J25 - Aux portes de l'enfer !

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En attendant l'arrivée de ses amis, Antoine s'intéressait à un dossier qui traitait des phénomènes climatiques sur ces dernières années. Les éléments quantitatifs lui paraissaient édifiants.

" Depuis quelques temps déjà, des menaces s'accumulent partout dans le monde avec une recrudescence de catastrophes naturelles, des tornades, des pluies diluviennes et des incendies. Et cela sans évoquer les conflits armés et les dissensions sociales.

Si l'on ne s'intéresse qu'aux aspects liés au réchauffement climatique en France, plusieurs régions sont impactées : le pourtour méditerranéen dans sa globalité avec le massif des Corbières, les Albères, les Maures et l'Esterel. Même de grandes villes en sont victimes comme Marseille.

Qui ne se souvient pas des crues dans la vallée de la Roya en 2020 avec 10 morts et 8 disparus ? Quelles ne sont pas les angoisses des résidents des Cévennes : vingt-trois décès avec la rupture de la digue d'Aramon en 2024 ? Le bilan des inondations dans l'Aude concerne dix-neuf mille maisons et cinq mille sept cents voitures pour un montant de 198 M€ de dégâts.

Et pourtant la pluviométrie nous indique que le département des Hautes-Pyrénées arrive en tête avec deux mille millimètres de pluies par an. En réalité les phénomènes qui se produisent, apportent de fortes précipitations en un laps de temps très court. Les effets sont sans appel : surcharge des réseaux d'eaux pluviales, l'artificialisation, le drainage et l'érosion des sols, les glissements de terrains.

Dans ces circonstances, les problématiques sont de taille, Les gens se sentent démunis. Ils ont peur de tout perdre. Et si les phénomènes climatiques se conjuguent ! Lors des incendies, les pompiers et la sécurité civile traversent l'enfer. Plus encore quand ils doivent lutter contre le vent. On sait que 90% des départs de feux émanent des activités humaines..."

Antoine repose son magazine Géo et allume la télévision pour regarder France Info. Ils repassent des images des incendies au mois d'août. Un journaliste avec un casque sur la tête et un masque sur le visage s'exprime à proximité d'un poste avancé du SDIS. Le bandeau au bas de l'écran annonce Derniers évènements de la nuit dans les Landes.

— Depuis la nuit précédente, la forêt entière se consume et des fumées âcres emplissent tout l'air ambiant. Déjà vingt-huit départs de feux et trente-un hectares touchés sur les territoires des Landes et de la Gironde pour ce mois d'août.

Le sujet aborde les restrictions d'eau, les fumées toxiques, les risques de reprise. Selon une animation graphique, le feu couve dans l'épaisseur du sol et peut repartir à tout instant. Les gens, se protégeant au mieux, dissimulent leurs visages derrière des masques ou des mouchoirs imbibés. Les forces de sécurité, malgré des renforts de la protection civile et des pompiers d'autres régions, se battent pied à pied.

Mais il n'a pas le temps de poursuivre ses réflexions. Ses anciens collègues et Simone arrivent en voiture dans la cour. Il baisse le volume de la télévision et vient ouvrir par la porte vitrée de sa cuisine. Moustache émet tout juste quelques jappements, histoire de signaler qu'il fait le job. Très vite, il bondit à l'extérieur pour fêter la compagnie.

— Tu regardes les infos, Antoine ? claironne Julien en arrivant.

Antoine lui fait l'accolade et répond tout en se dirigeant vers le suivant.

— Ouais, et... question climat, c'est pas terrible. Entre les cyclones, les incendies, les tornades, les séismes, les inondations et les glissements de terrain et les épisodes de sécheresse et de canicule.

— Tu te demandes où on peut habiter pour être tranquille ? rebondit Juju, tout sourire.

Antoine lui fait la bise et salue Lionel.

— Ben dans l'Aisne et même la Picardie, on n'est pas trop embêtés.

— Mais si, on a eu des crues de l'Aisne et de l'Oise, riposte Antoine.

— Et la tornade dans le Val d'Oise à Saint-Prix l'autre jour. Impressionnant ! soutient Juju.

— Allez-y entrez, entrez. Posez vos bouteilles et vos amuse-bouche sur le buffet dans la salle à manger et passez-moi les manteaux que je vous débarrasse.

Antoine disparaît dans sa chambre et se libère de son fardeau.

— Mais là voilà, ma Simone ! dit-il en revenant dans le séjour.

Simone cherche la télécommande.

— Attend, t'embêtes pas, je vais éteindre et préparer l'apéro.

— Je viens t'aider ! lui répond Simone.

Tous les deux se dirigent dans la cuisine laissant leurs amis poursuivre la discussion amorcée dans la cour. Une fois à l'abri des regards, elle se serre contre lui et l'embrasse avec tendresse.

— Tu m'as manqué, mon Antoine.

— Toi plus encore !

— Non, toi plus.

— Tiens une jolie rose de mon jardin pour mettre dans tes cheveux.

— Merci, mon Antoine.

— J'ai préparé des amuse-gueules dans des raviers. Il faut ajouter ceux que vous avez apportés. Je prends les bouteilles d'alcool. Tu pourrais récupérer les bières. Dans le bas du frigo.

Dans le salon, la conversation se poursuit entre Julien, Juju et Lionel.

— Quand on regarde. Ça n'arrête pas.

— Le sol a tremblé en mars et plusieurs maisons ont souffert du côté de Nice à Coaraze.

— Et ben, t'en as eu un de séisme, en septembre, dans la vallée d'Aspe.

— C'est dans l'Ariège, annonce Juju.

— Mais non, le Béarn, lui rétorque Lionel.

— Ah oui. Je confonds avec le Portet d'Aspet.

— Tu sais, y'en a tout le temps, annonce Julien un peu professoral. Justement, j'ai vu ça sur un site spécialisé. Entre les carrières de mines et les séismes. T'as un truc tous les jours, mais avec des magnitudes très faibles.

— En tout cas, pluies et sécheresses ne font pas bon ménage.

— C'est sûr ! Quand tu vois des lézardes sur les fondations de maisons assez récentes, des chutes de tuiles, d'ardoises ou de cheminées suite à des épisodes de grêles et de vents violents.

— Et les blessés. Faut gérer les handicapés et les personnes âgées. Parfois, résidant dans des maisons anciennes, en zones inondables. Ils sont vite dépassés, les pauvres.

— T'ajoutes derrière, les syndromes. Les gens crèvent de peur de se retrouver prisonniers sous les gravats ou noyés dans la cave ou la voiture.

— Un peu comme sous les bombardements en Ukraine et dans la bande de Gaza.

— Oui. Alors là, c'est autre chose, affirme Julien.

— Quand je vois ces pauvres gens, leurs villes sont rasées. Ils n'ont plus rien et ne savent où aller, annonce Simone prise par l'affect.

— C'que je vois moi, explique Antoine, c'est les défis énormes auxquels il faut faire face pour venir en aide à tous ces gens. Si tu prends le tremblement de terre au Maroc en septembre 2024. Trois mille morts, cinquante mille sinistrés. Ils vivent encore sous tente en attendant la reconstruction de leurs maisons.

— Ça manque de solidarité à l'échelle mondiale. Dans ces circonstances, on devrait pouvoir mettre de côté, la politique, l'idéologie, les croyances et les philosophies.

— Exact, je partage cette brillante remarque. Allez, on trinque ! propose à la cantonade Antoine.

— À l'amitié !

— À l'amitié !

Pendant que la fine équipe profite d'un moment de partage, le monde continue à tourner. Faut-il s'émouvoir des pluies diluviennes, de l'érosion des sous-bois, des champs et des prairies, des vergers, charriant des quantités phénoménales de boues et de déchets végétaux.

Dans certains villages, les rus gonflent les rivières, empruntant la moindre ruelle. L'artificialisation des sols n'arrange rien. Entre les incendies et les stress hydriques, le renouvellement des nappes phréatiques, les forêts qui souffrent et peinent à jouer leur rôle de capteur de carbone.

— Et vous allez voir les primes d'assurance. Ça va cogner.

— Et les virus !

— Ah non, tu n'vas pas casser l'ambiance !

— Oh ! Mais tu sais, j'parle même pas de la Covid ou de la vache folle. Rien que la grippe aviaire. Dans l'Aisne, on n'est pas mal concernés. Les maires ont pris des arrêtés pour confiner les élevages privés.

— C'est pas faux !

— Logique !

— Tant qu'on y est. Parlons des oracles, se lance la Juju. Le passage à l'An 2000, le calendrier Maya avec la fin du monde le 12 décembre 2012. Les prédictions de Nostradamus, "Tôt ou tard, vous verrez de grands changements, des horreurs épouvantables et des vengeances."

— Les Enfers en somme ! résume Julien.

— En attendant, notre planète Gaïa emporte avec elle ses seuls passagers.

— Avec les apéros !

— Ça serait mieux !

— Et dire qu'ils veulent déjà s'installer sur Mars.

— Ben tu sais, avec tous les vestiges qu'on retrouve sur Terre. On peut penser que des civilisations plus avancées nous ont précédés.

— Y'a 12 000 ans, affirme Juju, j'ai lu un truc là-dessus, à moins que ce soit sur BFM. J'sais plus.

— En tout cas, pour la prochaine catastrophe, on s'ra plus là pour la voir.

— Allez Antoine, ressert à boire. Faut noyer notre ascenseur émotionnel.

Ils levèrent tous en cœur leur godet en faisant tinter les verres et Moustache aboya pour participer.

=O=

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