Sous les racines du pin
Appolia avait tout pour être la jeune fille la plus heureuse du Royaume du Soleil. Enfant choyée des souverains, elle avait été dotée d’une magnifique beauté physique par la déesse Aphrodite.
Cette dernière l’avait bénie du don de charmer ceux qui l’entouraient, dès son plus jeune âge.
Ce qui devait arriver arriva. Gâtée à l’excès par ses parents, ses serviteurs et ses suivantes, Appolia grandit sans jamais rien se voir refuser.
Elle éclatait d’affreuses colères dès qu’on lui refusait quoi que ce soit, mais on lui pardonnait ses accès de rage parce qu’elle les faisait oublier par des caresses, des mignonneries et des promesses qu’elle ne tenait pas.
Ce matin-là, la porte de la salle de conseil s’ouvrit en grand fracas. Appolia pénétra dans la pièce en trombe, échevelée, sous les regards médusés des Anciens.
- Père ! Je veux une nouvelle suivante !
Le Roi se leva de son fauteuil.
- Ma fille, nous sommes en plein conseil, veux-tu bien—
D’un geste bref, Appolia coupa court à son discours.
- Je veux une nouvelle suivante. Martha vient de me quitter pour accoucher. Quelle idée d’avoir des enfants, aussi. J’ai besoin de quelqu’un pour la remplacer.
- Appolia, nous sommes en—
- Je veux une nouvelle suivante.
Le Roi soupira et céda, une fois de plus.
- Tu peux avoir une nouvelle suivante. Je te laisse la choisir.
- Père, vous êtes le meilleur.
Appolia quitta la pièce sans lui accorder un regard de plus, dans les murmures des Anciens qui blâmaient le Roi de céder à tous les caprices d’une si grande enfant.
- Elle. C’est elle que je veux.
Daphné laissa tomber son arc de surprise.
Servante d’Artémis depuis ses douze ans, elle s’entraînait dans la salle d’armes du temple avec ses sœurs.
Elle avait appris la nouvelle lubie de la Princesse sans grande surprise, mais ne s’était pas attendue à la voir débarquer au milieu du temple sans même prévenir la Supérieure.
Cette dernière s’avança calmement, l’air sévère.
- Les Vierges d’Artémis sont vouées au service de la Déesse, et non à votre libre plaisir, Princesse.
- Je veux cette fille.
- Non.
Appolia tenta tout : les yeux doux, les supplications, la colère, les menaces, les promesses. Rien n’y fit. La Supérieure resta inébranlable.
- Je reviendrai !
Sur cette dernière menace, Appolia disparut, semant le trouble et l’inquiétude parmi les jeunes recrues.
Quelques jours plus tard, Daphné lança une partie de chasse à cheval avec ses sœurs. À la poursuite d’un lièvre, elle atteignit bientôt le haut de la falaise qui surplombait la mer.
Elle eut à peine le temps de remarquer qu’elle était seule lorsque plusieurs hommes surgirent des buissons. Des serviteurs d’Appolia.
Ils tentèrent de capturer Daphné, mais ils effrayèrent sa monture et Daphné tomba au sol. Ses sœurs arrivèrent à cet instant, mais les hommes s’enfuirent.
Elles arrivèrent trop tard… Daphné s’était brisé le cou en tombant.
Les jeunes femmes enterrèrent leur compagne sous les racines d’un grand pin, aussi grand que leur amour pour elle.
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