Chapitre 3 : Coéquipiers
Deux jours plus tard, Maya était assise seule dans la salle 103, les bras croisés et les feuilles du programme du concours étalées devant elle. Il était 16h12. Leo avait douze minutes de retard.
Elle essayait de ne pas le prendre personnellement. Vraiment. Elle relisait les consignes du concours, qui comprenaient une première épreuve de lecture expressive, une analyse littéraire à deux voix, et – le cauchemar absolu – une mise en scène libre d’un extrait choisi.
Super. Une pièce de théâtre. Avec Leo.
La porte grinça.
« Salut ! » dit-il, les cheveux en bataille, un sac à dos déformé sur l’épaule. « Je suis pas si en retard, non ? »
« Si. »
« J’ai une bonne excuse : j’ai pas de montre. »
Maya leva les yeux au ciel.
Leo s’installa en face d’elle, étalant un tas de feuilles cornées. Elle s’attendait à des dessins ou des gribouillages. Mais il avait pris des notes. Vraiment. Illisibles, certes. Mais il avait essayé.
« Alors, par quoi on commence ? » demanda-t-il, tout sourire.
Elle le fixa, méfiante.
« Par toi qui écoutes au lieu de parler. »
Il leva les mains, faussement blessé.
« Promis. Je suis en mode “je me tais et j’apprends”. »
Ils commencèrent par lire un extrait de Les Misérables. Leo lisait bien. Trop bien. Il avait une voix posée, claire, qui donnait vie aux mots. Maya ne voulait pas l’admettre, mais… c’était impressionnant.
Après une heure, elle avait presque oublié qu’elle détestait être là avec lui.
Ils discutèrent d’un poème de Neruda. Il fit une remarque sur la façon dont certains vers « ressemblaient à une chanson triste qu’on n’ose pas écouter jusqu’au bout ». Maya le regarda, un peu trop longtemps.
« Quoi ? » demanda-t-il.
« Rien. Juste… t’es moins bête que ce que tu fais croire. »
Il sourit. Un vrai sourire. Pas moqueur.
« Toi aussi, t’es moins froide que ce que t’essaies d’être. »
Le silence les enveloppa. Un silence bizarre. Un silence qui semblait dire : Et si… on s’était trompés l’un sur l’autre ?
Quand elle se leva pour ranger ses affaires, il se pencha pour ramasser un marque-page tombé. Leurs mains se frôlèrent. Rien de spectaculaire. Mais assez pour que Maya sente une drôle de chaleur dans la poitrine.
Leo la regarda.
« On se revoit demain ? »
Elle hocha la tête, doucement.
« Ouais. Demain. »
Et pour la première fois depuis l’annonce du concours, elle rentra chez elle sans vouloir fuir.
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