J23 - Le phare des Baleines
L'Ile de Ré propose des paysages formidables,
entre terre et mer,
ceinturés par les eaux de l'océan.
Par cette publicité, j'ai vendu à Simone les qualités de ce lieu de villégiature pour prendre quelques jours de vacances avec elle dans un mobil-home d'un camping près de La Flotte. Plus encore, en raison de la période hors saison estivale, car il devient possible de profiter des chemins de randonnées sans être sans arrêt submergé par les cyclistes qui laissent, indisciplinés, peu d'espace aux promeneurs.
Plusieurs centres équestres comme le Haras des Évières disposent de nombreux chevaux en pâture pour la pratique de l'équitation en manège ou en rando. Nombre de circuits à pied permettent de contourner les villages et de traverser des zones boisées riches en essences variées mais aussi des terres en vignobles.
Comme chacun le sait sans doute, après la récolte, les Rhétais proposent un vin en liqueur au nom de Pineau des Charentes, disponible en trois couleurs, si agréable par cette saveur mélangée de moûts de raisins et de Cognac.
Ainsi donc, en ce mois d'octobre, nous roulons en voiture depuis notre Camping des Peupliers et longeons, par la départementale, l'une des côtes de l'île. Il suffit de se déplacer sur quelques kilomètres pour apercevoir l'océan Atlantique sur notre droite puis, après le village de La Couarde, cette fois sur notre gauche.
Au niveau du Martray, la D735 offre alors une route en remblais sur une digue, cernée par les eaux dont celles des bassins de marais salants. Le soleil décline très vite en cette fin d'après-midi. Je veux arriver à l'extrémité nord-ouest de l'île pour voir juste à temps, le coucher sur l'horizon. Peut-être verrons-nous ce fameux rayon vert évoqué, de façon si romantique, par mon auteur préféré, Jules Verne.
La luminosité de cette journée finissante offre une réflexion extraordinaire sur les terres et surtout sur les bassins des ostréiculteurs comme autant de pierres précieuses. La route sinue entre les dunes et les plans d'eau où niche quantité de volatiles. On traverse la Tricherie et enfin Saint-Clément-des-Baleines.
En poursuivant encore quelques centaines de mètres, on débouche sur une aire dégagée, couverte d'emplacements de stationnements, mais sans aucune automobile. Abandonnant le véhicule, d'abord désorientés, on finit par s'infiltrer à pied dans une sorte de village miniature qui en réalité se constitue de boutiques et de restaurants, en grande partie désertés à cette époque de l'année.
Le Phare des Baleines de forme octogonale, datant de 1854, domine l'horizon immédiat. En toile de fond, le jour décline très vite et l'ambiance semble irréelle. Le ciel se pare de tonalités mauve, rouge, orange et or.
Une digue longe la côte rocheuse, faite de nombreux espaces circulaires en pierres qui constituent des bassins, comme autant de facettes et d'éclats d'un grand miroir naturel. Les surfaces étales se troublent parfois du déplacement ou du survol d'un volatile, la respiration d'un poisson.
En arrière-plan, se dessinent les contours de la vieille Tour des Baleines, datant de 1682, qui semble défier le ciel, inaltérable à l'érosion par les éléments naturel. Tel un vieux soldat, elle monte à jamais la garde. À cet instant, le temps devient palpable.
Des messages laissés par des anonymes s'inscrivent en capitales sur la pente bétonnée de la digue. Ils se composent de galets. D'autres plus symboliques, sans doute inspirés par des pratiques orientales, s'affichent en superposition de belles pierres rondes comme autant de stalagmites, de cheminées, de minarets dressés vers le firmament.
À présent, une brume de chaleur très légère prend en douceur ses quartiers.
Des courants marins tracent des rivières sur l'immensité sombre de l'océan.
Simone et moi, assis l'un contre l'autre, face à ce spectacle grandiose, restons sans voix. Nous prenons notre place dans cette belle harmonie. Des cris stridents émis par des goélands ou des mouettes percent l'air ambiant comme pour adresser un message de ralliement afin de passer la nuit en famille.
Des lanternes s'allument sur l'horizon, au-delà du Perthuis breton, traçant un collier de perles ou de lucioles, pour signaler de petites villes côtières, la Tranche et Jard-sur-Mer ou plus loin encore, les Sables- d'Olonne. Dans le ciel, le faisceau du phare diffuse de façon visible son rayon, comme le laser d'un grand guerrier de pierre. Et son dard lumineux défie à distance les éclats venant de ceux du continent tout proche.
On se resserre davantage, pour se réchauffer de la brise du soir qui se lève. Nous admirons la magie de ce jour déclinant. Il nous adresse en majesté, un adieu. Nous le remercions en silence de nous offrir ainsi cet écrin sous la voute scintillante et étoilée.
Voici venir la Voie Lactée.
Nous nous sentons minuscules et privilégiés devant tant de beautés, au pied du Phare des Baleines.
=O=

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