Chapitre 19 : la recrue

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Junker, Quentin et Diamounder se tenaient face au patron de Goei. Le jeune métis avait bien du mal à le regarder après ce à quoi il avait assisté. Son compagnon métallique sentait son malaise sans grande difficultés. Quant à la fille robotique, elle observait tout autour d’elle avec curiosité comme un petit enfant.

-Alors c’est elle, ta semblable ?

- Elle s’appelle Diamounder. Elle dit parcourir le monde pour trouver d’autres individus comme nous.

- Je vois. Dis-moi, gamine, tu viens d’où ?

- Moi ? Euh… j’ai grandie sur cette planète alors…

- Mmmm… ça ne nous avance guère.

- D’autant plus qu’elle ne connait rien à l’Humanité, dit Quentin. Junker et moi, nous nous proposons de lui inculquer le savoir nécessaire.

Gin se laissa aller dans son fauteuil. Il regarda Diamounder. Si le sexe et le genre de Junker étaient une question encore entière, il était évident qu’il avait sous les yeux un individu féminin.

-Êtes-vous au courant qu’intégrer un autre extraterrestre risque de nous attirer quelques ennuis ?

- Comment-ça ?

- Junker est déjà fort. Mais si on y ajoute le potentiel de c’te gamine, la puissance de Goei grimpera, ce qui n’est pas sans conséquence. Vous en avez conscience ?

-Pour l’instant, on ne peut pas dire que Diamounder soit une grande guerrière, rétorqua Quentin. Il lui faudra un bon moment avant d’atteindre le niveau actuel de Junker.

- Mais si elle est comme moi, alors elle apprendra vite.

- Je vois…

Gin regarda Diamounder.

-Quoi qu’il en soit, je vais en parler au maitre. Pour l’instant, je la place sous votre entière responsabilité. Comprenez bien qu’au moindre problème, vous en assumerez toutes les conséquences. Est-ce claire ?

- Bien sûr ! Dirent Junker et Quentin d’une même voix.

Ils furent autorisés à partir, souhaitant s’entretenir encore un peu avec Diamounder. Alors, le jeune homme pris son compagnon robotique à part.

-Tout va bien ?

- Je… je ne sais pas. Avec elle, tout sera différent, entre nous.

- Comment-ça ?

Quentin regarda le sol.

-Tu sais que je t’aimes, Junker, mais je ne suis pas comme toi. Après tout… je ne suis qu’un humain.

- Mais de quoi me parles, Quentin ?

- Elle…, toi… vous seriez peut-être plus heureux ens…

Soudain, Junker frappa le mur juste à côté de son visage. Le jeune homme en fut pétrifié.

-Quentin… c’est donc ce que tu penses ? Que parce qu’un de mes congénères est là, je vais m’éloigner de toi ?

Il leva la tête, le regardant dans les yeux.

-Mais face à elle, je suis si fragile. Je n’ai rien pour t’aider !

- Tu crois ? Tu crois vraiment que tu n’es qu’un pauvre humain comme les autres ?

Junker recula d’un ou deux pas.

-Je me contrefiche de mes semblables. Le seul pour qui je suis prêt à parcourir le monde, c’est toi, et pas un autre.

Quentin ne répondit rien. Son compagnon lui tourna le dos et alla à la fenêtre.

-Le jour où je t’ai vu, je n’étais pas face à un humain ordinaire. J’étais face au premier, au seul qui ne m’ait jamais vu comme un monstre. J’étais là, face à toi, sous mon apparence la plus bestiale. Et pourtant, tu n’as pas fuis. Tu m’as apaisé par le seul son de ta voix. Tu as provoqué quelque chose qui vibre toujours au plus profond de moi. Et parce que Diamounder est là, tu remet notre relation en question ?

Quentin le regarda.

-As-tu la moindre idée de la peur que je ressens à chaque fois que tu es danger ?

- Justement. Je suis ta faiblesse.

- Non, Quentin, tu es tout sauf ma faiblesse. Tu es la force qui me permet d’apprécier mon existence. Avant que je ne te rencontre, ma vie se résumait à observer les humains. Et depuis, je ne peux m’imaginer retrouver cela. C’est cette peur de te perdre qui me donne la force de me battre, parce que je t’aimes.

-Tu… tu es sérieux ?

Junker revint vers lui.

-Tu n’es pas seulement un humain. Tu es mon homme.

- Ton… homme ?

Quentin voyait qu’il était sincère. L’humanoïde s’approcha encore. Il tendit lentement la main et passa ses doigts derrière sa tête. Doucement, il l’attira à lui et l’embrassa. Le jeune homme écarquilla les yeux de surprise mais se laisser faire. Il se détendit et passa ses bras autour du cou de Junker. Celui-ci lui attrapa les cuisses et le souleva. Quentin s’accrocha autour de sa taille et l’humanoïde le maintenait juste sous les fesses.

-Toi aussi, t’es mon gars, murmura le jeune homme. Et dire que j’ai commencé à douter…

Alors qu’il reculait, Junker fut déséquilibré et tomba sur le matelas. Les deux compagnons en rirent et Quentin le surplomba. L’être métallique posa sa main sur sa joue, venant lui remettre une mèche derrière l’oreille. Tous deux se regardèrent intensément. Le jeune homme adorait ce jeu de regards. Le simple fait de plonger ses yeux dans ceux de l’humanoïde était pour lui un vrai bonheur et provoquait en lui toutes sortes de sensations. Il se sentait à l’étroit dans son pantalon mais il s’en fichait bien. Quentin s’allongea sur Junker et ferma les yeux. Il entendait les battements d’un cœur. Il pourrait rester ainsi des heures. Soudain, la porte s’ouvrit sur Diamounder.

-Grand frère ? Tu fais quoi avec Quentin ?

- Euh…

- Nous profitons simplement l’un de l’autre.

Quentin et lui se redressèrent.

-Grand frère ! Apprends-moi ce que tu sais ! Apprends-moi le monde des Hommes !

- Pourquoi pas. Quentin, crois-tu pouvoir changer cette pièce en salle de classe en une heure ?

Le jeune homme esquissa un sourire.

-En trente minutes !

- Bien. Viens, Diamounder, nous allons t’habiller.

Les deux humanoïdes quittèrent la pièce et descendirent pour se rendre dans une sorte de grand dressing. Junker donna à sa congénère un pantalon et une cape. Il lui donna également des gants et des bottes. Tous d’eux s’équipèrent.

-Dans les cités humaines, interdiction de voler, déclara Junker. Discrétion avant tout. Allez.

Ils sortirent dehors. L’humanoïde orange s’élança, montant sur un petit immeuble avec agilité. Diamounder le regarda avec de grands yeux pétillants. Elle tenta de faire pareille mais dû se servir de ses ailes pour faciliter la manœuvre.

-Désolée.

- Tu t’y feras. Il faut que tu oublies que tu possèdes des ailes. Tu as des facultés physiques plus élevées que ce que tu ne peux le penser. Allez, viens. A cette heure-là, le marché noir est ouvert.

Ils s’élancèrent, bondissant entre les bâtiments. L’être bleue avait bien du mal à ne pas se servir de ses ailes, qu’elle utilisait par instinct. Ils arrivèrent enfin au-dessus d’un grand marché. Diamounder était sans voix. Junker s’agenouilla.

-Observes bien. Que vois-tu ?

- Des humains… qui commercent, non ?

- Mais encore ? Observe bien les clients, leurs gestes, leurs vêtements.

La novice porta son regard sur les éléments cités. Cela n'avait rien à voir avec ce qu'elle avait déjà vue.

-Comme tu le sais, notre acuité visuelle est bien supérieure à celle des humains. Dans l’ensemble, nous les surpassons en tout point.

- On est donc supérieur.

- Ne redis jamais une chose pareille. Ne crois pas que face à une armée, nous serions gagnants. Même face à quelques individus, nous ne pouvons nous permettre de leur faire du mal.

- Pourquoi ? Les forts écrasent les faiblent. C’est ce que j’ai compris de ce monde.

- Mais nous ne sommes pas ce genre de personne puissante. Notre force doit servir à les aider, et non les mettre à bas. Comprend bien que les humains sont des créatures qu’on ne peut mépriser, mais qu’on peut admirer. Toute ma vie j’ai appris nombre de faits à leurs sujets.

- Et ? Qu’il y a-t-il avec ce marché ?

Mais Junker ne lui répondit pas. Il aperçu une femme, tenue par trois gaillards et emmenée à l’écart.

-Fin de la théorie, place à la pratique. Leçon du jour : protéger est notre mission.

Et il s’élança, aussitôt suivi par Diamounder. Ils arrivèrent au-dessus d’une ruelle étroite. La femme était maintenue fermement, un foulard dans la bouche. Les deux autres hommes la touchaient de partout en ricanant.

-Que font-ils ?

- Ce qui arrive souvent. Ils vont la violer. Observe bien comment je m’y prend. Ça peut servir.

Il ne fallut guère plus de quelques secondes à Junker pour sauver la femme à l’aide de sa glace brûlante. Les malfrats s’enfuirent rapidement et l’humanoïde regagna les hauteurs sans attendre. Diamounder resta sans voix.

-Allez, viens, on a encore un peu de temps.

Tous deux repartirent. L’être bleue était admirative de la façon dont Junker s’était adapté au monde des humains. Il s’était même trouvé un rôle, même s’il n’était pas visible. Elle en fit d’ailleurs la remarque.

-Je veux simplement les protéger, répondit-il. Je ne cherche aucune gloire personnelle.

Diamounder acquiesça.

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