait ce que c'était que la fiction, la limite entre le réel et le délire.

Aujourd'hui, on trouve des troubles à des gamins à tour de bras. Chaque caprice est un symptôme, chaque coup de colère une maladie. On les gave de diagnostics, on les enferme dans des catégories, on leur ôte toute leur putain de marge de manœuvre. Un assistant au devoir dans un institut thérapeutique m'a dit un jour, le regard vide et la voix lasse : "Tu sais, on leur trouve des troubles, mais on ne fait rien de vrai, on les pousse à la frustration pour les sanctionner, mais ça ne sert à rien. Honnêtement, on crée des futurs gamins qui finiront en centre éducatif fermé." Cette phrase, elle m'a jamais lâché.

Et on associe tout ça au manque d'éducation que l'Éducation Nationale et les services sociaux nous interdisent par peur d'être trop violents. On a peur de dire "non", de poser des limites. On a retiré le mot "punir" au bénéfice de "sanction" parce qu'on pense que ça va les rassurer de ne pas être punis. Mais putain, qu'est-ce qu'il se passe plus tard ? Ils ne comprennent plus lorsqu'ils sont virés, quand ils prennent un coup de pelle en pleine gueule dans la vraie vie, quand les conséquences de leurs actes les rattrapent. Un collègue, dans ce même centre éducatif, m'a balancé un jour, blasé : "La seule chose qui leur manque, c'est une claque dans la gueule. C'est pas éducatif au sens de la loi, mais au moins, avant, on savait que le respect, c'était quelque chose de violent, de concret. Aujourd'hui, t'as plus le droit, ça craint, mais on doit faire avec." Ça résume tout. On a créé des petits tyrans domestiques, des êtres qui n'ont jamais appris la valeur de l'effort, de la conséquence, de l'autorité.

Et ça, ça colle parfaitement avec les relations amoureuses. Ils ne sont pas prêts à vivre la défaite. Au moindre accrochage, à la première déception, c'est la fin du monde. Ça crée une génération de dépressifs, qui au moindre conflit, à la moindre zone d'ombre, ne savent plus se défendre. Ils ne connaissent que la fuite, le silence, le ghosting, ou le victimisme. Ils ont été tellement protégés de toute forme d'adversité qu'ils sont devenus incapables de se battre, de s'affirmer, de tenir tête. La moindre dispute est vécue comme une agression insoutenable. Même dans les relations sociales, ça se répercute. On met en place la bienveillance à outrance, au détriment de faire face au danger de la vie, à faire des choix amicaux ou amoureux en connaissance de cause. Un jour, ça va faire mal, putain, et ils ne seront pas armés pour le coup.

Et le plus ironique, le plus désolant, c'est qu'il n'y a que les jeunes de cité qui osent encore l'ouvrir. Grâce au dictat du plus fort qui règne dans les rues, ils sont confrontés à la réalité brutale, ils apprennent à se défendre, à argumenter, à ne pas se laisser faire. Et j'ai un putain de respect pour ces jeunes des cités qui vivent la misère, qui, même si pour certains ça pêche à l'école, ils savent être respectueux. Eux, au moins, ils n'ont pas été élevés dans le coton de la bienveillance aseptisée. Ils connaissent la valeur du rapport de force, de la répartie, parce que la vie ne leur a pas laissé le choix.

C'est ça, la gueule de bois de notre époque. On a voulu nous protéger de tout, nous rassurer à tout prix, et on a créé des êtres fragiles, dépressifs, incapables de naviguer dans le chaos du monde réel. Et on se retrouve seuls, hyperconnectés mais désespérément isolés, à chercher des réponses dans le vide de nos écrans, incapables de trouver le courage de se battre pour ce qui compte.

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