"D'amour ou d'amitié", la chanson s'élève dans la pièce. Cette chanson, c'est lui et moi. C'est notre histoire à nous deux. J'avais 15 ans. Ce soir là dans la salle des fêtes de la mairie, la porte s'est ouverte. Je me suis retournée et je l'ai vu : des cheveux noirs, frisés, oh oui, ils étaient frisés, tellement. Il avait un tee-shirt jaune, un jogging gris sans tenue et des mocassins marron clairs, un peu râpés. Mais sur son visage, il y avait le plus incroyable des sourires et ce sourire a fait toute la différence. Au moment où mon regard a croisé le sien, je me suis dit « Il sera mon mari et le père de mes enfants ». J'avais 15 ans, il en avait plus que moi, des années.
Il est devenu mon mari, il est devenu le père de mes enfants. Il a continué à porter son tee-shirt jaune et ses mocassins marron. Il m'a fait entrer dans son cercle de danse, il m'a fait voir la montagne autrement, me faisant partager ses passions. Il a fait de ma vie un festival de valses et de mazurkas, il a fait de mes rêves un chapitre insensé, il m'a fait vivre 1000 instants de tendres passions. Il a fait de moi une maman, sans jamais cesser de me faire tourner sur les pistes de danses, sans jamais cesser de sourire, même quand les enfants nous faisaient tourner en bourrique. Le seul papa qui grondait avec un sourire dans les yeux, comme si, pour lui, l'essentiel était ailleurs, comme s'il pressentait que chaque seconde avec eux était précieuse. Il disciplinait à contrecœur, il chassait les contrariétés et revenait à ce qu'il faisait si bien : sourire.
Il n'a pas demandé ma main, c'est moi qui la lui ai prise, la sienne. Il ne m'a pas fait de grandes déclarations, il a laissé ses yeux, son sourire parler. Et la valse a fait le reste. Il m'a emmenée vers la plus incroyable des aventures, il m'a laissée lui dire « oui », il m'a donné en cadeau son nom de famille. Il ne m'a rien promis, juste m'a-t-il dit « je te rendrai ta liberté ». Il a porté mes années d'adolescence, il m'a accompagnée sur le chemin qui transforme les jeunes filles en femmes.
La vie a germé trois fois en moi et après ça, c'est la Maladie qui a fleuri en lui et il s'est éteint. Son sourire est resté figé sur son doux visage. La merveilleuse chaleur de son être extraordinaire est demeurée en nous, en moi, au moment où j'ai pris la main de mes enfants, au moment où j'ai glissé son alliance à mon doigt.
Je n'oublierai jamais la force de son amour, je n'oublierai jamais les merveilleux moments à ses côtés, je n'oublierai jamais à quel point il m'a rendue heureuse. Il est une part de moi, il est ce qui fait que je suis devenue meilleure, plus forte, plus sage, plus humaine.
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Si douleur il y a, c'est dans l'intensité brûlante du manque de son absence, de la violence de cette épreuve, du quotidien sans lui. Cet Everest que je gravis chaque jour. Je sais qu'il veille sur moi, sur nous, mais il me manque qu'il se réveille près de moi. Je suis triste.