Brume épaisse

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Le mardi matin qui suivit, Lucien se réveilla à six heures et demi, comme tous les jours depuis qu'il était en âge de tenir un crayon, et alla prendre une douche rapide, avant de descendre pour petit-déjeuner avec sa plus jeune sœur et sa mère. Son père était de service ce matin-là, et s'était rendu à son entreprise très tôt. Tatianna, quant à elle, prendrait le bus pour se déplacer jusqu'au collège, une heure plus tard que le reste de sa fratrie. C'est donc sous le flot de paroles de sa cadette que Lucien débuta sa journée, tartines et tasse de thé en main. Sa mère emmena la plus jeune à l'école peu après, puis revint le chercher pour le déposer au lycée et se diriger ensuite à son propre lieu de travail. Le trajet se fit sans encombre et dans un silence presque religieux, car fatigué.

Sa mère s'arrêta le long de la chaussée, et il s'extirpa prestement du véhicule, embrassant toutefois la joue de sa mère avant de descendre. Son sac sur l'épaule, il termina le voyage à pieds, arrivant au lycée au moment-même où les grilles s'ouvraient. Lucien pénétra dans l'établissement, vérifia qu'aucun professeur qu'il voyait ce jour n'était absent, puis s'engouffra dans le bâtiment en direction de sa salle de mathématiques. N'ayant aucune idée distrayante à s'esprit, il s'amusa, pendant la demi-heure qui suivit, à regarder les gens passer et à observer leur démarche unique, qui en disait souvent long sur leur personne.

Quelques minutes avant le début des cours, Arthur arriva enfin. Son ami de longue date avait revêtu un jean noir et un polo, ses cheveux blonds ayant été laissé détachés tombaient sur ses épaules et encadraient ses grands yeux verts. Il avait le teint pâle, mais un grand sourire faisait rayonner son visage. Le cœur de Lucien s'arrêta de battre pendant un instant. Ils se serrèrent la main et discutèrent de leur prochain devoir surveillé.

La sonnerie retentit, coupant court à leur conversation, et ils entrèrent en classe, souhaitant le bonjour à leur professeur en passant. Ils s'installèrent côte à côte, au deuxième rang au centre, et sortirent leurs affaires. Un cours comme un autre, pendant une journée comme une autre. La classe de terminales continua son travail sur la dérivation pendant cette première heure difficile. Lorsque neuf heures sonnèrent, Lucien était satisfait. Il rendit son travail supplémentaire à l'homme qui essuyait le tableau puis le salua, prenant congé. Il se rendit en anglais où il étudia (une fois de plus) le Far West américain. S'en suivit une heure de philosophie, certes macabre, mais passionante, entre meurtres, torture et diverses folies humaines.

  • Si l'on souffre tant de perdre quelqu'un, expliquait leur professeur avant de les relâcher au profit d'une classe littéraire, c'est parce qu'il nous faut envisager un futur sans eux, quand bien même on essayait de construire ce futur de telle sorte qu'on puisse rester auprès d'eux.

Sur ces bonnes paroles, ils se rendirent en biologie où ils étudièrent les caractères phénotypiques dérivés de la lignée humaine. Puis vint enfin la pause de midi, et – bien plus vite que ne l'aurait pensé Lucien – les cours de l'après-midi s'enchaînèrent. À dix-huit heures, en sortant de physique-chimie, il accompagna Arthur à son arrêt de bus, et continua seul à pieds une fois l'avoir salué. Il rejoingnit sa mère sur un parking à proximité, et ils rentrèrent en chantant à tue-tête les quelques morceaux hétéroclytes diffusés par la radio durant ces vingt-cinq minutes.

Ils arrivèrent tout sourire à la maison, et furent accueillis par une Tatianna débordées et une Karlene extatique. Lucien partit faire ses devoirs et aida la collégienne à finir les siens pendant que le reste de la petite famille regardait la télévision. Ils dînèrent, avant de repartir chacun à leurs occupations.

Dehors, il faisait nuit noire. Le temps était passé si vite, et déjà la froideur de Novembre envahissait les foyers et ramenait avec elle la pluie. Lucien se fit la réflexion que le conseil de classe arrivait à grands pas, et que ce serait bientôt déjà la fin de l'année. Une de plus. Étant né un trois janvier, le début d'année était toujours synonyme de réjouissances pour lui. Pourtant, cette fois, il appréhendait. Il allait devenir majeur ! Sur ces bonnes pensées, il se mit sous sa couverture et plongea dans un profond sommeil sans rêve.

Le lendemain matin , Lucien profita d'une heure de repos en plus : son professeur d'éducation physique et sportive était absent, il ne commençait donc sa demi-journée qu'à dix heures. Il prit son temps pour se préparer, puis alla prendre le bus de ville. Il arriva peu avant la sonnerie de fin de récréation, et remarqua qu'Arthur était absent. Il se nota mentalement de lui envoyer les cours l'après-midi même afin qu'il puisse rattraper au plus tôt. Les deux heures de travaux pratiques passèrent au ralenti, car il termina son travail bien avant le temps aloué – et ordinairement nécessaire. Il fut soulagé lorsque la fin du cours fut enfin annoncée, et partit prendre son bus de retour, croisant sa benjamine qui avait déjà déjeuné et qui s'arrêta en chemin à son club de handball. Elle avait beau clamer le contraire, elle aimait le sport – et sa grande taille l'y aidait quelque peu dans certains cas.

Il arriva devant la porte de leur pavillon et l'ouvrit. Il prépara de quoi se repaître et partit travailler dans sa chambre une fois le repas terminé. Il s'évertua à comprendre la logique de son cours de philosophie, s'acharna sur un exercice de chimie, puis acheva enfin la relecture de son chapitre d'histoire pour une composition à venir. Lorsqu'il eut clôturer sa séance de dur labeur, toute sa famille était rentrée. Il dit bonjour à ses parents et discuta un peu avec sa cadette avant de retourner à l'étage. À son bureau, il installa son ordinateur et son casque, s'assit confortablement devant l'écran, puis démarra un logiciel qu'il connaissait à présent par cœur.

S'affichèrent alors des centaines de lignes de code, prototype encore non fonctionnel d'un jeu de plateforme sur lequel il travaillait depuis les dernières vacances. Lucien avait une passion en dehors de l'école : la programmation informatique. Il en faisait depuis des années, et chaque fois c'était la même chose. Il en oubliait le temps et le monde extérieur, jusqu'à ce qu'on vienne le tirer de son univers fictif où tout était possible avec un peu d'imagination. Aussi prêta-t-il à peine attention à sa sœur qui lui annonça que le reste d'entre eux partaient rendre visite à leur grands-parents et marmonna un vague « à plus » sans même détourner les yeux de l'écran.

Puis il oublia jusqu'à la réalité et replongea au cœur de ce langage électronique, qui lui semblait pourtant bien plus vivant que n'importe quel idiome humain.

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