Les jours passèrent, remplis de pages lues, de phrases soulignées, de silences de moins en moins gênants.

Leo était devenu… différent. Il ne se moquait plus. Il écoutait. Il posait des questions sur les auteurs, sur les mots. Il écrivait même des phrases dans un carnet noir qu’il refusait de lui montrer.

« C’est quoi ce carnet ? » demanda-t-elle un mercredi.

Il le rangea aussitôt.

« Rien. Des notes. »

Elle haussa un sourcil.
« Des secrets ? »

« Des trucs que je préfère écrire que dire. »

Elle ne répondit pas, mais elle comprenait. Elle aussi avait des phrases qu’elle n’avait jamais dites.

Ce jour-là, elle lui lut un poème de Rainer Maria Rilke. Elle ne savait même pas pourquoi. Il ne l’avait pas étudié, c’était hors concours. Mais elle avait envie de partager.

Elle lut doucement :

« Peut-être que tous les dragons de nos vies ne sont que des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. »

Leo ne répondit pas tout de suite.

Puis, la voix basse :

« Tu crois qu’il parlait d’amour ? »

« Je pense qu’il parlait de la peur d’aimer. »

Il hocha lentement la tête.

« Tu sais, Maya… Est-ce que t’as déjà eu peur d’aimer quelqu’un… qui pourrait ne jamais te voir autrement que comme un ami ? »

Elle s’arrêta. Son cœur battait plus fort.

« Oui. »

Il releva les yeux. Il souriait, mais sans joie.

« Moi aussi. »

Puis il se leva. Il rangea ses affaires.
Et ce jour-là, ils partirent sans un mot de plus.

Mais dans la tête de Maya, quelque chose tournait en boucle :
"Quelqu’un que je connais ?"
"Et si c’était moi ?"