Chapitre 31 : un choc puissant

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Durant les jours suivants, Goei n’eut que très peu l’occasion d’intervenir. Il semblait que le message délivré par Junker avait dissuadé plus d’un assassin. A présent, le groupe faisait route vers la dernière ville. Mais y accéder risquait d’être difficile car elle se situait dans la seule chaine de montagne du pays. Les routes étaient très peu entretenues et dangereuses. D’autant qu’elles étaient plutôt fréquentées. Depuis sa moto, Junker partait régulièrement en éclaireur afin de prévenir d’un quelconque obstacle.

-Il y a un virage serré un peu plus loin, annonça-t-il en revenant. Il faudra évacuer la voiture pour ne pas risquer de mort inutile.

-Très bien, dit le conducteur.

La limousine progressait lentement sur la route en terre battue. Celle-ci ressemblant d’ailleurs davantage à un chemin. C’est alors qu’un semi-remorque arriva en contre-sens. Les deux véhicules s’arrêtèrent. Junker conseilla de faire descendre tout le monde afin de laisser les deux conducteurs s’organiser sans prendre de risques. La voiture eut grand mal à faciliter le passage du camion qui menaça de tomber dans le vide à plusieurs reprises.

Le groupe reparti après que la limousine ait réussie à passer. La longueur du véhicule rendit également difficile la passation du virage qui nécessita quelques manœuvres. Junker veillait à ce que tout se passe bien. Heureusement, rien de grave ne se produisit et l’équipe put continuer son chemin. Quentin avisa Junker sur sa moto.

-Je m’inquiètes pour lui.

- Ce n’est pas nouveau, dit Gabriel.

- Non, c’est autre chose… J’ai l’impression qu’il va de moins en moins bien. Il est moins énergique.

- Ce voyage est long, ajouta Jérôme.

Le jeune métis savait que ce n’était pas cela.

-Diamounder, t’en penses quoi, toi ?

- Je le trouve aussi différent. Il est comme… triste.

De son côté, William Decker écoutait sans un mot. Le voyage se continua ainsi jusqu’à ce qu’ils atteignent ladite cité. Une petite ville dont la plupart des habitations étaient en mauvais état. La voiture s’arrêta au niveau de la mairie. Quentin s’empressa de sortir et rejoignit l’humanoïde orange.

-Junker ? Tout va bien. J’ai l’impression que depuis quelques jours…

- Oui, ne t’inquiètes pas.

Le moteur de la moto fut coupé et ils escortèrent le président des États-Unis jusqu’au bâtiment. Là, ils se dispersèrent à travers la ville. Le jeune homme suivit son compagnon.

-Tu es sûr que tu vas bien ?

- Oui.

Mais sa voix habituellement pleine de certitude était cette fois plus éteinte.

-Junker, tu mens. Il y a un truc.

Celui-ci se contenta de le regarder du coin de l’œil. Ils continuèrent à marcher, croisant encore des hommes et des femmes à l’état préoccupant. Quentin aimerait poursuivre la discussion mais il voyait bien que Junker n’avait pas l’intention de s’exprimer. Depuis qu’il le connaissait, il ne l’avait jamais vu ainsi. Quelque chose devait le perturber.

-Et si on achetait à manger ? J’ai une petite faim.

Le biomech acquiesça et ils se rendirent à une échoppe. Là, le jeune homme acheta quelques maigres produits et voulu les partager. Mais Junker les refusa. Quentin eut un air désappointé. Il y avait clairement un problème.

-Allez, repartons, dit l’être orange.

Et ils reprirent leur marche. Le jeune homme avisa Junker. Il n’avait pas faim, tout compte fait. Il donna ses aliments à des enfants qui furent heureux de pouvoir manger.

Le soir venu, Decker ne fit pas de discours. Il s’entretenait en privé avec des hommes de la ville. Junker était sur le toit plat d’un petit immeuble, sous sa forme dragon. Ce n’était pas dans ses habitudes de laisser Quentin, mais il avait besoin de méditer certaines choses. Alors, un cri bref et une odeur de sang l’attirèrent. Aussitôt, la bête s’élança. Il redoutait ce qu’il allait découvrir mais il ne pouvait laisser d’humain souffrir. Il s’arrêta. L’odeur venait d’une petite maison en tôle. Il entendait une femme pleurer. Junker chercha un moyen de voir ce qui s’y passait. Son ouïe et son odorat ne suffisaient pas.

Le biomech n’aurait pas dû. Au travers d’une petite fenêtre, il vit la femme, tenant son enfant dans un bras et un couteau dans l’autre. Il ferma les yeux. Ainsi, cette mère avait tué sa progéniture d’à peine un an. La bête de métal s’assit et observa. Cela le répugnait.

-Chéri ? Dit la femme d’une voix éteinte. On… on aura de la viande ce soir.

Choqué, Junker se redressa et fit un pas en arrière. Ses yeux s’écarquillèrent et son corps se mit à trembler. Il vit l’homme saisir le cadavre et quitter la pièce. La mère tendit la main, dans une tentative veine de le retenir. Junker chancela. Alors, il s’effondra sur le dos. Il sentait une affreuse douleur dans son cœur. Son souffle en était coupé. L’humanoïde se recroquevilla sur le côté, luttant contre cette douleur.

Diamounder déposa Quentin sur le toit de l’immeuble.

-Junker ! Eh !

Il s’agenouilla et prit son compagnon par l’épaule.

-Eh ! Qu’est-ce qui t’arrive ?! Réponds !

-Son cœur est arrêté, dit Diamounder.

-Quoi ?! Junker !

Il le mit sur le dos et se mit à lui compresser le thorax par à-coups réguliers.

-Tu me fais quoi là ?! S’exclama le jeune homme. Je t’ordonne de repartir ! Allez !

Junker n’était pas inconscient mais tout son corps était crispé. Quentin se mit à pleurer.

-Je ne te laisserai pas m’abandonner ! Junker ! Espèce d’abruti !

Mais l’humanoïde n’eut aucune réponse. Quentin devait trouver une solution, et vite. Abandonnant ses massages, il attrapa le visage du biomech et l’embrassa. Presque aussitôt, Junker se détendit. Son souffle s’apaisa et Diamounder entendit son cœur repartir. Quelques minutes s’écoulèrent avant que le jeune homme ne daigne se redresser.

-Comment t’as pu me faire ça ?...

Junker ne prononça pas le moindre mot. Il se contenta de le regarder dans les yeux.

-Comment… comment t’as pu faire un arrêt cardiaque, hein ?

L’humanoïde s’assit. Il fixait le sol. Alors, Diamounder tourna la tête. Dans la maison, les deux humains mangeaient. Mais l’odeur de viande n’était pas habituelle. Elle tapota l’épaule de Quentin et lui fit regarder par la fenêtre. Le jeune homme compris aussitôt, voyant l’air perturbé de la petite biomech. Doucement, il enlaça Junker et ne prononça pas le moindre mot. Il comprenait ce que son compagnon devait ressentir. La barbarie des Hommes n’avait aucune limite.

-Je suis désolé, fini-t-il par dire.

Junker ne répondit pas. Diamounder se mit à quatre pattes et vint consoler son grand frère. Ils restèrent ainsi de longues minutes. Au bout d’un moment, ils finirent par perdre la notion de temps.

Ce fut l’aube qui les fit réagir. Quentin ne comprit pas tout de suite. Ils étaient restés ainsi toute la nuit. Le regard de l’être orange était perdu dans le vide.

-Junker ?

- Allez, dit-il en se redressant. Il faut retrouver Gabriel et Jérôme.

Diamounder reprit sa forme humanoïde. Quentin prit la main de son compagnon. Celui-ci lui ne lui adressa guère plus d’un coup d’œil. Il remit sa capuche, son cache-cou et se laissa tomber au sol, se dirigeant vers la mairie. La petite humanoïde tourna la tête.

-Il ne vas pas bien du tout, pas vrai ?

- Ce voyage est en train de le détruire.

Elle déploya ses ailes, l’attrapa sous les bras et le descendit. Quentin accourut auprès de Junker.

-Il faudra qu’on discute, toi et moi.

- De quoi ? Ce que tu as vu n’a pas besoin d’explications.

- Je m’inquiète pour toi. Plus on avance, plus tu t’enfonces. Tu es fort, Junker, et je n’ai pas en douter. Mais ce que tu affrontes… nécessite un peu d’aide.

-Ce sont mes problèmes.

Cette fois, c’en été trop. Quentin se planta devant Junker et l’arrêta.

-Non mais tu joues à quoi, là ? Depuis le début de ce voyage tu n’es plus avec moi ! On dirait que tu m’évites !

-Je t’assures que tout va bien, ne te tracasses pas.

Quentin appuya sa tête sur le torse de l’humanoïde et laissa les larmes couler.

-Tu crois que j’suis idiot à ce point ? Pas plus tard qu’il y a quelques heures, tu as fait une crise cardiaque et tu veux que fasse comme si de rien n’était ? Mais il t’arrive quoi à la fin !

Il lui donna un petit coup. Junker le regarda. Alors, il prit Quentin dans ses bras.

-Tu as raison… Je ne supportes plus de voir ces humains souffrir. Pour la première fois… j’aimerai juste rentrer. Rentrer et… être avec toi.

- Ne t’inquiètes pas. Encore un peu de patience.

Ils reprirent leur route. Être contre l’humanoïde apaisait le jeune homme. Ils rejoignirent la mairie où les attendaient déjà Jérôme, Gabriel et William Decker. Ils se saluèrent et Quentin dû à regret quitter Junker. Diamounder arriva en piqué et monta dans la voiture sans que personne ne l'aperçoive. Son congénère enfourcha sa moto et ils partirent. Decker avisa Quentin qui essuya vite quelques larmes. L’homme ne prononça pas le moindre mot.

-Quentin ? Demanda finalement Gabriel. Tout va bien ?

L’intéressé acquiesça d’un léger signe de tête.

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